L’irrépressible envolée de la «taxe carbone »

L’augmentation continue de la « taxe carbone » pèse sur le budget que les français consacrent à leur chauffage et leurs  déplacements. Fixée à 7 € la tonne de CO2 lors de sa création, son montant est aujourd’hui de  55 € la tonne et pourrait atteindre  100 € la tonne dès 2024. Le Commissariat Général au développement Durable a calculé l’incidence ce cette taxe sur le budget des ménages :  87 € par an et par ménage en 2016, une somme qui pourrait atteindre 245 € en 2020. Elle frappe plus durement les foyers ruraux et modestes.

incorporée aux taxes énergétiques existantes, cette « taxe carbone » est passée inaperçue lors de sa création

Créée en 2014 par Ségolène Royal,  la « contribution climat énergie » est  intégrée aux taxes existantes sur la consommation d’énergies fossiles (TICPE, TICGN, TICC [1]). Son montant est proportionnel aux émissions de CO2 desdites énergies et peut donc à ce titre être qualifiée de « taxe carbone ».

D’un montant initial de 7 € la tonne de CO2 lors de sa création, la «contribution climat énergie»  est  réévaluée chaque année. La Loi de Finances de 2019 l’a fixée à  55 € la tonne pour l’année en cours et précisé sa trajectoire d’évolution : 65,40 € la tonne de CO2 en 2020, 86,20 € en 2022. A ce rythme, indique un récent rapport du Sénat [2], la tonne de carbone devrait dépasser la valeur de 100 € dès 2024, soit six ans plus tôt que ce que prévoyait la Loi de 2015 relative à la transition énergétique.

Les automobilistes ne sont pas les seuls à régler l’addition car la « taxe carbone » frappe aussi le fioul domestique (via la TICPE) et le gaz naturel via la TICGN (Taxe Intérieure de Consommation sur le Gaz Naturel). Instituée en 1986 la TIGCN a été étendue aux particuliers en 2014. Fixée à 1,27 € par MWH en 2014 son montant a été porté à 10,34 € en 2019 et il est prévu qu’il atteigne 16,02 € par MWH en 2022, soit une multiplication par 12,6 depuis sa création. Il s’agit de montants hors taxes sur lesquels s’applique la TVA au taux de 20%. En 2017 cette taxe représentait environ le tiers du montant total des factures de gaz naturel.

Une taxe calculée par les représentants des partenaires sociaux et des ONG

En 2008, une valeur de référence du carbone (dite tutélaire ) avait été  évaluée à la demande du gouvernement par l’économiste Alain Quinet. Tout récemment, le premier ministre a chargé une commission composée d’experts, de représentants des partenaires sociaux et d’ONG de calculer une nouvelle valeur tutélaire du carbone [3] « cohérente avec les ambitions climatiques de la France ». On rappelle que les émissions françaises représentent  moins de 1% des rejets mondiaux.

Les foyers modestes vivant en zone rurale sont les plus pénalisés

Dans un document de mars 2016, le Commissariat Général au Développement Durable [4] estime le surcoût annuel pour les ménages de la taxe carbone » à 83 € par an en moyenne (87 € pour un ménage se chauffant au fioul).

Ce surcoût pèse davantage sur les ménages modestes que sur les ménages aisés [5]. De plus, comme le montre le diagramme ci-dessous, la « taxe carbone » frappe plus durement les ménages habitant en zone rurale (95 € par an) que les parisiens (70 € par an).

Taxe carbone

Pour les ménages habitant en zone rurale et qui donc n’ont pas accès au gaz de ville et sont de plus contraints d’utiliser leur voiture pour leurs déplacements, c’est la double peine. C’est même la triple peine pour ceux qui roulent en Diesel comme le montre le diagramme ci-dessous :

Taxe carbone

Ces données sont relatives à l’année 2016 ; en 2020 prévient le Commissariat Général au Développement Durable ce surcoût sera en moyenne de 245 € par ménage et par an.

Un rapport du Sénat [6] fait apparaître une fiscalité énergétique déjà très lourde en 2018, qui, si la trajectoire de la « taxe carbone » est maintenue, sera multipliée par 4 en 2022, ce que le tableau ci-dessous extrait de ce rapport fait clairement apparaître :

Taxe carbone

Impact de la hausse de la fiscalité énergétique sur le budget des ménages, par rapport à 2017. Source : Direction générale de l’énergie et du climat) Extrait du rapport du Sénat

 

La hausse de la « taxe carbone » mise en œuvre dans une logique de rendement budgétaire

Selon Connaissance des énergies [7], la « taxe carbone » aurait rapporté à l’État près de 4 milliards d’Euros en 2016. Le rapport du Sénat  déjà cité, indique que la nouvelle trajectoire de la « taxe carbone » et la poursuite du rattrapage de la fiscalité du diesel et de l’essence entraîneront une hausse sans précédent de la fiscalité énergétique (+ 15 Milliards d’Euros en 2022).

