Au Goulag, M. Bolsonaro

Par Rémy Prud’homme

Contre le Brésil, et le président qu’il s’est démocratiquement choisi, M. Macron nous a offert à Biarritz un procès de type stalinien : sans instruction, sans preuves, sans témoins, sans avocat, sans appel. Le président français, auto-désigné représentant du Bien, s’est érigé à la fois procureur, juge et bourreau. Il a accusé le Brésil de sabotage (laisser ou faire bruler la forêt amazonienne), d’intelligence avec l’ennemi (contribuer aux rejets de CO2), d’accaparement (priver le peuple d’oxygène). Et pour le punir de ces méfaits imaginaires, le président de la République française refuse de ratifier  le ratifier le traité de commerce longuement négocié entre l’Union Européenne et le Mercosur.

Esquissons la défense à laquelle le Brésil n’a pas eu droit. Cela est facile, car en matière de lutte contre la déforestation, le Brésil a été un très bon élève. Il s’est doté d’un institut de qualité (l’INPE) qui publie depuis longtemps des chiffres sur la déforestation de la forêt amazonienne brésilienne (on voudrait en avoir d’aussi bons sur l’évolution de la forêt amazonienne française, en Guyane). Au cours des cinq dernières années (2013-2018) la forêt amazonienne brésilienne est passée de 3341 à 3307 millions de km2. Elle a perdu 7000 km2 par an, soit environ 0,2% par an. On est loin des 20 ou 25000 km par an des premières années de la présidence de Lula. La déforestation a été pratiquement stabilisée. Bravo le Brésil !

Il y a certes cette année un peu plus de départs de feu (sur des zones de 30 mètres carrés) que les années précédentes. Ces feux sont volontaires, et nettoient des terrains cultivés : cela vaut bien nos pesticides. En principe, ils n’affectent pas la forêt, même si en pratique ils échappent parfois au contrôle de leurs auteurs. On verra à la fin de l’année si, et de combien, ils ont contribué à la déforestation.

Les conséquences sur le CO2 et l’oxygène brandies du haut de la tribune du G7 pour terroriser le monde, et d’abord les Français, sont puériles. Les forêts absorbent et stockent du CO2. Mais elles en rejettent aussi, et à peu près autant, lorsque les arbres sont coupés pour faire du feu ou meurent et pourrissent. Ce sont les variations de la ressource forestière qui ont un impact sur les rejets de CO2. C’est la déforestation, pas la forêt, qui contribue à l’augmentation des rejets. Une évaluation grossière, que les spécialistes critiqueront à juste titre, suggère que 7000 km2 de forêt de moins signifient environ 2 millions de tonnes de CO2 en plus, soit 2/10000ème des rejets de la Chine, soit pas grand chose pour le réchauffement climatique. Il en va exactement de même pour l’oxygène, qui est en quelque sorte le double du CO2. Dire que 7000 km2 de forêts en moins menacent 20% de l’oxygène du globe est ridicule, même si cela est dit par M. DiCaprio.

Le méfait est mince. La sentence ne l’est pas, et elle aussi puérile que le prétexte. Même les gens qui n’ont pas d’opinion arrêtée sur l’accord Union Européenne – Mercosur sont interloqués. Pendant des mois, le gouvernement de M. Macron, ses ministres, ses déput(é)s, ses soutiens, etc. n’ont cessé de nous expliquer que ce traité était indispensable, qu’il allait faire le bonheur des Sud-américains comme des Européens, qu’il serait un pied de nez à Donald Trump, cet imbécile qui n’a rien compris aux bienfaits du commerce international. Et puis vlan, voilà que l’on met tout cela à la poubelle, pour donner une leçon au petit Bolsonaro : je ne veux plus jouer avec toi, na ! Plaignons tous les Macroniens, qui vont devoir nous expliquer qu’après tout, ce traité n’était pas aussi bon que cela, et que la défense de l’environnement passe avant la sortie de misère de millions de Sud-américains.

Au pire, il s’agit d’un infantilisme inquiétant. M. Macron croit vraiment que nous allons manquer d’oxygène à cause de Bolsonaro. Il a été convaincu par les Cristiano Ronaldo, Madona et autres spécialistes comme Greta Thunberg. Difficile à imaginer. Il s’agit sans doute plutôt d’un opportunisme cynique. M. Macron sait bien que le Brésil n’a pas grand chose à se reprocher – et peut-être même que les photos qu’il échange avec M. DiCaprio sur les feux d’aujourd’hui ont 20 ans d’âge – mais il fait semblant de croire aux discours apocalyptiques à la mode. Il pense qu’il y a des voix à gagner à les reprendre, et à avoir l’air « d’agir » pour l’environnement. Ou bien encore, comme beaucoup de politiciens d’hier, d’aujourd’hui et de demain, il croit ce qui l’arrange. Mais de là à jouer les Fouquier-Tinville, on pensait qu’il y a loin. On se trompait.

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