Ouragans majeurs en Floride : aucune augmentation attribuable au réchauffement de la surface de la mer n’est observée

L’ouragan Dorian relance les spéculations sur le lien entre le réchauffement climatique et l’intensification de l’activité cyclonique. Le Dr Roy Spencer avait déjà montré que le nombre d’ouragans atterrissant aux Etats-Unis est en diminution depuis les année 1930. Il démontre dans ce nouvel article qu’il n’y a pas de lien significatif entre l’évolution de la force des ouragans majeurs ayant frappé la Floride depuis 1871 et celle de la température de surface de la mer au cours de la même période. Nous avions aussi traité cette question sur ce site à propos de l’ouragan Harvey en août 2017.

Par Roy W. Spencer (*)

(*)  Le Dr Roy Spencer est chercheur à l’Université de l’Alabama à Huntsville. Il est connu pour son travail sur la surveillance de la température par satellite. Il a reçu avec le Dr John Christy de la NASA une médaille  pour accomplissement scientifique exceptionnel.


Les reportages sur l’ouragan Dorian qui a dévasté le nord-ouest des Bahamas postulent pour la plupart que les ouragans se sont renforcés dans cette région à cause de l’élévation de la température de la surface de la mer qui serait elle-même causée par nos émissions de gaz à effet de serre.

Dans cet article j’utilise les données d’observation depuis l’année 1870 pour répondre à la question de savoir si l’intensité des ouragans qui ont atterri sur la côte Est de la Floride a augmenté en relation avec l’élévation de la température de la surface de la mer.

La raison pour laquelle je ne traite que des ouragans qui ont atterri sur la côte Est de la Floride est triple : (1) cette région est un foyer majeur d’activité cyclonique; (2) nous disposons d’un long historique des ouragans ayant atterri (les données antérieures au début des années 1970 sur l’intensité des ouragans majeurs sont incertaines); 3) la population côtière compte maintenant plusieurs millions d’habitants. La région située au sud de West Palm Beach est depuis toujours exposée aux grands ouragans. Aussi, la question de savoir si l’intensité de ces ouragans augmente en raison du réchauffement de l’océan est-elle d’une grande importance pratique pour beaucoup de gens.

Commençons d’abord par le bilan des ouragans majeurs ayant frappé la côte Est de la Floride (incluant les îles Keys). Il y a eu 22 tempêtes de ce type depuis 1871, celles-ci s’étant produites de manière assez irrégulière au fil du temps.

Ouragan Dorian
Figure 1 : Intensité des 22 cyclones ayant atterri sur le cote Est de la Floride entre 1870 et 2019 (vitesse du vent en milles marins)

Bien que l’intensité de ces tempêtes ait légèrement augmenté (de +0,83 nœuds soit 1,54 Km/h par décennie), la corrélation est assez faible (coefficient de 0,21) et la relation quantitative n’est guère significative.

Mais cela ne nous dit pas le rôle de la température de surface de la mer (SST). Alors examinons maintenant comment cette SST a évolué au cours de la même période. Étant donné que tous ces ouragans ont atterri dans la moitié sud de la Floride, j’ai choisi la région encadrée dans la carte ci-dessous (22N-28N, 75W-82W) pour calculer les anomalies moyennes de la SST pour tous les mois de 1870 à 2018 (données HadSST disponibles ici ).

Ouragan Dorian
Figure 2 : Délimitation de la zone d’atterrissage des 22 ouragans ( (22N-28N, 75W-82W)

Étant donné que 18 des 22 ouragans majeurs ont frappé en août et septembre (4 en août, 14 en septembre et 4 en octobre), je me suis concentré sur l’anomalie de température de la mer moyenne pour les mois d’août et septembre. Le graphique ci-dessous montre la moyenne des anomalies SST sur ces 2 mois pour la période 1870-2018.

Ouragan Dorian
Figure 3 : Moyenne des anomalies de température de surface de la mer (SST) en août et septembre pour la période 1870-2018.

Notez que les années ayant connu des ouragans majeurs sont marquées en rouge. Ce qui m’a surpris, c’est que le réchauffement de la température de surface dans cette région au cours de la saison des ouragans (août à septembre) a été très faible: +0,02°C par décennie depuis 1871 et +0,03°C par décennie depuis 1950.

Si nous rapprochons maintenant l’anomalie de température SST de l’intensité des ouragans au moment de leur atterrissage, nous obtenons le graphique suivant ( Figure 4). Ici, j’ai pris en compte le mois de survenance de l’ouragan dans le but de calculer l’anomalie SST sur 2 mois. Par exemple, si la tempête a frappé en octobre, j’ai utilisé la moyenne septembre-octobre. Si l’atterrissage a eu lieu en août, j’ai utilisé la moyenne juillet-août.

Ouragan Dorian
Figure 4 : Comparaison de l’anomalie de température SST avec l’intensité des ouragans au moment de leur atterrissage

On trouve une faible relation entre la température de surface et l’intensité des tempêtes (corrélation = 0,19), mais le coefficient de régression (réchauffement de +13,5 nœuds par degrés Celsius de réchauffement) n’est pas statistiquement significatif.

A présent (et dans la mesure où nous ignorons le manque de signification statistique et acceptons que ces relations quantitatives sont représentatives d’un signal et non du « bruit »), nous pouvons multiplier la tendance au réchauffement de la SST depuis 1950 (0,03°C par décennie) par le « paramètre de sensibilité au réchauffement » (13,5 nœuds par degré) : nous obtenons une augmentation de l’intensité des tempêtes due au réchauffement de la SST de +0,43 nœud (0,8 Km/heure) par décennie.

Cette augmentation est infime: 8 Km/heure par siècle.

Ainsi en nous basant sur les données SST observées du Centre Hadley et sur les données du NHC (National Hurricane Center), nous arrivons à ce résultat que le réchauffement de la surface de la mer a provoqué une augmentation de l’intensité des ouragans majeurs ayant atterri de 0,8 Km/heure par décennie.

Je pense qu’un statisticien (ce que je ne suis pas) considérerait qu’il s’agit de « bruit » et non de la manifestation d’un signal climatique.

En d’autres termes les observations ne montrent pas que le réchauffement de la surface de la mer a provoqué une augmentation de l’intensité des ouragans ayant frappé la côte Est de la Floride.

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