Le «suicide écologique» de l’île de Pâques, mythes et réalités

Le texte ci-dessous est la traduction d’un article de Dennis Avery [1] publié le 7 avril 2018 sur le site wattsupwithat.

L’écocide (le suicide écologique ou effondrement d’une civilisation suite à l’action des hommes sur leur environnement), est une théorie que la recherche scientifique et archéologique ne corrobore en aucune manière. Pour une information plus complète, nous conseillons la lecture de l’article intitulé « Suicide écologique à l’Île de Pâques : ce qu’en dit l’archéologie » écrit par trois archéologues belges, publié par pseudo-sciences.org

L’effondrement de l’île de Pâques fût une tragédie du Petit âge glaciaire, et non un «suicide écologique»

Dans une récente chronique du New York Times , Nicholas Kristof fournit une version trompeuse de l’ effroyable histoire de l’île de Pâques (à 2 300 milles à l’ouest du Chili), dont la végétation a disparu lors de la sécheresse du petit âge glaciaire. Ce faisant, il ne prépare pas la société moderne à affronter le défi d’un possible abrupt refroidissement à venir.

Kristof reprend à son compte le mythe archéologique selon lequel  les indigènes de l’île de Pâques auraient commis un « suicide écologique » en abattant tous leurs palmiers. Ils auraient utilisé les troncs comme rouleaux pour déplacer leurs célèbres grandes statues. Il s’en est suivi une pénurie de matériaux nécessaires à la construction des embarcations nécessaire à la pêche, le poisson étant leur principale source de protéines. Pire, explique-t-il, le défrichement des arbres a entraîné une érosion du sol qui a provoqué la famine voire le suicide d’une grande partie de la population.

Ce mythe masque les effets du Petit âge glaciaire sur l’île de Pâques et ignore la réalité que les prochaines générations pourraient avoir à  affronter lors d’un nouvel âge glaciaire qui mettrait durement à l’épreuve nos capacités technologiques. Une aire froide pourrait même rendre attrayant un réchauffement climatique artificiel!

Les insulaires de l’île de Pâques n’auraient jamais coupé leurs palmiers! Selon leurs récits légendaires, lorsque les canoës des Polynésiens atteignirent Pâques vers l’an 1000, l’île était couverte d’herbes. Il n’y avait que quelques palmiers. Des études polliniques modernes le confirment, montrant que l’île avait des palmiers dans le passé, mais que la plupart sont morts du fait de la froide sécheresses de l’âge des ténèbres (600-950 AD [2]). Les quelques palmiers survivants sont morts pendant le petit âge glaciaire après que les Polynésiens eurent colonisé l’île. Le dernier palmier est mort vers 1650.

Kristof ne semble pas prendre la mesure du pouvoir meurtrier d’un climat froid, chaotique et sans dioxyde de carbone caractéristique d’un «petit âge glaciaire».

Les insulaires n’auraient jamais utilisé des troncs de palmier pour construire les pirogues. Les Polynésiens savaient que les troncs de palmier étaient beaucoup trop lourds. Les canots devaient pouvoir affronter les vagues, même lorsqu’ils transportent de lourdes charges. Les Polynésiens fabriquaient leurs canots à partir de planches extraites  des arbres toromiro beaucoup plus légers, dont ils avaient apporté des boutures des îles Marquises à l’ouest.

Érosion du sol ? Les habitants de l’île de Pâques n’avaient pas besoin d’arracher les arbres de leurs terres pour cultiver leurs cultures de taro, d’igname et de patate douce. Ils ont planté les tubercules entre les souches de plus petits arbres qui avaient été coupés pour la construction occasionnelle de maisons. Les arbres coupés ont repoussé à partir de leurs souches restées vivantes;  leurs systèmes racinaires sont restés vivants et ont continué à protéger le sol. En fait, les techniques agricoles utilisées par les insulaires protégeaient le sol encore plus efficacement que les fermes du continent jusqu’à l’avènement de l’agriculture moderne sans labour.

Plus de poisson à manger ? Un lieutenant de la US Navy, qui a visité l’île de Pâques en 1886, peu après la fin du Petit âge glaciaire, a rapporté que les indigènes mangeaient d’énormes quantités de fruits de mer! La plupart des poissons étaient pêchés à partir de petits canoës côtiers, le sébaste étant le poisson favori. Les indigènes ont également harponné les dauphins dans les eaux peu profondes, après avoir trompé le fameux « sonar » des animaux en frappant des pierres entre elles. Les écrevisses et les anguilles abondaient dans les crevasses rocheuses du littoral et les poissons volants se jetaient sur les plages. Les tortues et les coquillages étaient abondants. Les insulaires ne se sont pas non plus entretués dans des guerres de la faim, bien que les récoltes de patates douces étaient maigres et  que la population ait chuté pendant les sécheresses glaciales du petit âge glaciaire.

