L’expérience CLOUD résout l’énigme de la formation de nouvelles particules d’aérosol dans la troposphère supérieure

Communiqué de presse publié par la CERN le 4 décembre 2024

Selon une récente étude du projet CLOUD ( Cosmics Leaving Outdoor Droplets) mené au CERN, l’isoprène émis par les forêts tropicales pourrait être une source importante, à l’échelle mondiale, d’aérosols atmosphériques influençant la formation des nuages. Les résultats ont été publiés le 4 décembre 2024 dans la revue Nature.


Les aérosols sont de minuscules particules en suspension dans l’atmosphère issues aussi bien de sources naturelles que de sources anthropiques. Ils jouent un rôle important dans le système climatique de la Terre, car ils peuvent conduire à la formation de nuages et influencer la réflectivité et la couverture de ceux-ci. La plupart des aérosols proviennent de la condensation spontanée de molécules présentes dans l’atmosphère, et ce, même à des concentrations très faibles. Cependant, les vapeurs responsables de leur formation ne sont pas bien connues, en particulier celles présentes dans la troposphère supérieure lointaine.

L’expérience CLOUD du CERN est conçue pour étudier la formation et la croissance des particules d’aérosol atmosphériques dans un environnement contrôlé en laboratoire. Elle comprend une chambre ultra-propre de 26 m3 et un ensemble d’instruments de pointe qui analysent son contenu en permanence. La chambre contient un mélange de gaz sélectionnés avec soin dans des conditions atmosphériques, dans lequel des faisceaux secondaires de pions chargés sont envoyés depuis le Synchrotron à protons du CERN afin de reproduire l’influence des rayons cosmiques galactiques.

« Depuis une vingtaine d’années, on observe de hautes concentrations d’aérosols en altitude au-dessus de la forêt amazonienne, mais la source de ces particules restait jusqu’à présent une énigme, explique Jasper Kirkby, porte-parole de CLOUD. Notre dernière étude montre qu’elles proviennent de l’isoprène émis par la forêt tropicale, qui s’élève dans des nuages de convection à de hautes altitudes, où il s’oxyde pour former des vapeurs hautement condensables. L’isoprène constitue une source importante de particules biogéniques, tant dans l’atmosphère actuelle que dans celle de l’ère préindustrielle, source qui fait actuellement défaut dans les modèles de chimie atmosphérique et les modèles climatiques. »

L’isoprène est un hydrocarbure composé de cinq atomes de carbone et huit atomes d’hydrogène. Émis par des arbres latifoliés et d’autres végétaux, c’est, en dehors du méthane, l’un des hydrocarbures les plus abondants qui soient libérés dans l’atmosphère. Jusqu’à présent, on estimait que la capacité de l’isoprène à former de nouvelles particules était négligeable.

Les résultats de l’expérience CLOUD viennent changer la donne. En étudiant comment les radicaux hydroxyles réagissent avec l’isoprène aux températures de la troposphère supérieure, comprises entre -30 °C et -50 °C, les chercheurs ont découvert que les produits de l’oxydation de l’isoprène forment d’abondantes particules à des concentrations ambiantes d’isoprène. Cette nouvelle source de particules d’aérosol n’implique pas de vapeurs supplémentaires. Cependant, quand de très faibles doses d’acide sulfurique ou d’oxoacides d’iode sont introduites dans la chambre de CLOUD, on observe une multiplication par cent du taux de formation d’aérosol. Bien que l’acide sulfurique soit principalement issu d’émissions de dioxyde de soufre anthropique, les concentrations d’acide utilisées par l’expérience CLOUD peuvent aussi provenir de sources naturelles.

En outre, l’équipe a découvert que les produits de l’oxydation d’isoprène entraînaient une croissance rapide des particules, leur faisant atteindre une taille à laquelle elles peuvent contribuer à la formation de nuages et influencer le climat, un comportement qui persiste en présence d’oxydes d’azote produits par la foudre à des concentrations que l’on trouve dans la troposphère supérieure. Après s’être développées de façon continue et être descendues à des altitudes plus basses, ces particules peuvent contribuer de façon importante, à l’échelle mondiale, à la formation de nuages continentaux ou marins peu épais, ce qui a une influence sur l’équilibre radiatif de la Terre (la quantité de rayonnements solaires entrants comparée aux rayonnements à grande longueur d’onde sortants).

