Ségo en campagne, épisode 2 : « Il y a un défaut de parité dans la Sainte-Trinité »

Par Benoît Rittaud

Feuilleton politique d’été publié sur le site internet de Valeurs Actuelles.

Notre-Dame de Paris étant encore fermée, il avait fallu choisir une autre cathédrale de prestige pour y organiser une rencontre avec quelques dignitaires ecclésiastiques et ainsi permettre à Ségolène Royal de montrer combien elle se sentait concernée par les catholiques. Chartres avait été préférée à Reims pour éviter les moqueries faciles sur Royal réclamant sa couronne. Soucieuse de la distinction entre pouvoirs spirituel et temporel, l’Église ne souhaitait pas s’impliquer dans la campagne, bien entendu, mais ne pouvait refuser de rencontrer une future candidate et ancienne ministre. Après la visite de la cathédrale, une réunion était prévue au diocèse, lieu plus informel quoique moins propice à une séance photos.

Chartres avait été identifié comme terre de mission lorsque l’équipe de campagne de Ségolène Royal avait remarqué que l’évêque local, monseigneur Philippe Christory, avait lancé en 2019 une initiative intitulée « écologie et Église ». L’intitulé avait paru excellent aux militants parce qu’il accordait la première place à l’écologie. En baptisant son parti « Désir de France, Avenir de la planète », Ségolène elle-même n’avait pas fait montre d’une telle audace.

Ainsi donc, lors d’un après-midi maussade qui ne mettait pas les vitraux à leur meilleur, Ségolène Royal et quelques membres de son comité de pré-campagne discutaient avec trois membres du diocèse tout en visitant la cathédrale qui, en tout et pour tout, n’avait jamais couronné qu’Henri IV. Parvenus du côté sud de la nef, l’un des prêtres s’arrêta devant l’un des vitraux pour en expliquer le sens.

— La fameuse parabole du Bon Samaritain, dit-il. Un homme blessé par des bandits est abandonné sur le bord de la route, deux religieux passent et l’ignorent. Le troisième, un simple Samaritain, le conduit à une hôtellerie pour qu’on prenne soin de lui. En ces temps où la Terre subit les outrages de la cupidité des hommes, ne trouvez-vous pas que nous aurions bien besoin d’un Bon Samaritain pour qu’il soit pris soin de notre planète ?

Après un temps, il ajouta : « Ou d’une Bonne Samaritaine, bien entendu… »

Ségolène Royal fit mine de prendre la remarque pour un gentil trait d’humour, mais fut secrètement ravie. Elle s’enhardit :

— Vous mettez le doigt sur un des problèmes dans l’Église, dit-elle d’une voix trop forte pour le lieu. Tout y est encore trop masculin. Au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit, par exemple, c’est très patriarcal. Il y a un défaut de parité dans la Sainte Trinité. Je ne demande pas à ce qu’on se mette à dire « au nom de la Mère, de la Fille et de la Sainte-Pensée », mais on pourrait quand même songer à un rééquilibrage. Et comme nous parlons d’écologie, on pourrait ajouter la Terre-Mère, par exemple.

(la suite est à lire sur Valeurs Actuelles)

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