Coup de frein au véhicule électrique

par Rémy Prud’homme, Professeur des universités (émérite)

La Commission européenne, dans sa furie planificatrice et écologiste, a décidé d’interdire la vente de véhicules thermiques à partir de 2035. Le prétexte avancé est la réduction des émissions de gaz carbonique. Inutile d’objecter que la production des lourdes batteries des véhicules électriques consomme beaucoup d’électricité et donc émet beaucoup de gaz carbonique, au moins dans les pays (comme la Chine) dont l’électricité est très carbonée.

Inutile de remarquer que ces batteries consomment toutes sortes de terres rares et de métaux lourds particulièrement polluants, et importés. Inutile d’observer que la production d’un véhicule électrique coûte 10 000 euros de plus que la production d’un véhicule thermique. Inutile de constater que la mise au rebut rapide des hommes, des savoir-faire, et des machines d’une filière industrielle aussi importante constituera un choc économique et social majeur. Inutile de voir que donner un monopole à une technologie (l’électrique) c’est se priver des innovations qui surviendraient sans doute dans d’autres technologies (amélioration des moteurs thermiques, carburants de synthèse, hydrogène, etc.). Inutile de réfléchir. Les Vertueux ont décidé. Ce sera le véhicule électrique ou rien, na !

Peut-être pas. Un gros grain de sable se glisse dans la machine à perdre européenne. A la surprise générale, il est allemand. A la demande des constructeurs automobiles allemands, le ministre LPD des Transports, Volker Wissing, a officiellement signifié à la Commission européenne l’opposition de son pays à la décision du tout-électrique en 2035.
On notera au passage le contraste entre la France et l’Allemagne. Depuis des années, les industriels français, ou pour être plus précis Carlos Tavares, le très efficace PDG de Stellantis (PSA, Fiat-Chrysler, Opel, etc.) attirent l’attention des politiques et des médias français sur la folie du tout-électrique-tout-de-suite. Vox clamavat in deserto.

En France, un industriel, même un industriel de stature mondiale très respecté comme Tavares, et même lorsqu’il parle de son métier, ça ne pèse pas grand-chose aux yeux de nos dirigeants administratifs, politiques et médiatiques. Eux décident, et les industriels n’ont qu’à obéir.
En Allemagne, c’est pratiquement le contraire. Les responsables de l’industrie automobile allemande se sont concertés, ils ont conclu que la Commission européenne allait trop loin trop vite, ils l’ont poliment dit au ministre des Transports, qui l’a immédiatement notifié, au nom du gouvernement allemand, à la Commission.

Ce contraste explique peut-être pourquoi l’industrie française périclite lorsque l’industrie allemande prospère. La position allemande est modérée, et même constructive. Elle ne s’oppose pas frontalement à la voiture électrique, et souhaite lui donner sa chance. Elle met en avant une autre technologie : le carburant artificiel (CH4), obtenu en mélangeant de l’hydrogène (H) extrait de l’atmosphère avec du carbone (C) également extrait de l’atmosphère. La combustion de ce carburant de synthèse dans un véhicule thermique ordinaire rejetterait bien du carbone, mais du carbone soustrait à l’atmosphère, pas aux entrailles de la terre. Le bilan carbone de cette combustion serait égal à zéro. L’idée est théoriquement séduisante. Sa mise en œuvre est-elle économiquement et énergétiquement plausible ? Tout dépend de l’origine de l’énergie qui extraira hydrogène et carbone de l’air. Réaliste ou pas, la proposition est habile. Elle montre en tout cas que lever une interdiction administrative a pour effet d’ouvrir des portes technologiques.

Cette intervention de l’Allemagne est un signal important. Elle vient du pays champion du coûte-que-coûte écologiste, qui a façonné les positions extrémistes de la Commission européenne. C’est peut-être même l’Allemagne qui est à l’origine de l’interdiction de la vente de véhicules thermiques en 2035 – à laquelle l’Allemagne s’oppose aujourd’hui. On a donc affaire à un tournant, pour ne pas dire une volte-face. La contagion va s’étendre à la Commission européenne. L’Italie et la Tchéquie ont déjà endossé la demande allemande. Au train où vont les choses, la France, le pays qui a le plus à perdre à cette absurde interdiction, sera le dernier à la vouloir.

