Les prix Nobel d’économie 2018 et la question climatique

Par Rémy Prud’homme

Rémy Prud’homme est Professeur émérite à l’Université de Paris XII. Il a enseigné aux Universités de Phnom-Penh, de Lille, de Paris XII, ainsi qu’au MIT (Massachusetts Institute of Technology). De 1974 à 1976 il a travaillé à l’OCDE comme Directeur-Adjoint de la Direction de l’Environnement.

Le prix Nobel d’économie 2018 a été décerné à deux économistes américains très connus et très respectés : William Nordhaus et Paul Romer. Peut-être parce qu’il a été annoncé au moment de la sortie d’un nème rapport de la dernière chance publié par le GIEC, les catastrophistes officiels se sont empressés d’annexer ces économistes, en nous expliquant qu’ils étaient des spécialistes de l’environnement et d’ardents soutiens de l’alarmisme dominant. Il n’en est rien. Paul Romer n’a pratiquement rien écrit sur ce thème ; William Nordhaus a bien travaillé sur l’environnement mais les conclusions auxquelles il arrive sont très différentes du discours GIECien.

Paul Romer, Professeur à New York University (NYU), qui a été un temps économiste en chef de la Banque Mondiale, a principalement travaillé sur la croissance économique. Il a contribué à dépasser la représentation classique, qui explique la production à partir du travail et du capital, et la croissance à partir de l’augmentation de ces deux facteurs. Le rôle essentiel, explique-t-il, est joué par la technologie, l’éducation, les institutions, le secteur public, etc. – des variables « endogènes » à la société. Son nom est associé à la notion de « croissance endogène ». Le hasard fait que j’ai passé quelques jours avec Paul Romer qui m’avait invité à NYU à un petit colloque sur la voiture autonome : à aucun moment il n’a fait référence au climat, ou au réchauffement ou même au CO2 ; et dans ses publications, je n’ai pas souvenir de travaux sur ces thèmes.

Nordhaus, Professeur à Yale, a au contraire beaucoup travaillé sur ces thèmes. Il a synthétisé ses analyses dans un beau livre intitulé The Climate Casino publié en 2013. Il accepte, au moins provisoirement, la thèse du GIEC sur un réchauffement causé par les teneurs de l’atmosphère en CO2 anthropique. Il évalue le coût des dommages de ce réchauffement en fonction de son ampleur : coût réel pour un réchauffement de 1,5° (au dessus de la température de 1900), important pour 3°, très grand pour 5°. Et le coût des politiques de décarbonation en fonction de leur ampleur. La confrontation de ces deux courbes lui permet de définir un objectif optimal. Bien entendu, de tels calculs sont très difficiles à conduire, et Nordhaus, en savant honnête et prudent, est le premier à souligner la fragilité de ses évaluations. Si les alarmistes se donnaient le mal de lire l’auteur qu’ils s’approprient, ils seraient surpris, et furieux, de ses conclusions. L’objectif optimal, désirable pour l’humanité, varie de +2,5° dans le cas (peu réaliste selon Nordhaus lui-même) d’une politique universelle à environ +4° dans le cas (plus vraisemblable) d’une politique non universelle. On est loin du catastrophique +1,5° de la COP 21 ou de l’apocalyptique +2° décrit par le GIEC dans son rapport d’octobre 2018. Selon Nordhaus, un réchauffement de 1,5°-2° est insuffisant, et il faudrait viser un réchauffement deux fois plus important, de 2,5° à 4°. S’il présentait ses travaux à une réunion du GIEC, de l’IDDRI, ou d’un Climate Finance Summit, le Professeur Nordhaus serait accueilli à coup d’insultes et de tomates.

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