Qu’est-il arrivé à la population de l’île de Pâques?  l’histoire est celle d’une scandaleuse exploitation de populations vulnérables par les plus puissants de l’époque. Les chasseurs d’esclaves péruviens ont emmené la plupart des hommes au Pérou dans les années 1800, pour leur faire charger des cargaisons d’excréments d’oiseaux de mer (guano) à partir d’îles au large des côtes pour fertiliser les champs européens. Des conditions de vie terribles, le surmenage et les maladies européennes ont tué la plupart des esclaves enlevés.

L’indignation des péruviens face à ces mauvais traitements a finalement contraint les autorités à renvoyer dans l’île de Pâques les quelques survivants. Malheureusement, ils y ont rapporté la variole. Seuls quelques indigènes ont survécu à l’épidémie qui a suivi. Plus tard, des missionnaires bien intentionnés ont colporté la tuberculose.

La dernière catastrophe fut la location par le Pérou des prairies de l’île aux propriétaires absents pour y faire paître leurs moutons. Les moutons ont détruit jusqu’au dernier des arbres toromiros, tandis que les indigènes survivants étaient (cela est incroyable mais vrai) parqués derrière des barbelés, jusqu’en 1960, quand la condamnation mondiale y a mis fin.

Kristof, qui a peut-être tiré ses mythes de l’île de Pâques à la thèse erronée du livre de Jared Diamond, Collapse, minimise les traditions des colons polynésiens du Pacifique Sud qui consistaient à ne pas épuiser une ressource plus rapidement qu’ils ne pouvaient la  voir se restaurer.

C’est la Mère Nature, et non les Polynésiens, qui a détruit les arbres. Elle l’a fait à de nombreuses reprises : lors du refroidissement de l’âge du fer, au cours de la période froide dite « Dark Ages Cold Period [3] », puis à nouveau  lors du petit âge glaciaire. Mère Nature n’était pas pour autant «négligente». Elle n’a fait que répondre aux commandements séculaires du soleil, aux champs gravitationnels des quatre plus grandes planètes et aux autres puissantes forces naturelles qui ont toujours régi le climat de la Terre.

Ces mêmes forces planétaires gouvernent aussi notre futur, que cela plaise ou non. Un autre «âge glaciaire» suivra inévitablement la période climatique actuelle stable et chaude. Qui probablement (espérons-le) n’arrivera pas avant plusieurs siècles. La période de réchauffement que nous connaissons ne dure que depuis 150 ans. La phase chaude (dite de Dansgaard-Oeschger) la plus courte jamais enregistrée fut la période médiévale, qui a duré 350 ans.

La société des habitants de l’île de Pâques étaient technologiquement capables de survivre aux cycles climatiques de la nature. Dans d’autres lieux, les nomades de la région de la mer Noire ont survécu au dernier maximum glaciaire (à des températures inférieures à -40 degrés Celsius) grâce à l’invention des tentes en peau de mammouth qui leur ont permis de suivre les mammouths migrateurs. Ces énormes animaux à fourrure étaient eux-mêmes forcés de se déplacer fréquemment à mesure que le refroidissement transformait les prairies herbeuses en toundra moins nourrissante.

Il y a 10 000 ans nos ancêtres ont découvert l’agriculture qui a finalement permis aux humains de sortir de leur condition de chasseurs dispersés, portant leurs bébés et leurs possessions sur le dos. Ils ont pu nourrir des populations plus nombreuses, créer des langues, construire des temples, des villes, des navires de commerce, et lancer des activités industrielles capables de produire du cuivre, du bronze puis du fer.

L’intelligence collective nous a rendus  capables de créer des ressources plutôt que de simplement les puiser dans la nature. Je pense à l’engrais azoté extrait de l’air contenant 78% d’azote, puis retourné dans l’atmosphère par des processus naturels. Je pense aux puces informatiques et aux câbles à fibres optiques fabriqués à partir du sable.

Nous ne sommes plus désormais voués  à prospérer, nous pouvons nous effondrer à nouveau. Notre défi auquel nous faisons face aujourd’hui n’est pas de nous replier dans une dépendance incertaine aux bienfaits de Mère Nature et de ses revirements vers un nouvel «’âge de glace». Au contraire, nous pouvons et devons nous préparer une prochaine période glaciale qui nous le savons arrivera en continuant à enrichir notre expertise collective, en faisant preuve de maturité et de sagesse, et en ne tournant pas le dos aux sources d’énergie fossiles, nucléaires ou d’autres qui s’avéreraient  fiables et d’un coût abordable qui ont rendu possibles l’avènement de notre société industrielle et de nos innovations, en même temps que l’amélioration de notre santé et notre niveau de vie.


[1] Dennis Avery expert en politiques alimentaires à l’institut Hudson. Il est co-auteur avec l’astrophysicien Fred Singer du best-seller Unstoppable Global Warming: Every 1500 Years. Son livre à paraître s’intitule Climats of Collapse: The Deadly “Little Ice Ages”.

[2] A.D. est une abréviation de « Anno Domini » qui, en latin, signifie « l’année de notre Seigneur ».

[3] Le Dark Ages Cold Period désigne une période froide et perturbée centrée au milieu du premier millénaire après JC. Lire à ce sujet l’article intitulé Dark Ages Cold Period: A literature review and directions for future research publié par Sage Publishing (http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0959683617693898)

 

 

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