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16 réflexions au sujet de « Coup de frein au véhicule électrique »

  1. De toute façon avec les dangers qui nous tombent sur la tête, on a déjà pris la décision de relancer le nucléaire .Je ne donne pas cher de l’avenir des voitures électriques , ni des moulins à vent et des modes d’énergies exotiques comme l’hydrogène .La guerre va par ailleurs autoriser malheureusement le monde à remettre du désherbant dans les champs à défaut de crever de faim.Reste un bon coup des autocrates chinois sur nos démocraties et on ne parlera plus de COP.
    Dans peu de temps, tout cela sera du passé !
    On abondera dans l’autre extrême ,et le pire avec les mêmes individus qui défendent le contraire aujourd’hui, ainsi va l’humanité ……

  2. Il faut revenir à la réalité, oublier le CO2 et les filières « décarbonées ».
    Il faut oublier les voitures électriques dont le seul intérêt, certes important, touche aux poumons des citadins des centres villes. Pour rouler à la campagne, le diesel va très bien !
    Mais avant tout il faut cesser de nous bassiner avec l’effet de serre.
    L’effet de serre ne fait que réchauffer l’atmosphère, laquelle a une inertie thermique bien plus faible que les sols et infiniment plus faible que l’eau des couches supérieures des océans. L’effet de serre ne joue sur le réchauffement ou le refroidissement climatique de la planète que de façon très légère.
    De plus le CO2 dont on nous rebat les oreilles est peut-être un gaz à effet de serre en laboratoire ou dans les ordinateurs des petits soldats des modèles climatiques, mais pas dans l’atmosphère où il est en mélange avec d’autres gaz, principalement la vapeur d’eau. Et H2O présente un spectre d’absorption des IR aux larges bandes qui recouvrent totalement (en fréquence et en intensité) celles du CO2. De ce fait et compte tenu de la quantité bien plus élevée dans l’atmosphère d’humidité que de CO2 (420 ppm), c’est l’eau qui absorbe les infrarouges et la quantité restante absorbée par le CO2 est infime. C’est le phénomène physique dit de saturation qui fait que le CO2 atmosphérique ne peut être comptabilisé dans les GES. Le principal gaz à effet de serre est l’eau atmosphérique (à 90% + le méthane et l’ozone à quelques % chacun).
    Les “écologistes”, dont la culture scientifique est largement insuffisante en regard de leurs prétentions, nous assomment avec leur lavage de cerveau permanent, dont ils sont les premières victimes. La plupart sont des perroquets idiots, sauf que certains en sont conscients et là c’est plus grave, carrément criminel…Parmi les candidats à la présidentielle, faites votre choix !

  3. Un autre point mettra également un coup de frein à cette idéologie planificatrice : la disponibilité de l’énergie !

    De nombreux pays, dont la France, souffrent d’un déficit (ou pour certains d’un risque de pénurie) électrique à certains moments de l’année, souvent l’hiver. Or, le passage à 50% ou pire 80% du parc automobile en version électrique, nécessitera une capacité de fourniture d’électricité, principalement la nuit, ce que ni en 2022, ni en 2035, n’est possible pour aucun pays…

    Bref, les politiques toujours aussi mauvais dans leur capacité à entrevoir et préparer l’avenir, prennent des décision à caractère électoral, loin des réalités…

    • C’est la nuit que la puissance installée est sous-utilisée. La recharge nocturne des véhicules électriques ou hybrides, durant les heures creuses, permet de lisser les écarts de consommation quotidiens sans avoir besoin d’installer des capacités supplémentaires, du moins dans un premier temps. L’électrification du parc automobile contribue à ce titre à augmenter le rendement des centrales nucléaires.

      • @Garolufa,

        Je suis d’accord sur le principe (conso plus faible en nocturne), mais, le problème est lié à l’échelle…

        Il y a 40 millions de voitures en France, soit environ 30 GW à sortir sur une plage courte, plus le chauffage et tout le reste !

        • A la lecture d’eco2mix, on peut observer qu’il y a environ 15 GW de marge entre le pic du jour et le creux de la nuit, hiver comme été. Il serait possible dès à présent d’électrifier de l’ordre de 20% du parc automobile, en laissant une marge de sécurité, sans faire tomber le système. Vu le rythme des ventes automobiles, il faudra de toute façon plusieurs décennies pour dépasser cette part de marché, laissant le temps nécessaire pour construire les 20 à 25 tranches nucléaires supplémentaires nécessaires à l’indépendance énergétique de la France.

