Le grand minimum solaire attendu pour la période 2020-2053 conduira à un refroidissement terrestre


Par Valentina Zharkova (*)

Article du 04 août 2020 initialement publié en anglais

Traduit par Guy Barbey

(*) Valentina Zharkova est titulaire d’un Ph.D. en astrophysique et professeure de mathématiques à l’Université de Northumbria (Royaume Uni). Elle a développé avec son équipe de l’Université de Northumbriaun un modèle reproduisant avec précision l’activité cyclique du soleil. Ces travaux qui ont fait l’objet en octobre 2015 d’une publication dans la revue Nature font débat depuis cette date.


Dans cette publication je vais démontrer grâce à des indicateurs sur l’activité solaire récemment découverts, que le Soleil est entré dans une phase de « Grand Minimum Solaire » (2020-2053) qui conduira à une réduction significative du champ magnétique et de l’activité solaire analogue à celle du « minimum de Maunder » [1645 et 1715 (NDT)], entraînant une réduction notable de la température terrestre.

Le Soleil est la principale source d’énergie pour toutes les planètes du système solaire. Cette énergie est délivrée à la Terre sous forme de rayonnement solaire de différentes longueurs d’onde, appelé irradiance solaire totale. Les variations de l’irradiation solaire entraînent un réchauffement de la haute atmosphère planétaire et des processus complexes de transport de l’énergie solaire vers la surface planétaire.

Les signes de l’activité solaire peuvent être appréhendés par les variations cycliques sur 11 ans du nombre de taches solaires à la surface du soleil, en utilisant la moyenne mensuelle du nombre de taches solaires comme une approximation de l’activité solaire pour les 150 dernières années. Les cycles solaires ont été décrits par l’action du mécanisme de la dynamo solaire à l’intérieur du soleil générant des cordes magnétiques au fond de la zone de convection solaire.

Ces cordes magnétiques voyagent à travers l’intérieur du soleil et apparaissent sur la surface solaire, ou photosphère, sous la forme de taches solaires indiquant les points de départ où ces cordes magnétiques sont intégrées dans la photosphère.

Le champ magnétique des tâches solaires forme un champ toroïdal tandis que le champ magnétique du fond solaire forme un champ poloïdal. La dynamo solaire convertit cycliquement le champ poloïdal en champ toroïdal atteignant son maximum à un maximum du cycle solaire, puis le champ toroïdal revient au champ poloïdal vers un minimum solaire. Il est évident que pour une même polarité de tête du champ magnétique dans les tâches solaires d’un même hémisphère, la durée du cycle solaire devrait être portée à 22 ans.

Malgré la compréhension de l’image générale d’un cycle solaire, il a été assez difficile de faire correspondre le nombre de tâches solaires observées avec le nombre de tâches modélisées, à moins que le cycle ne soit bien avancé. Cette difficulté est une indication claire de certains points manquants dans la définition de l’activité solaire par le nombre de tâches solaires qui a attiré notre attention sur la recherche du champ magnétique de fond solaire (poloïdal) (SBMF) [1].

En appliquant l’Analyse en Composantes Principales (ACP) aux magnétogrammes à faible résolution du disque complet capturés dans les cycles 21-23 par l’Observatoire Solaire de Wilcox, nous avons découvert non pas une mais deux composantes principales de ce champ magnétique de fond solaire (voir Figure 1, tracé supérieur) associées à deux ondes magnétiques marquées par des lignes rouges et bleues. Les auteurs ont dérivé des formules mathématiques pour ces deux ondes en faisant correspondre les composantes principales des données des cycles 21-23 avec la série de fonctions périodiques et ont utilisé ces formules pour prédire ces ondes pour les cycles 24-26. Ces deux ondes sont générées dans différentes couches de l’intérieur du soleil et gagnent des fréquences proches mais non égales [1]. La courbe sommaire de ces deux ondes magnétiques (Figure 1, graphique du bas) révèle l’interférence de ces ondes formant les maxima et minima des cycles solaires.

Figure 1. Graphique du haut : deux composantes principales (CP) du champ magnétique de fond solaire (courbes bleues et vertes, nombres arbitraires) obtenues pour les cycles 21-23 (données historiques) et prédites pour les cycles 24-26 en utilisant les formules mathématiques dérivées des données historiques (à partir des données de Zharkova et al.
[1]). Le graphique du bas : La courbe sommaire dérivée des deux CP ci-dessus pour les données “historiques” (cycles 21-23) et prédites pour le cycle solaire 24 (2008-2019), le cycle 25 (2020-2031), le cycle 26 (2031-2042) (à partir des données de Zharkova et al. [1]).