Le tableau ci-dessous issu du rapport du Sénat fournit le détail de cette hausse :

Taxe carbone

Recettes fiscales de la révision des tarifs des taxes intérieures de consommation jusqu’en 2022 (en milliards d’euros) Source : Sénat, évaluation préalable annexée au projet de loi de finances pour 2018

 

Selon le Sénat, « le rendement supplémentaire de la TICPE consécutif à ces mesures s’élèverait à 3,3 milliards d’euros en 2018 et à 12,1 milliards d’euros en 2022. Pour la TICGN, ce rendement serait de 600 millions d’euros en 2018 et 3 milliards d’euros en 2022 ».

On s’attendrait à ce que le produit de cette taxe soit affectée à la transition écologique . Il n’en est rien : dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2018 [8], l’Assemblée nationale relève que la hausse de la « taxe carbone » est avant tout mise en œuvre dans une logique de rendement budgétaire, au profit du budget général de l’État. Entre 2014 et 2016, la hausse des produits de la fiscalité énergétique a principalement servi à compenser une partie du coût du CICE (Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi).

Le gouvernement prétend ainsi alléger la fiscalité sur le travail, censée avoir déjà été financée par la hausse de la CSG.

Coûteuse et arbitraire, la « taxe carbone » est  de plus inefficace

La « taxe carbone » est censée détourner les français des énergies fossiles : selon la Chaire Economie du Climat (Paris Dauphine) [9], l’instauration de la « taxe carbone » devait permettre une baisse des émissions de CO2 comprise entre 1,5 et 5 Mt CO2 en 2015, puis entre de 3 à 9 Mt de CO2 en 2016 attribuable notamment aux réductions de consommations de gazole, de gaz naturel et de fioul domestique.

Qu’ observe t-on en réalité ?

Les émissions de CO2 en France ont régulièrement diminué de 2008 (370,1 Mt ) à 2014 (304,2 Mt ). Depuis 2014, année de la création de cette taxe, elles augmentent  à nouveau : 309,7 MT en 2015,  316 millions de tonnes en 2016 [10].

François de Rugy, nouveau Ministre de la Transition Écologique et Solidaire, déclarait récemment que la « taxe carbone » sera maintenue  « parce que les Français, que ce soient des particuliers ou des entreprises, seraient les premiers à nous reprocher de changer de pied tous les ans ».

« Errare humanum est, perseverare diabolicum »


[1] TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques), TICGN (Taxe Intérieure de Consommation sur le Gaz Naturel), TICC (Taxe intérieure de consommation sur le charbon)

[2] Projet de loi de finances pour 2018 : Fiscalité de la transition écologique (http://www.senat.fr/rap/a17-113-1/a17-113-14.html)

[3] Ses travaux s’appuieront sur les résultats de modèles macroéconomiques et technico-économiques de la transition énergétique. (https://www.strategie.gouv.fr/actualites/lancement-de-commission-tutelaire-carbone)

[4] Commissariat Général au Développement Durable :  L’impact, pour les ménages,  d’une composante carbone dans le prix des énergies fossiles – mars 2016 (https://www.connaissancedesenergies.org/sites/default/files/pdf-pt-vue/2016.03.impact_pour_les_menages_de_la_composante_carbone.pdf)

[5] « Commissariat Général au Développement Durable estime qu’en 2016, le surcoût représente 0,6 % du revenu disponible des ménages appartenant au 1er décile de revenu, contre 0,1 % pour les ménages du 10e  décile, et 0,2 % pour l’ensemble des ménages.

[6] Projet de loi de finances pour 2018 : Fiscalité de la transition écologique (http://www.senat.fr/rap/a17-113-1/a17-113-14.html)

[7] Idées reçues : « Il n’y a pas de taxe carbone en France » (https://www.connaissancedesenergies.org/il-ny-pas-de-taxe-carbone-en-france-170601)

[8] IFRAP : l’envolée irrépressible de la TICPE (taxe carbone) http://www.ifrap.org/budget-et-fiscalite/lenvolee-irrepressible-de-la-ticpe-taxe-carbone

[9] La réforme de la fiscalité de l’énergie : une extension de la tarification du carbone en France (http://www.chaireeconomieduclimat.org/publications/policy-briefs/policy-brief-2014-06-reforme-de-la-fiscalite-energie-tarification-carbone-en-france/)

[10] https://www.planetoscope.com/co2/821-emissions-de-co2-en-france.html

 

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