Quelques données climatiques publiées par Berkeley Earth

Par MD

Introduction.
Allez, un peu de distraction en ces temps troublés. On a souvent évoqué ici même, encore récemment, les séries de « températures globales » publiées mensuellement par quatre instituts bien connus : Hadley Center, GISS-NASA, UAH et RSS. Il en existe quelques autres, dont Berkeley Earth Surface Temperature (BEST) devenu Berkeley Earth. Fondé en 2010 en Californie, sa page titre résume son historique, ses principes et ses objectifs. Il se revendique comme « 1/ independent, 2/ impartial et 3/ open source ». Toutefois ses prises de positions sont sans nuance : « Global warming is the defining environmental challenge of our time.  The need for (…) data about global warming could not be more urgent ». « Work with global industries and governments to inform and support immediate and long-term decision-making on global warming. ». « Establish and strengthen partnerships with national and international media, NGOs, industry leaders, government decision-makers ». « Communicate our findings, in particular with prominent stakeholders familiar with the reasons for global warming skepticism that Berkeley Earth addressed » etc. Chacun appréciera le caractère « independent » et « impartial » de ces prolégomènes, qui jettent une certaine suspicion sur le contenu. Malgré tout, il a semblé intéressant à titre documentaire de consulter ce site, qui est par ailleurs libre d’accès (« open source ») et d’une ergonomie très pratique. On a donc examiné ci-après quelques données climatiques publiées par Berkeley Earth.

Séries de températures pour chacun des États du monde.

Pour accéder à ces données, se reporter à la rubrique intitulée « Actionable climate science for Policymakers ». Cette rubrique était destinée à un tour de chauffe avant la COP26 de 2021 à Glasgow, comme en témoigne le chapeau introductif (toujours aussi « impartial ») : «The world is facing unprecedented climate disruption, and the challenge facing COP26 delegates is immense; urgent collective action is needed to make meaningful progress towards meeting the Paris Agreement goal of limiting global warming to well below 2.0°C ». De ce fait les données historiques s’arrêtent à 2020 ; il ne semble pas qu’il y ait eu une mise à jour depuis la COP26.
La page d’accès aux données est reproduite ci-dessous. Il suffit de sélectionner dans la petite fenêtre bleue l’État voulu (ici la France à titre d’exemple). Apparaissent instantanément un graphique et des chiffres en gros caractères que voici :

Le graphique comporte :

  • en partie gauche les augmentations annuelles de températures par rapport à celle de 1850 et jusqu’en 2020, ainsi qu’un lissage sur 10 ans (10-year smooth, courbe rouge).
  • en partie droite des extrapolations jusqu’en 2100 selon trois hypothèses d’émissions mondiales de CO2 explicitées dans l’encart (grossissement ci-dessous).

Il s’agit en fait de trois « scénarios » élaborés au titre du « climate model intercomparison project CMIP6 », à savoir respectivement SSP3.7.0, SSP2.4.5 et SSP1.2.6 (on notera que SSP5.8.5 et SSP1.1.9 ont été éliminés).
Les deux gros chiffres peuvent être lus sur le graphique et représentent :

  • en rouge « Already », l’augmentation de température observée en 2020 par rapport aux années 1850, lue sur la courbe lissée
  • en orangé « Heading for around », augmentation de température hypothétique en 2100 dans le scénario médian SSP2.4.5.

Toutes les données numériques peuvent être téléchargées.
On peut ainsi comparer la « performance » de l’État par rapport à une prétendue augmentation mondiale de « 1,3°C » en 2020, chiffre dont on examinera plus loin l’origine et la validité.
Pour plus de clarté, voici à titre d’exemple le graphique pour la France, établi à partir des données Berkeley Earth.