La courbe récapitulative de deux ondes magnétiques explique de nombreuses caractéristiques des cycles de 11 ans, comme les doubles maxima dans certains cycles, ou l’asymétrie de l’activité solaire dans les hémisphères opposés pendant les différents cycles. Zharkova et ses collaborateurs [1] ont relié la courbe récapitulative du module aux nombres moyens de taches solaires pour les cycles 21-23, comme le montre la figure 2 (graphique du haut) et ont étendu cette courbe aux cycles 24-26, comme le montre la figure 2 (graphique du bas). Il semble que l’amplitude du champ magnétique solaire résumé indiqué dans la courbe récapitulative diminue vers les cycles 24-25 pour devenir presque nulle au cycle 26.

Figure 2. Graphique du haut : La courbe sommaire du module (courbe noire) obtenue à partir de la courbe sommaire (figure 1, graphique du bas) en fonction de la moyenne du nombre de taches solaires (courbe rouge) pour les données historiques (cycles 21-23). Graphique du bas : La courbe récapitulative du module associée aux nombres de taches solaires obtenus pour les cycles 21-23 (et calculée pour les cycles 24-26 (construite à partir des données obtenues par Zharkova et al. [1]).

Zharkova et ses collaborateurs [1] ont suggéré d’utiliser la courbe sommaire comme nouvelle approximation de l’activité solaire, qui utilise non seulement l’amplitude d’un cycle solaire mais aussi la polarité principale du champ magnétique solaire.

Figure 3. Courbe (sommaire) de l’activité solaire restaurée pour 1200-3300 après J.-C. (construite à partir des données obtenues par Zharkova et al. [1]).

La figure 3 présente la courbe récapitulative calculée à l’aide des formules mathématiques dérivées, en avant pour 1200 ans et en arrière pour 800 ans. Cette courbe révèle l’apparition de cycles solaires de 350-400 ans causés par l’interférence de deux ondes magnétiques. Ces grands cycles sont séparés par les grands minima solaires, ou les périodes de très faible activité solaire [1]. Le précédent grand minimum solaire était le minimum de Maunder (1645-1710), et l’autre avant nommé minimum de Wolf (1270-1350). Comme le montre la figure 3 des prédictions de Zharkova et al (1), dans les 500 prochaines années, deux grands minima solaires modernes se rapprocheront dans le Soleil : le premier au 21e siècle (2020-2053) et le second au 24e siècle (2370-2415).

Les propriétés d’observation des deux ondes magnétiques et leur courbe sommaire ont été étroitement ajustées par des ondes dynamo doubles générées par des sources magnétiques dipolaires dans deux couches de l’intérieur du Soleil : les couches interne et externe [1], tandis que les trois autres paires d’ondes magnétiques peuvent être produites par des sources magnétiques quadruple, sextuple et octuple ainsi que par une source dipolaire définissant l’apparence visible de l’activité solaire à la surface.

Actuellement, le Soleil a terminé le cycle solaire 24 – le cycle le plus faible des 100 dernières années – et en 2020, il a commencé le cycle 25. Pendant les périodes de faible activité solaire, comme le grand minimum solaire moderne, le Soleil sera souvent dépourvu de tâches solaires. C’est ce que l’on observe actuellement au début de ce minimum, car en 2020, le Soleil a vu, au total, 115 jours sans tâches (soit 78 %), ce qui signifie que 2020 est en passe de dépasser le record de l’ère spatiale de 281 jours sans tâches (soit 77 %) observé en 2019. Cependant, le début du cycle 25 est encore lent pour ce qui est de la mise à feu des régions actives et des éruptions, de sorte que chaque jour/semaine/mois supplémentaire qui passe prolonge l’activité solaire nulle, marquant ainsi le début du grand minimum solaire. Quelles sont les conséquences pour la Terre de cette diminution de l’activité solaire ?

Réduction de l’irradiation solaire totale (ITS) pendant le minimum de Maunder

Examinons ce qui s’est passé avec l’irradiation solaire pendant le précédent grand minimum solaire, le minimum de Maunder. Durant cette période, très peu de tâches solaires sont apparues à la surface du Soleil, et la luminosité globale du Soleil a légèrement diminué.

La reconstruction de l’irradiation solaire totale moyenne du cycle à partir de 1610 (figure 4, graphique du haut) suggère une diminution de l’irradiation solaire pendant le minimum de Maunder d’une valeur d’environ 3 W/m2 [2], soit environ 0,22 % de l’irradiation solaire totale en 1710, après que le minimum de Maunder ait été dépassé.

Diminution de la température pendant le minimum de Maunder
De 1645 à 1710, les températures dans une grande partie de l’hémisphère nord de la Terre ont plongé lorsque le Soleil est entré dans une phase de calme appelée aujourd’hui le minimum de Maunder. Cela s’est probablement produit parce que l’irradiation solaire totale a été réduite de 0,22 %, comme le montre la figure 4 (graphique du haut) [2], ce qui a entraîné une baisse de la température terrestre moyenne mesurée principalement dans l’hémisphère nord en Europe de 1,0 à 1,5 °C, comme le montre la figure 4 (graphique du bas) [3]. Cette baisse apparemment minime de la température moyenne dans l’hémisphère nord a entraîné le gel des rivières, des hivers longs et froids et des étés froids.