  4. Alors là, si on parvient à stocker de l’énergie électrique dans du gaz de synthèse avec des rendements pas trop pourris, ça va donner des arguments aux partisans du photovoltaïque et de l’éolien. En effet, le problème de l’intermittence s’envole d’un seul coup, puisqu’on sait enfin stocker. On ne pourra plus objecter, “voyez, il y a plein de vent mais pas de demande en ce moment”. “Pas de demande ? OK, on stocke”. Pareil pour le soleil.
    Amitiés Dominique

    • Bonjour
      Cet article n’est pas sans rapport avec le précédent sur l’hydrogène…et je suis d’accord avec les différents commentaires… j’ajouterai simplement un commentaire sur les carburants de synthèse :
      En se plaçant dans la logique folle de la neutralité du CO2 ou celle beaucoup plus raisonnable du nucléaire, il y a un moyen d’extraire un hydrocarbure à partir de l’électricité sans passer par l’hydrogène (voir article précédent) ni le carbone de l’atmosphère : c’est l’acétylène produit à partir du calcaire et l’eau en passant non pas par l’hydrogène mais par le carbure de calcium … en plus la filière industrielle existe depuis belle lurette mais a quitté le territoire national ! Le produit intermédiaire, le carbure de calcium est un solide qui se stocke bien mieux qu’un gaz, qui ne se dégrade pas (en milieu sec )… et qui ne s’échappe pas de la planète comme l’hydrogène gazeux…

    • Nickel ! Le sud marocain (Tarfaya et arrière-pays) devrait se frotter les mains question énergie pour faire du gaz. Alizés permanents, soleil tout le temps, personne (sauf qq chameaux), la mer à côté, terminal gazier à construire. Le Maroc, jusqu’ici sans pétrole, devient un grand pays exportateur et rejoint l’OPEP déclinant.
      Bon, et si ça ne marche pas, il reste toujours 15 m d’épaisseur de schistes bitumineux à fracker, à très faible profondeur sur de vastes surfaces, réserve énorme (si on boucle les écolos, of course) avec seulement quelques chameaux analphabètes dessus… Investissons au Maroc.
      Ceci juste pour dire qu’on ne manque pas de ressources, classiques ou pas.
      Désolé d’avoir les pieds sur terre. Je retourne à ma toilette de chat, comme dit la copine Waze.

      • Oui, je dis Waze, parce que, malgré l’envolée du prix du gazole, il faut bien faire chauffer les pistons pour que la voiture attaque les chemins de montagne et ne s’y perde pas. La saison des morilles approche.
        Quant à mon empreinte carbone, je m’assoyons dessus, au motif que le carbone, oxydé ou non, n’a jamais causé le moindre changement climatique. Un indice ? A la fin de l’Ordovicien, pendant quelques 500.000 ans, soit 5 cycles de Milanko s’ils étaient déjà fonctionnels, une calotte glaciaire de plusieurs km d’épaisseur s’est développée sur l’Afrique, alors au pôle sud (dérive des continents…). La géochimie des roches déposées avant, pendant et après dans les mers tropicales de l’époque indique indirectement des teneurs en CO2 de l’atmosphère qui feraient adresser les cheveux sur la tête d’un réchauffiste. Ce truc a d’ailleurs bien embêté les géologues qui ont dû se contorsionner pour trouver une explication (foireuse). Voilà pourquoi je m’assoie sans vergogne sur mon empreinte carbone.

        • Bon, et puis pendant qu’on y est, pourquoi ces énormes bestioles de l’ère secondaire, qui devaient bouloter la tonne de végétal par jour pour survivre, ne sont pas mortes de faim ? il fallait que les fougères poussent mieux que maintenant, dirait Maame Michu. Donc, roulez en paix petits bolides, recrachez du CO2 la conscience tranquille, c’est bon pour la planète.

  5. “On a donc affaire à un tournant, pour ne pas dire une volte-face.”

    On pouvait l’anticiper paisiblement, et même avec un sourire narquois, tant la politique énergétique de l’UE en général, de l’Allemagne et de la France en particulier, est stupide. Les politiciens peuvent raconter n’importe quelles calembredaines et soutenir n’importe quels délires, jusqu’au moment où ils craignent de se faire lyncher par les peuples en colère. La peur panique est le début de la sagesse retrouvée. Certains appellent cela la force du réel, d’autres parlent de légitimité politique…

  6. @ Serge Ferry qui a dit
    “”” recrachez du CO2 la conscience tranquille, c’est bon pour la planète.””””””
    Je suis parfaitement d’accord , les glaciations qui ont suivi celle de l’Ordovicien (permienne et quaternaire) montrent bien que le CO2 atteint des limites si basses qu’elles devraient inquiéter les escrologistes se préoccupant de la biodiversité mondiale ; c’est pour cela qu’il faudrait arrêter le verdissement de la planète ; en effet plantes et algues en collaboration avec la tectonique, l’érosion et la sédimentation sont responsables de la fossilisation du carbone et des extinctions majeures qui ont suivi