On y retrouve graphiquement les chiffres « already » pour 2020 (+2°C) et « heading for around » (+4,4°C) pour 2100 selon le scénario SSP2.4.5.
On peut ainsi télécharger les données pour près de 220 États du globe, jusqu’aux plus modestes en superficie. On pourrait s’étonner que Berkeley Earth puisse fournir des données historiques aussi géographiquement précises en remontant jusqu’au milieu du 19ème siècle. En effet, rappelons qu’en 1850 il n’existait dans le monde que moins de 200 stations météorologiques terrestres très irrégulièrement réparties et encore en 1900 moins de 2 000 stations dont seulement une centaine dans l’hémisphère sud. L’application à des entités géographiques précises et notamment à des États nécessite des interpolations, extrapolations et autres « homogénéisations » délicates voire hasardeuses. Considérons ces données comme elles sont : elles ont le mérite d’exister sous cette forme synthétique et facile d’accès. Il n’est pas possible de les vérifier une à une mais elles donnent une idée d’ensemble. Les plus courageux pourront aussi se reporter à un article scientifique paru il y a tout juste dix ans.

Séries de températures mondiales globales.

La page d’accès précédente comporte en haut à gauche un monumental « The World has warmed 1,3°C » en surimpression d’un graphique en bleu, à peine lisible et sans échelle, censé illustrer l’évolution de la température mondiale. Mais d’où sort ce « 1,3°C » inédit ? Pour le savoir, il faut se reporter à une autre page du site Berkeley Earth intitulée : « Data overview » qui fournit notamment les séries de températures relatives globales (relativement à la période 1951-1980). En voici la représentation graphique en valeurs annuelles et avec lissage sur 10 ans.

C’est sur cette base que Berkeley Earth doit se fonder pour affirmer que la température globale a augmenté de +1,3°C entre 1850 et 2020 (-0,4 en 1850, +0,9 en 2020). Mais on se garde bien de préciser qu’il s‘agit ici de l’ensemble du globe, océans compris, en d’autres termes la « Global mean surface temperatures (GMST) » du GIEC. Au contraire, les séries de températures des États sont évidemment mesurées par les seules stations météorologiques terrestres. Elles ne peuvent donc être valablement comparées qu’aux températures des terres émergées « Land surface air temperatures (LSAT) » et non à la GMST. Il faut bien prêter attention à cette distinction qui est fondamentale et souvent « oubliée ». Berkeley Earth fournit également les données LSAT dont voici la représentation graphique en valeurs annuelles et avec le lissage sur 10 ans.

On lit alors tout autre chose : la température globale relative des terres émergées aurait augmenté d’environ +1,9°C (-0,6 en 1850, +1,3 en 2020). C’est à cette valeur qu’il faut comparer les températures des États, et non aux +1,3°C allégués (on note que la France avec +2°C se situerait très légèrement au-dessus de la moyenne des terres émergées).
On peut superposer les deux courbes pour illustrer cette différence.

Il est d’ailleurs bien attesté que les terres se sont réchauffées plus vite que les océans.

Répartition des températures à la surface du globe en 2020.

Il n’est pas question ici de détailler les séries de températures pour chacun des quelques 220 États ou territoires qui se partagent la superficie des terres émergées. Mais on peut en donner une image synthétique en compilant les augmentations de températures calculées par Berkeley Earth entre 1850 et 2020 (ce sont les chiffres « already » en rouge) et en les reportant sur un planisphère. Il n’est pas nécessaire d’insister sur l’extrême diversité des superficies, des extensions en latitudes et des particularités géographiques.

Malgré des irrégularités et des disparités peu compréhensibles, on constate une sorte de gradient décroissant du nord au sud. On ne commentera pas davantage cette carte qui n’est qu’une image.

Répartition hypothétique des températures en 2100.

On a vu que Berkeley Earth privilégiait le scénario moyen SSP2.4.5. En compilant de la même façon que précédemment les augmentations entre 1850 et 2100 (ce sont les chiffres « heading for around » en orangé), on trouve une moyenne (LSAT) de +4,4°C. À titre de comparaison, dans ce même scénario SSP2.4.5, le GIEC (AR6 SPM.8.a) donne pour l’ensemble du globe (GMST) environ +2.7°C. On voit là encore l’importance de la distinction entre terres émergées et globe entier. On ne s’appesantira pas davantage sur ces chiffres issus de « modèles » dont la dispersion ne fait qu’ajouter à l’incertitude.