Figure 4. Graphique du haut : irradiation solaire totale restaurée de 1600 à 2014 par Lean et al. [2]. Modifié par Easterbrook [3], de Lean, Beer, Bradley [2]. Graphique du bas : Températures du centre de l’Angleterre (CET) enregistrées en continu depuis 1658. Les zones bleues correspondent à des périodes fraîches récurrentes ; les zones rouges à des périodes chaudes. Toutes les périodes de minima solaires coïncident avec des périodes fraîches dans le centre de l’Angleterre. Adopté d’Easterbrook [3], avec les autorisations de l’éditeur Elsevier.

La température de la surface de la Terre a diminué sur l’ensemble du globe (voir figure 1 dans [4]), en particulier dans les pays de l’hémisphère nord. L’Europe et l’Amérique du Nord sont entrées dans une phase de gel profond : les glaciers alpins se sont étendus sur les terres agricoles des vallées ; la glace de mer s’est déplacée vers le sud depuis l’Arctique ; les rivières Dunab et Thames ont gelé régulièrement pendant ces années ainsi que les célèbres canaux des Pays-Bas.

Shindell et ses collaborateurs [4] ont montré que la baisse de la température était liée à la diminution de l’abondance de l’ozone créée par la lumière ultraviolette solaire dans la stratosphère, la couche de l’atmosphère située entre 10 et 50 kilomètres de la surface de la Terre. Puisque pendant le minimum de Maunder, le Soleil a émis moins de rayonnement, au total, y compris une forte émission d’ultraviolets, il s’est formé moins d’ozone affectant les ondes de l’atmosphère planétaire, les gigantesques déhanchements du courant-jet.

Shindell et ses collaborateurs [4], p. 2150, suggèrent qu'”un changement des ondes planétaires pendant le minimum de Maunder a fait entrer l’oscillation de l’Atlantique Nord (NAO) – l’équilibre entre un système dépressionnaire permanent près du Groenland et un système anticyclonique permanent au sud – dans une phase négative, qui a conduit l’Europe à rester exceptionnellement froide pendant le minimum de Maunder”.

Rôle du champ magnétique dans le refroidissement terrestre dans le Grand Minima Solaire

Cependant, le rayonnement solaire n’a pas été le seul à changer pendant le minimum de Maunder. Un autre facteur contribue à la réduction de la température terrestre pendant le minimum de Maunder : le champ magnétique du fond solaire, dont le rôle a été négligé jusqu’à présent. Après la découverte [1] d’une réduction significative du champ magnétique dans le grand minimum solaire moderne à venir et pendant le minimum de Maunder, il a été reconnu que le champ magnétique solaire contrôlait le niveau des rayons cosmiques atteignant les atmosphères planétaires du système solaire, y compris la Terre. Une réduction significative du champ magnétique solaire pendant les grands minima solaires conduira sans aucun doute à l’augmentation de l’intensité des rayons cosmiques galactiques et extra-galactiques, qui, à leur tour, conduiront à la formation de nuages élevés dans les atmosphères terrestres et contribueront au refroidissement atmosphérique comme le montrent Svensmark et al.

Au cours du précédent minimum solaire entre les cycles 23 et 24, l’intensité des rayons cosmiques a augmenté de 19%. Actuellement, le champ magnétique solaire prévu sur la figure 1 par Zharkova et al. [1] chute radicalement dans le soleil, ce qui, à son tour, entraîne une forte diminution du champ magnétique interplanétaire du soleil jusqu’à seulement 4 nanoTesla (nT) par rapport aux valeurs typiques de 6 à 8 nT. Cette diminution du champ magnétique interplanétaire entraîne naturellement une augmentation significative de l’intensité des rayons cosmiques passant dans l’atmosphère de la planète, comme l’ont rapporté les récentes missions spatiales [6]. Par conséquent, ce processus de réduction du champ magnétique solaire progresse comme prévu par Zharkova et al. 1 et sa contribution sera absorbée par les atmosphères planétaires, y compris la Terre. Cela peut faire baisser la température terrestre pendant le grand minimum solaire moderne qui a déjà commencé en 2020.