  7. Je cite l’article: …”le carburant artificiel (CH4), obtenu en mélangeant de l’hydrogène (H) extrait de l’atmosphère avec du carbone (C) également extrait de l’atmosphère”…
    Je veux bien croire qu’on puisse extraire du CO2 de l’air quoique, à une faible concentration de 412 ppmv, il va falloir une sérieuse dépense d’énergie pour le récupérer et ensuite une nouvelle gabegie pour le réduire en carbone.
    Quant à l’hydogène, qui existe dans l’atmosphère sous forme gazeuse H2 et non monoatomique, on ne l’y trouve qu’à l’état de traces (0,72 ppmv), totalement inexploitable donc.
    Ensuite en “mélangeant” un gaz, l’hydrogène, avec un solide, le carbone, on devrait selon l’article obtenir du méthane? Je suis très dubitatif: Il doit certainement y avoir autre chose de plus complexe qu’un simple mélange. Monsieur Prudhomme, merci de nous donner un peu plus de précisions sur le procédé employé et le coût estimé du méthane ainsi produit.

  8. L’irrationnalité des décisions énergétiques:
    Postulat de base;
    Une personne adulte peut au plus développer 250 / 350 W. Ses besoins vitaux sont très supérieurs. 2 à 4 kW chauffage en grosses moyennes (discutables – 100 kWh/an*m² – 100 m² / 4 000 h chauffage), + le transport + cuisine + ,… auxquels ajouter les besoins indirects de l’industrie et de l’agriculture à rapporter aux individus consommateurs / bénéficiaires. Ce n’est donc que par l’information (l’intelligence) qu’on pourra maîtriser l’énergie. preuve caricaturale on ne bénéficie de la puissance d’un cheval (vapeur? – 736 W) qu’en le conduisant. Idem pour une centrale (thermique ou nucléaire ou hydraulique).
    -Les avions: En supposant que H2 soit un support de stockage efficace et utilisable, il y aura des avions à hydrogène. Sans doute sécurisés. Le Zepplin utilisait aussi H2, mais pour une sustentation statique, bien moins énergivore qu’une sustentation dynamique (trainée, poussée etc…). Si on sait sécuriser des réserves H2 d’un avion, on saura sécuriser celles d’un dirigeable! Est – ce le trauma “Hindenbourg” ou les intérêts Airbus / Boeing qui entravent ? Le temps perdu ? Si, réellement il y a urgence de voyage (une urgence ce sont des gens pressés ou en retard), on télétravaillera en route.
    -L’éolien: Seul le grand éolien est promu. Faut – il passer de telles machines, puis des conversions de fréquence et de tension puis une mutualisation réseau puis de nouvelles conversions F et U pour alimenter une pome de puits. J’y rêve à chaque fois que je regarde un Western, ou des tableaux anciens des pays bas ou que je lis “Maitre Cornille”.
    -L’intermittence de production de l’éolien individuelle, on la pallie par des batteries, or c’est la majeure partie du poids d’un véhicule électrique. Dont l’autonomie est donnée à charge maxi alors que 90 % des véhicules roulent avec 1 à 2 personnes à bord (soit 25% de la charge – en kg pas en kWh – maxi).
    -L’isolation de l’habitat: 70 % des ménages sont décomposés / recomposés soit donc 2 à 3 chambres chez papa et autant chez maman. Et ceci de 20h à 7 h les reste du temps, à l’école au bureau, ….Plutôt que consommer de la surface à sur – isoler, (ce qui indirectement artificialise les sols) il serait plus simple et moins cher de zoner 13° en inoccupation (sans parler du boulevard offert aux xylophages par une isolation qui cache la charpente).
    -Photovoltaïque: On attend toujours une étude sur l’impact écolo du traitement du silicium afférent et sur le devenir de leurs déchets. Mais il s’agit de produits verriers, tout comme l’isolation et comme on sature à ce sujet on pourrait soupçonner un looby.
    -Et, plus récent, la flotte. Voila 30 ans que (dans une hypothèse de moyenne annuelle identique) les précipitations sont 4 fois plus fortes et de durée 4 fois moindre. La réglementation “gouttières” n’a pas changé (on attend le loby qui va s’y mettre).

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