« Cette nouvelle source de particules biogéniques présente dans la troposphère supérieure pourrait influer sur l’estimation de la sensibilité du climat terrestre, puisque cela signifie qu’une plus grande quantité de particules d’aérosol ont été produites dans l’atmosphère pure de l’ère préindustrielle qu’on ne le pensait initialement, ajoute Jasper Kirkby. Cependant, tant que nos résultats n’auront pas été évalués dans des modèles climatiques mondiaux, il n’est pas possible de quantifier cet effet. »

Les découvertes de CLOUD concordent avec les observations faites par avion au-dessus de l’Amazonie, comme il est rapporté dans une étude accompagnant le même numéro de la revue Nature. Ces deux études combinées donnent une image convaincante de l’importance de la formation d’aérosols issus de l’isoprène et de sa pertinence pour l’atmosphère.

Depuis le début de son exploitation en 2009, l’expérience CLOUD a mis au jour plusieurs processus de formation et de croissance des particules d’aérosol dans différentes régions de l’atmosphère terrestre.

 « En plus d’aider les spécialistes du climat à comprendre le rôle essentiel joué par les aérosols dans le climat terrestre, les nouveaux résultats de CLOUD démontrent la richesse et la diversité du programme scientifique du CERN, ainsi que le potentiel de la science s’appuyant sur des accélérateurs pour répondre aux défis sociétaux », souligne Joachim Mnich, directeur de la recherche et de l’informatique du CERN.

Isoprène
La nuit, l’isoprène provenant des forêts est transporté efficacement jusqu’à la troposphère supérieure par des nuages de convection. Le jour, l’isoprène accumulé durant la nuit et celui produit durant la journée réagissent avec les radicaux hydroxyles et les oxydes d’azote (Nox) émis par la foudre, pour produire des molécules organiques oxygénées d’isoprène. Ces molécules se combinent avec des acides à l’état de traces pour produire des concentrations élevées de particules à des températures inférieures à -30 °C. Les particules nouvellement formées croissent rapidement au cours des heures et des jours qui suivent, tout en suivant les masses d’air descendantes. Ce processus pourrait constituer une source importante de noyaux de condensation pour les nuages continentaux ou marins peu épais, influant sur l’équilibre radiatif de la Terre. 

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16 réflexions au sujet de « L’expérience CLOUD résout l’énigme de la formation de nouvelles particules d’aérosol dans la troposphère supérieure »

  1. La petite nouvelle du jour (Les Echos) :
    Iran : fermeture des services publics …. en raison du froid. Fermeture des écoles et des services publics dans la moitié des provinces, coupures de courant. Le président iranien a appeler ses concitoyens à baisser la température de leur maison d’ “au moins deux degrés”.

  2. “…quand de très faibles doses d’acide sulfurique ou d’oxoacides d’iode sont introduites dans la chambre de CLOUD, on observe une multiplication par cent du taux de formation d’aérosol. ”
    Est-ce la promotion de la géo-ingénierie qui est sous-entendue par cette phrase?
    Si oui, c’est extrêmement grave que l’on teste ces procédés au-dessus de la forêt amazonienne.
    Quelle folie!