Conclusion.
Ces informations sont mises commodément et gratuitement à la disposition du public par Berkeley Earth (ex-BEST). D’autres organismes plus connus exploitent et publient les données des stations d’observation terrestres, mais l’originalité de BEST est d’avoir tenté de les détailler au niveau de chaque État du globe, jusqu’aux plus petits. Cet exercice est méritoire même s’il faut le considérer comme audacieux.
Ce mérite est malheureusement entaché par des prises de position et une présentation tendancieuse de style tabloïd. Le ton alarmiste et comminatoire de la page d’accès, réputé à destination des « policymakers », est destiné à les culpabiliser et à les alarmer plutôt qu’à les informer, en utilisant pour cela des comparaisons fallacieuses et des projections hypothétiques. Bien entendu, la presse fait ses choux gras de ce genre d’annonce tonitruante. Voilà ce qui arrive quand les « scientifiques » se muent en militants et en activistes, dérive de plus en plus fréquente.
Il vaut mieux ignorer ces habillages et ces babillages, analyser méthodiquement les chiffres, et rester extrêmement méfiant à l’égard de toute expression qui se conjugue au conditionnel ou au futur.

Annexe : comparaison avec Hadley Center.
On vient de voir que Berkeley Earth annonce une augmentation de la température terrestre globale de +1,3°C en 2020 par rapport à 1850 alors que le chiffre le plus souvent cité (GIEC-AR6) est +1°C ou +1,1°C. Pour clarifier ce point, on peut confronter Berkeley Earth avec la série Hadcrut5 du Hadley Center qui sert souvent de référence. Celle-ci commence aussi en 1850 et utilise pratiquement le même réseau de stations terrestres (GHCN, global historical climatology network) et maritimes. Le graphique ci-dessous les superpose à titre de comparaison.

Les deux courbes sont pratiquement confondues à partir de 1890. La différence notable concerne surtout la décennie 1850-1860 pour laquelle Berkeley Earth donne environ 0,2°C de moins que Hadley d’où cette différence entre « +1,3°C » et « +1,1°C » en 2020, basée sur la température « globale » d’une prétendue « époque préindustrielle » dont on ignore presque tout.

Vous trouvez que tout cela relève du détail ? Qu’on coupe les cheveux en quatre ?
Considérez donc tous ces débats interminables et ridicules sur des « objectifs » de quelques dixièmes de degrés en plus ou en moins, et concluez.

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11 réflexions au sujet de « Quelques données climatiques publiées par Berkeley Earth »

  1. Comment osez-vous remettre en cause l’évangile selon Saint GIEC en utilisant des arguments objectifs ?
    Puisqu’on vous dit que ça se réchauffe ou que ça se dérègle, ça dépend des jours !
    La preuve que c’est grave : le gouvernement envisage d’interdire les chaudières à gaz qui seraient, parait-il, très polluantes. Pas sûr que nos génies climatiques aient pensé qu’il n’est peut-être pas si simple de poser des pompes à chaleur sur les façades des appartements situés au 30ème étage.

  2. Je suis saturé de pub telephonique pour réviser ma facture énergétique ; j’ai dit à la bonne femme que je suis pour la diversité : je me chauffe au bois , j’ai une chaudière à gaz et des poêles à mazout pour grand froids ; je ne veux pas d’éolienne ou de panneaux solaires sur le toit ou dans les environs ; ils n’avaient qu’à laisser fonctionner Fessenheim ; à quand un contrôle technique obligatoire tous les deux ans comme pour votre voiture avec une étiquette critair en grand sur votre façade

    • Les gens qui veulent vous vendre une éolienne ou des panneaux solaires n’en ont rien à foutre, de la planète, du climat, ou des petits oiseaux.

      Business is business… That’s all.

  3. De toutes façons c’est encore pire que ça : le 1er satellite météo date de 1979, ce qui veut donc dire que l’on a des data fiables que depuis une cinquantaine d’années, et ce en ce qui concerne les températures terrestres. En ce qui concerne les data de temperature oceanique, soit donc l’essentiel de la surface terrestre, on a rien de fiable ou de suffisamment ample pour être exploité avant le réseau Argo, soit donc 2000 sachant que le nombre de balises vient de passer à 4000 (ce qui reste très faible vu l’immensité couverte), depuis peu de temps.

