Les Américains ne devraient pas partir en désordre dans une désastreuse croisade climatique

Par Richard Lindzen et William Happer (*)

Un article initialement publié en anglais le 16/04/21 dans la revue «  Capital Matters » (Traduction : Henri Voron).


En contraignant les États-Unis à signer à nouveau l’accord de Paris et en affirmant très clairement que le climat serait au centre de ses politiques, l’administration Biden a rejoint d’autres gouvernements dans une croisade contre la soi-disant « urgence climatique ». Nous utilisons volontairement le mot « croisade » car la frénésie relative au climat ressemble aux croisades contre les étrangers infidèles ou contre les nationaux hérétiques. On assiste même à une croisade des jeunes.

Les croisés médiévaux  chantaient en latin « Deus vult » ce qui se traduit par « Dieu le veut ». C’était le slogan indiquant le plus fortement leur objectif vertueux. Peu de dirigeants de l’Europe Médiévale pouvaient résister à la tentation de partir en croisade. Mais l’élite médiévale pouvait compter sur des récompenses terrestres, à ajouter à des trésors gagnés dans le ciel. Les ennemis de Dieu, ou le petit peuple, en payaient l’addition.

Aujourd’hui, certains croisés ont également invoqué un mandat venant du Ciel. D’autres utilisent un langage faisant penser au millénarisme. Mais la plupart des croisés prétendent que leur mandat impératif vient de la science.

Nous aussi, nous sommes des scientifiques et nous pouvons témoigner que toute la littérature des chercheurs en science du climat ne saurait être la source d’une prétendue urgence climatique. Pas un seul article scientifique ne soutient cette alarme. Les effroyables prédictions – accélération de la montée du niveau de la mer, températures de plus en plus extrêmes, fréquence accrue des feux de forêts, réchauffement sans précédent, etc. –sont aussi violentes que celles des sermons faisant craindre la pluie de feu et de soufre qu’on utilisait pour exciter le fanatisme des croisés médiévaux.

Les vrais croyants affirment que cette urgence peut être contenue uniquement en éliminant les émissions de gaz à effet de serre. Ces derniers incluent la vapeur d’eau, très présente, ubiquiste puis le méthane, l’oxyde nitreux et surtout le dioxyde de carbone, un gaz relâché dans l’atmosphère quand des combustibles fossiles sont brûlés dans des moteurs à explosion pour les transports, pour produire de l’électricité et pour fabriquer tous les objets et services indispensables à notre vie moderne.

Les gaz à effet de serre dans l’atmosphère permettent aux rayons du soleil de réchauffer la surface de la Terre, à la descente. Mais ils absorbent des radiations infra-rouges qui remontent de la surface terrestre et de la basse atmosphère. Sans ces gaz, le rayonnement de la surface terrestre repartirait directement dans l’espace intersidéral, ce qui la refroidirait beaucoup plus. Les gaz à effet de serre et les nuages permettent donc de maintenir la surface terrestre à une température bien supérieure à ce qu’elle serait sans eux, ceci à hauteur de plusieurs dizaines de degrés Celsius.

Mais les croisés du climat s’abstiennent totalement d’accuser ou d’accabler la vapeur d’eau et les nuages, alors que ces derniers apportent la principale contribution à l’effet de serre qui réchauffe la Terre. Le dioxyde de carbone, qualifié de gaz « polluant » est pourtant un « scélérat » très improbable. En effet, les plantes utilisent l’énergie du soleil pour synthétiser le sucre et toutes les autres molécules organiques de la Vie, à partir du dioxyde de carbone, en présence d’eau. Un sous-produit de la photosynthèse est l’oxygène actuel de notre atmosphère. Chaque être humain exhale environ un kilogramme de ce CO2  « polluant » par jour !

Aucun scientifique connaissant bien les rayonnements reçus et réémis par la Terre ne nie qu’un peu plus de dioxyde de carbone puisse être la cause d’un réchauffement supplémentaire de la surface terrestre. Mais ce réchauffement est faible et indolore, sans impact sur la vie. En fait, l’histoire montre que les réchauffements observés, de quelques degrés Celsius – accompagnés de saisons de culture plus longues – ont été très favorables à l’Humanité. L’âge d’or de la civilisation romaine est advenu pendant une période chaude. A contrario, les périodes froides ont été très mauvaises. Elles ont été accompagnées d’invasions barbares, de famines, et d’épidémies de peste. Barbara Tuchman a bien décrit les caractéristiques de telles périodes, comme le fut le « désastreux 14ème siècle », dans son livre « A distant miror » (Un miroir éloigné).

Un peu plus de CO2 va certainement entraîner une hausse de la productivité de l’agriculture et une croissance plus rapide des forêts. Pendant tout le siècle dernier, la terre est déjà devenue beaucoup plus verte et ceci de manière notable. C’est le résultat du modeste passage du taux de CO2  de 0,03 % à environ 0,04 % (pourcentage en nombre de molécules de l’atmosphère). Ainsi, ce CO2 supplémentaire a entraîné une contribution significative à la hausse du rendement des récoltes pendant ces 50 dernières années. Le rôle bénéfique de ce supplément de CO2 est largement documenté par des centaines d’études scientifiques.