  3. Bon, que la nucléation des gouttes d’eau ait besoin d’un petit coup de pouce, on commençait à s’en douter depuis Svensmark. Rayons cosmiques, acide sulfurique des émissions volcaniques, sudation des forêts tropicales, …
    Et alors ? Car la question qui vient après la lecture de la dernière phrase (ce processus pourrait, ah ces conditionnels, …. influer sur l’équilibre radiatif de la Terre) est : y a-t-il un lien de cause à effet – et dans quel sens – entre ce mécanisme et le changement climatique dont nous rebat les oreilles à chaque bulletin météo. Bref, qui fait quoi, l’oeuf ou la poule ?
    Kif-kif le CO2 : on a constaté qu’il accompagnait les changements climatiques du Quaternaire, donc on en a fait une cause. Puis on s’est rendu compte qu’il SUIVAIT les changements, donc qu’il en était une conséquence. Alors, les aerosols ? Sont-ils tout simplement en équilibre avec la masse de la forêt, c’est à dire qu’ils suivent l’évolution de sa masse ? Et qu’est-ce qui cause l’évolution de sa masse ? Le climat ? Qui change par quel(s) mécanisme(s) ?
    Bref, on n’est guère avancé.
    Au Crétacé supérieur, la forêt tempérée s’étendait sur les territoires aujourd’hui glacés de l’archipel arctique du Nord Canada. A l’Eocène, la mangrove tropicale à Avicenia poussait sur les parties émergées de la ride de Lomonosov dans l’océan arctique. Les aérosols forestiers sont-ils responsables de ce changement climatique ”hors norme” ?

    • Je crois bien plus à la nébulosité globale comme cause de réchauffement ou de refroidissement de la planète que le prétendu effet de serre du CO2 ou autres gaz, de moins en moins acceptable.
      Ces expériences CLOUD vont bien dans ce sens, reste à les poursuivre et à les quantifier.

      • “””””” CO2 ou autres gaz, de moins en moins acceptable.”””””””
        J’espère qu’il nous restera l’oxygène ; pour le CO2 les plantes s’en occupent

  4. J’ajoute que la forêt tropicale a beau transpirer, elle n’est pas épargnée par les sécheresses. Il y a une dizaine d’années, j’ai eu l’occasion de faire des levés de terrain en Amazonie péruvienne. Les cours d’eau, qui permettent la circulation, étaient très bas et la forêt assoiffée avait une sale tête. Donc, sa transpiration n’était pas suffisante pour faire tomber la pluie.

    • Il y a trente ans j’étais dans la forêt péruvienne pour surveiller un forage pétrolier et pour revenir dans la civilisation on a descendu les cours d’eau après traversée de la forêt parce que les hélicos ne se posaient plus
      Mais le climat change
      Salut Serge

  5. “””””” CO2 ou autres gaz, de moins en moins acceptable.”””””””
    J’espère qu’il nous restera l’oxygène ; pour le CO2 les plantes s’en occupent

  6. Je n’ai aucune expertise sur le sujet, mais je lis ici et là des études, des expérimentations, jusqu’à des lancements de satellites spécialisés sur l’effet des nuages sur le climat.
    Et des scientifiques dont le Nobel 2022…
    Les chercheurs continuent à chercher, alors que l’ONU, beaucoup de politiciens, d’écolos et de média savent déjà tout – et veulent imposer leur savoir.
    Le philosophe Michel Serres l’avait déjà dénoncé de façon plus générale sur d’autres sujets
    vive la recherche!

    • @Joe
      Dès qu’on cite John Clauser, le Nobel de physique 2022, la réponse des climatoréchauffistes fuse, pavlovienne: “Clauser n’est PAS un climatologue, il est spécialiste de la mécanique quantique, la climatologie n’est pas son domaine de compétences !!!”
      Je cite sa fiche Wikipédia, manifestement rédigée par la politicoécoloclimatosphère bien-pensante:
      “Il s’est depuis illustré pour ses propos dénialistes concernant le changement climatique, sujet hors de son domaine de compétence”.
      On aura remarqué que l’adjectif “négationniste” est ici remplacé maintenant par “dénialiste”
      Plus loin:
      “En 2023, il rejoint la direction de la CO2 Coalition, un groupe climatosceptique. En juillet 2023, en raison de ses vues concernant le changement climatique, le Fonds monétaire international annule une conférence qu’il devait prononcer.”

      Une “fact-checkeuse” de l’AFP, MmeClaire-Line Nass, a rédigé un article réfutant la prise de position de John Clauser ici: https://factuel.afp.com/doc.afp.com.34LW4G9
      On pourra se gausser des “compétences” de cette dame, comparées à celles du prix Nobel, sur les questions climatiques en citant l’AFP:
      “Claire-Line Nass est journaliste d’investigation numérique en France. Avant de rejoindre l’AFP en 2021, elle a travaillé au sein du service fact-checking du journal Libération (!!!) et a couvert de nombreux sujets en lien avec la désinformation.”