Réduction attendue de la température terrestre au cours du grand minimum solaire moderne

Cette courbe récapitulative indiquait également le futur grand minimum solaire moderne 1 dans les cycles 25-27 (2020-2053) et le grand minimum solaire moderne 2 (2370-2415). Ceci amènera à l’époque moderne les conditions uniques de faible activité du Soleil, qui se sont produites pendant le minimum de Maunder. On s’attend à ce que, pendant le grand minimum solaire moderne, l’activité solaire soit réduite de manière significative, comme cela s’est produit pendant le minimum de Maunder (figure 4, graphique du bas). Comme pour le minimum de Maunder, la réduction du champ magnétique solaire entraînera une diminution de l’irradiation solaire d’environ 0,22 % pour une durée de trois cycles solaires (25-27) pour le premier grand minimum moderne (2020-2053) et de quatre cycles solaires à partir du second grand minimum moderne (2370-2415).

Cela peut entraîner une baisse de la température terrestre pouvant atteindre 1,0°C par rapport à la température actuelle pendant les trois prochains cycles (25-27) du grand minimum 1. Les chutes de température les plus importantes se produiront pendant les minima locaux entre les cycles 25-26 et 26-27, lorsque le niveau d’activité solaire le plus bas sera atteint, selon les estimations de la figure 2 (graphique du bas) et de la figure 3. Par conséquent, la température moyenne dans l’hémisphère Nord peut être réduite jusqu’à 1,0°C par rapport à la température actuelle, qui a été augmentée de 1,4°C depuis le minimum de Maunder. La température moyenne sera donc inférieure à la température actuelle et ne dépassera que de 0,4°C la température mesurée en 1710. Ensuite, une fois que le grand minimum solaire moderne 1 sera terminé, l’activité solaire du cycle 28 sera rétablie à la normale dans le grand cycle solaire plutôt court mais puissant qui durera entre 2053 et 2370, comme le montre la figure 3, avant qu’il ne s’approche du prochain grand minimum solaire 2 en 2370.

Conclusions
Dans cet éditorial, j’ai démontré que les récents progrès réalisés dans la compréhension du rôle du champ magnétique de fond solaire dans la définition de l’activité solaire et dans la quantification des magnitudes observées du champ magnétique à différents moments nous ont permis de permettre une prévision fiable à long terme de l’activité solaire à l’échelle du millénaire. Cette approche a révélé la présence non seulement de cycles solaires de 11 ans, mais aussi de grands cycles solaires d’une durée de 350 à 400 ans. Nous avons démontré que ces grands cycles sont formés par les interférences de deux ondes magnétiques de fréquences proches mais non égales produites par la double action de la dynamo solaire à différentes profondeurs de l’intérieur du soleil. Ces grands cycles sont toujours séparés par des grands minima solaires de type Maunder, qui se sont régulièrement produits dans le passé en formant des grands minima bien connus de type Maunder, Wolf, Oort, Homérique et autres.

Pendant ces grands minima solaires, il y a une réduction significative du champ magnétique solaire et de l’irradiation solaire, ce qui impose la réduction des températures terrestres dérivées pour ces périodes de l’analyse de la biomasse terrestre au cours des 12 000 dernières années ou plus. Le plus récent grand minimum solaire s’est produit pendant le minimum de Maunder (1645-1710), qui a entraîné une réduction de l’irradiation solaire de 0,22 % par rapport au minimum moderne et une diminution de la température terrestre moyenne de 1,0 à 1,5 °C


Références
1 – ZharkovaVV, ShepherdSJ, PopovaE, et al. Heartbeat of the sun from principal component analysis and prediction of solar activity on a millennium timescale. Sci Rep. 2015;5:15689. Disponible sur : https://www.nature.com/articles/srep15689 [Crossref], [PubMed], [Web of Science ®], [Google Scholar]
2 – LeanJL, BeerJ, BradleyR. Reconstitution de l’irradiation solaire depuis 1610 : implications pour le changement climatique. Geophys Res Lett. 1995;22:3195–3198. [Crossref], [Web of Science ®], [Google Scholar]
3 – EasterbrookDJ . Cause des changements climatiques mondiaux. Dans : La science du climat basée sur des preuves. 2nd ed. Elsevier Inc. ; 2016. p. 245-262. [Crossref], [Google Scholar]
4 – ShindellDT, SchmidtGA, MannME, et al. Solar forcing of regional climate change during the Maunder minimum. Science. 2001;294:2149. [Crossref], [PubMed], [Web of Science ®], [Google Scholar]
5 – SvensmarkH, EnghoffMB, ShavivNJ, et al. Une ionisation accrue favorise la croissance des aérosols dans les noyaux de condensation des nuages. Nat Comms. 2017;8:2199. Crossref], [PubMed], [Web of Science ®], [Google Scholar]
6 – SchwadronNA, RahmanifardF, WilsonJ, et al. Mise à jour sur l’aggravation de l’environnement de rayonnement des particules observée par CRaTER et les implications pour la future exploration humaine de l’espace profond. Météo spatiale. 2018;16:289–303. [Crossref], [Web of Science ®], [Google Scholar]

Partager