Emissions de CO2 et crise du COVID-19

Baisse substantielle de l’« anomalie » de température mondiale en mars

L’anomalie de température de la troposphère inférieure mesurée par satellite (données UAH) [1 ] en mars 2020 vient d’être publiée sur le site du Dr Roy Spencer. Elle est de +0,48°C marquant une baisse substantielle par rapport à la valeur de février 2020 (+0,76°C). La tendance linéaire au réchauffement depuis janvier 1979 est de à +0,13°C par décennie (+0,12°C sur les océans et +0,18°C sur les terres).

Figure 1 : Ecarts entre la température réelle mesurée en mars et la température moyenne sur la période 1981-2010 pour le mois correspondant.

Le ralentissement économique du COVID-19 affectera t-il la concentration de CO2 dans l’atmosphère ? 

Pour ceux qui seraient tentés de spéculer sur les raisons de cette baisse de l’anomalie de température en mars 2020, Roy Spencer précise qu’elle ne peut pas être due à la réduction des émissions de CO2 résultant de à la crise du COVID-19. Même si l’on admet que le réchauffement climatique est dû en totalité aux émissions anthropiques de CO2 dans l’atmosphère (ce qui est tout sauf prouvé), le forçage radiatif du CO2 supplémentaire ne changerait pas substantiellement, même si toutes les émissions anthropiques de CO2 s’arrêtaient pendant une année complète.

En revanche il est légitime de s’interroger sur le lien entre les émissions et la concentration de CO2 dans l’atmosphère.

La crise COV-19 pourrait réduire de 5% les émissions anthropiques

Selon Rob Jackson, professeur à l’Université de Stanford qui préside le Global Carbon Project, la production de carbone pourrait chuter de plus de 5%, bien plus que lors de la crise financière de 2008, période pendant laquelle la réduction avait été de 1,4%.

Figure 2 : Emissions de CO2 (en Gt CO2 ). Source Global Carbon Project

Je ne serais pas surpris de voir une baisse de 5% ou plus des émissions de dioxyde de carbone cette année, ce qui n’a pas été observé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale…Ni la chute de l’Union soviétique, ni les différentes crises du pétrole ou financières des 50 dernières années n’ont affecté autant les émissions que la présente crise.

Rob Jackson, en Californie (Reuters )

Selon cet autre calcul, la baisse quotidienne des émissions de CO2 en Europe serait de 58%.

Quels effets de la baisse des émissions sur la concentration de CO2 dans l’atmosphère ?

Dans un article du 22 mars Roy Spencer a entamé une réflexion sur les effets du ralentissement économique dû au COVID-19 sur la concentration de CO2 dans l’atmosphère.

Le texte qui suit en résume l’essentiel.

Les données du site de surveillance du CO2 de Mauna Loa à Hawaï ( mises à jour mensuellement ) ne montrent aucun changement en février 2020. Mauna Loa se trouve à haute altitude sur un volcan dans une zone de haute pression subtropicale et ne pourra être en mesure de détecter la conséquence de la crise que dans plusieurs semaines.

La courbe de la figure 3 ci-dessous (commençant arbitrairement en 1996), montre une augmentation continue depuis le début de la surveillance en 1958. Le cycle saisonnier est également marqué, car la végétation de l’hémisphère Nord connaît des variations saisonnières.

Figure 3 : Augmentation de la concentration en CO2 (Source Dr Roy Spencer)

Mais en raison de l’intensité du cycle saisonnier, on ne peut tirer aucune conclusion sur l’évolution des données moyennes brutes représentées par le graphique ci-dessus (figure 3).

La courbe ci-dessous présente les mêmes données après neutralisation du cycle saisonnier :

Figure 4 : Augmentation de la concentration en CO2 après neutralisation du cycle saisonnier (ajustement polynomial de 4e ordre). Source Dr Roy Spencer)

Les effets des événements El Niño et La Niña prévalent

Les émissions anthropiques peuvent expliquer l’augmentation à long terme de la concentration en CO2, mais sur une échelle de temps de quelques mois à quelques années le signal anthropique est masqué par les variations naturelles.

Il existe plusieurs causes de variations naturelles ayant un impact sur le CO2 moyen mondial d’un mois à l’autre : les feux de forêt, des cycles saisonniers de la végétation terrestre, les températures de la surface de la mer auxquelles s’ajoutent les effets du El Niño et de La Niña (ENSO). Les éruptions des volcans Pinatubo et El Chichon ont provoqué quant à elles une réduction du CO2 global, probablement en raison des effets postérieurs aux éruptions sur la végétation provoqués par l’augmentation de la pénétration diffuse du soleil dans les couvertures forestières.

En neutralisant statistiquement l’effet ENSO, on obtient la courbe ci-dessous (Figure 5) qui montre que l’évolution de la concentration de CO2 en février 2020 ne s’écarte pas encore de la tendance générale :

Figure 5 : Augmentation de la concentration en CO2 après neutralisation de l’effet ENSO Ajustement polynomial aux données (fine ligne pointillée). Source Dr Roy Spencer)

C’est assurément une analyse à suivre. Elle permettra de connaître la part des causes naturelles et anthropiques dans l’augmentation globale du CO2. Elle donnera aussi la mesure des sacrifices qu’il faudrait imposer à nos sociétés si leurs dirigeants décidaient de réduire substantiellement les émissions de gaz à effet de serre.



[1] Les températures de la basse atmosphère mesurées par les satellites ont une couverture plus homogène que celles apportée par les stations terrestres. Elles ne présentent pas les biais des températures de surface (relief, zones terrestres peu ou pas couvertes). L’orbite des satellites passe systématiquement au-dessus des pôles en se décalant à chaque tour, réalisant un survol complet et homogène de toutes les zones de la surface terrestre.

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