    D’un point de vue scientifique, on n’a donc absolument aucune data fiable et homogène avant 1979, et plus exactement 2000, permettant un chiffrage de l’ordre du degré. Le GIEC raconte donc absolument n’importe quoi en termes de prévisions et de constat.

    • Pour couvrir la surface terrestre à raison de une station météo pour 100 km², il faudrait en construire … 5 millions. Et rien que pour la France, 5500. A cet égard les satellites qui mesurent la température des basses couches de la troposphère font infiniment plus de mesures quotidiennes, et bien plus fiables et homogènes que les 1500 à 2000 stations météo disparates, mal situées, mal calibrées, mal entretenues, pléthoriques ici, absentes là-bas, qui alimentent les GISS, HadCRUT etc… sur lesquels s’appuie le GIEC.

      • Concernant les satellites, leur calibrage est aussi une variable très sensible. Je sais par exemple pour avoir participé à une étude il y a une dizaine d’année, que les marégraphes sont en définitif plus précis (sur un échantillonnage de plusieurs mois) que les mesures satellitaires… Je suis donc tjrs méfiant des divers appareils de mesure, lorsque l’on vous donne des valeurs avec 2 décimales, comme étant vraies, absolues et irréfutables !

        • Je suis d’accord avec vous, les satellites censés mesurer l’évolution du niveau marin sont un flop total puisqu’ils donnent des valeurs presque doubles de celles enregistrées par des centaines de marégraphes, associées à une accélération du phénomène que les marégraphes ne voient pas ou considèrent comme négligeable.
          A l’inverse, les données satellitaires de température de la basse troposphère semblent être beaucoup plus fiables que celles fournies par les stations météo de surface. Les stations de surface sont hétérogènes, disparates, pléthoriques dans les pays riches, quasi absentes dans le tiers monde, les déserts et près des pôles et en faible nombre sur les océans. Les stations de surface sont souvent mal situées, en panne, mal entretenues et parfois même mal calibrées (voir l’épisode australien ces derniers mois).
          Des stations de surface anciennes autrefois en pleine campagne sont maintenant en zone urbaine ou périurbaine, en marge ou carrément en plein “effet d’ilot urbain” qui fausse leurs données à la hausse.
          Pour couvrir le globe à raison d’une station pour 100km², il en faudrait … 5 millions: Le GIEC travaille avec moins de 2000 stations, soit en moyenne une station pour 250000 km², ou deux stations seulement pour le territoire métropolitain français …
          On se souviendra longtemps de l’épisode hilarant d’un record de chaleur estivale “sans précédent” annoncé par une station météo écossaise il y a quelques année, jusqu’au moment où l’on s’est aperçu qu’un marchand ambulant d’ice creams installé en cet endroit “chauffait” anormalement la station avec le moteur de son camion au ralenti pour alimenter le congélateur, lequel lui aussi contribuait aussi à cette gabegie thermique (!)

  4. Bonjour,

    En faisant une rapide comparaison des données proposées pour la France et que vous reproduisez, je me rends compte qu’elles ne correspondent en rien à ce que Météo France a publié pour la même période…
    Par exemple, entre 1940 et 1950 on constate sur le diagramme de MF une baisse moyenne des températures assez forte hormis pour deux années et entre 1910 et 1920, la moyenne des températures est nettement en-dessous de la référence pour pratiquement l’ensemble de la période alors que Berkeley nous montre l’inverse. Idem pour les température inférieures à la moyenne indiquées par Berkeley en 2010 et vers 2015, pour MF on était bien dans le rouge… Si les graphiques démontrent des choses différentes sur chaque site “officiel”, y a qu’à choisir… Curieuse méthode.

    https://www.ecologie.gouv.fr/impacts-du-changement-climatique-atmosphere-temperatures-et-precipitations

    Merci pour vos publications.

    FL

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