 La vapeur d’eau et les nuages résultant de sa condensation réchauffent la surface terrestre au moins quatre fois plus que le dioxyde de carbone. Les données paléoclimatiques ne montrent qu’une corrélation faible entre le taux de CO2 et les climats du passé. Elles démontrent donc que les effets du CO2 sont marginaux, à toutes les époques.

 Le simple doublement de la concentration de CO2 devrait entraîner une hausse de la température de la surface terrestre de 1°C. Les « croisés » du climat utilisent des modèles informatisés qui incluent le rôle des nuages, les transferts de chaleur par convection entre l’atmosphère et les océans, et d’autres facteurs, afin d’affirmer qu’il existe des « rétroactions positives » qui réchaufferait la Terre de 4,5 °C, voire plus. Par hypothèse, les conséquences directes de ces changements de paramètres seraient une amplification, un emballement.

 Mais cette affirmation viole le principe de Le Chatelier qui dit ceci : « quand un système stable, en équilibre, subit une perturbation, il va toujours réagir dans un sens tendant à diminuer l’effet de la perturbation ». Les croisés du climat aiment à proclamer que le climat viole effectivement le principe de Le Chatelier, car le climat présenterait des « points de bascule ». Or des taux de dioxyde de carbone les plus élevés ou des taux de CO2 changeant très rapidement ont prévalu dans la quasi-totalité de l’histoire de la Terre. Il est donc tout à fait improbable que la Vie aurait survécu si de semblables « points de bascule » avaient existé.

 Ni les observations contemporaines, ni les données géologiques ne démontrent la validité des modèles informatiques affirmant que le CO2 est le « bouton de contrôle » du climat de la Terre. Des réchauffements, équivalents, ou même plus importants que le réchauffement actuel ont été observés de nombreuses fois dans les quelques derniers millénaires, alors que la combustion de combustibles fossiles était négligeable ou nulle. Il y a mille ans, le Groenland était nettement plus chaud qu’actuellement. Ce qui permettait aux agriculteurs nordiques de cultiver différentes espèces, comme l’orge. Ceci serait totalement impossible aujourd’hui à cause du froid.

 Dans un autre élan de ferveur des croisés du climat, certains combattants veulent en finir avec l’agriculture et l’élevage traditionnels au motif qu’ils sont sources de gaz à effet de serre mineurs, comme le méthane provenant des ruminants ou des rizières, ainsi que l’oxyde nitreux émis par l’épandage des engrais. (Dans ce contexte, le mot « mineur » doit être expliqué : le réchauffement pour chaque molécule de méthane supplémentaire par rapport au CO2 est trente fois supérieur à celui qui est provoqué par une molécule de dioxyde de carbone. Mais les molécules de dioxyde de carbone qui ont été ajoutées récemment à l’atmosphère l’ont été à un rythme 300 fois supérieur à celui du méthane. Ainsi le réchauffement potentiel pouvant provenir du méthane est 10 fois inférieur à celui qu’on observe pour le CO2 .)

 Cet ostracisme contre l’agriculture et l’élevage pourrait menacer tout le cheptel des éleveurs de pays dont les gouvernements ont signé l’accord de Paris. Mais, comme cela est indiqué ci-dessus, le réchauffement dû au méthane est 10 fois inférieur au réchauffement, à la fois modeste et bénéfique qui est dû au CO2. La croisade contre le méthane et l’oxyde nitreux n’entraînerait que souffrance et pertes de leurs revenus pour les agriculteurs et pour tous ceux qui consomment leur production.

 Une révision sérieuse des relations entre la science du climat et le jeu des politiciens n’est pas à l’ordre du jour. Nous sommes en retard. Les « croisés » vont continuer à affirmer que « la science du climat est établie » et qu’il est temps d’agir. Mais la vraie science n’est jamais aboutie. Et elle ne résulte pas de vérités dictées par le consensus ou les diktats des politiciens. C’est l’accord avec les observations empiriques qui est la mesure de la vérité scientifique. Les modèles climatiques prévoient des réchauffements deux ou trois fois plus élevés que celui qu’on observe. Ils ont déjà été falsifiés. Un livre qui doit être publié dans les prochains jours, écrit par le physicien et professeur à l’Université de New York Steven Koonin intitulé « Unsettled » soit « Non aboutie » établit de manière convaincante certains des problèmes qu’une révision scientifique de grande qualité pourrait révéler.

 Il n’y a pas d’urgence climatique. Les Américains ne devraient pas s’engager en désordre dans une désastreuse croisade climatique. Les croisés du Moyen Âge ont fait beaucoup plus de mal que de bien, en détruisant des vies de populations de religions diverses, laissant ainsi un héritage amer qui complique encore aujourd’hui les relations internationales et la bonne entente entre les différents croyants dans un même pays. Une croisade climatique qui détruit les économies et finalement, qui détruit les vies humaines serait aussi mauvaise sinon pire.


(*) Richard Lindzen est professeur émérite de sciences de l’atmosphère au M.I.T. (Massachusets institute of technology à Boston), il est membre de nombreuses associations professionnelles, et membre de l’Académie nationale des sciences des États-Unis. Richard Lindzen est membre du comité scientifique de l’association des climato-réalistes.

William Happer est professeur émérite de physique Cyrus Fogg Brackett à l’Université de Princeton, membre de nombreuses sociétés professionnelles et membre de la National Academy of Sciences.

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