      Le “fact checking” de l’Agence France Propagande, censé donner une note de respectabilité à toutes les dépêches souvent bien “orientées” dont elle abreuve nos média, est une escroquerie.
      Quant à Wikipédia, sur beaucoup de sujets sensibles touchant à la politique, à la philosophie, à l’histoire contemporaine, au climat, etc… il faut malheureusement l’utiliser avec des pincettes.

      • @Jack
        Nous sommes bien en ligne. Je suis assez régulièrement ce que fait J. Clauser. Merci pour cette présentation qui sera utile aux lecteurs qui ne seraient pas encore avertis.
        Je me suis un jour amusé à regarder le fact-checking de l’AFP sur le climat: le plan type est toujours le même, en 3 temps, parfois 4:
        M.Mme untel a écrit/dit ça. C’est faux parce que le GIEC a écrit le contraire
        M. Mme untel n’est pas climatologue (donc son avis n’est pas pertinent)
        M.Mme untel s’est déjà fait remarquer pour avoir tenu des propos climatosceptiques
        et (pas toujours): M. Mme untel a des affinités avec l’extrême droite
        On finit par en rire mais en même temps avoir la nausée
        bien d’accord aussi sur Wikipedia, rebaptisé Wokipedia par certains
        Je cherche encore quelle peut être la filière universitaire qui délivre les masters et doctorats pertinents pour faire de bons climatologues. Pas trouvé

        • @Joe
          Je me demande comment une journaliste en général diplômée de Sciences Po (qui est de moins en moins une référence…) , plus une vague école de journalisme (forcément orientée à gauche) peut avoir la moindre prétention à signer un article scientifique de fond destiné à réfuter l’opinion d’un prix Nobel de Physique sur le réchauffement en cours.
          On voit bien que l’article en question n’est pas de sa main mais un modèle type sous-traité par le GIEC ou par le secrétariat de Jean Jouzel.
          Je cherche de mon côté quelle peut être la filière universitaire apte à former des “fact-checkers” omniscients dans TOUS les domaines scientifiques, politiques, historiques, techniques, juridiques, etc… Ces “fact-checkers” autodidactes et autoproclamés à la plume alerte et péremptoire ne se risquent jamais débattre sur les plateaux télé sur un sujet bien précis avec des spécialistes, des vrais, des gens qui ont l’humilité de se limiter à leur savoir.

          • j’ai lu dans un post que le secrétaire général de l’ONU avait parlé “d’effondrement climatique”, ce qui ne veut rien dire scientifiquement.
            En creusant un peu, j’ai lu qu’il a parlé en anglais et employé le mot “breakdown”, qui a plusieurs traductions en français. Apparemment c’est un journaliste de l’AFP (encore les mêmes) qui a trouvé le terme d’effondrement.
            Et nos “bons” quotidiens français de se demander si le terme est plus exact que celui de dérèglement , etc. On croit rêver
            Evidemment, il ne faut pas penser qu’il s’agit d’effondrement des températures, ni du niveau de la mer.
            Effondrement de la raison peut être

          • Je viens de lire l’article de l’AFP. L’affirmation on ne peut plus claire selon laquelle un grand spécialiste de physique ne peut pas rivaliser de compétence avec un climatologue ne manque pas de culot. Cette journaliste sait elle que la climatologie, c’est aussi de la physique?
            Mais ce que je souhaite pointer c’est que le Nobel a récompensé des modélisateurs de climat, pour des travaux des 1960’s. Pourquoi pas pour les “excellentes” modélisations les plus récentes et les plus riches en teraoctects et teraflops CMIP 5 et CMIP 6. Parce qu’il fallait cacher qu’elles ont fait flop (ok, c’est facile) et qu’il fallait contrebalancer un prix Nobel “illégitime sur le climat” par un autre Nobel, légitime celui là, aux yeux des militants et des ignorant?

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