Énergies renouvelables : madame MacGregor se trompe et nous trompe

Rémy Prud’homme

Dans une tribune du Figaro du 5 septembre, la Directrice Générale d’Engie, se livre à un exercice de lobbying intitulé : « Energies renouvelables, on ne peut pas dire n’importe quoi ». C’est pourtant ce qu’elle fait. En voici quatre exemples, parmi d’autres.

Elle affirme que l’éolien et le solaire « ne sont responsables que de moins de 5% de la hausse de la facture d’électricité sur les dix dernières années ». Depuis 2004, la demande d’électricité de la France est restée constante (elle a même tendance à diminuer). En 2004, cette demande était satisfaite à plus de 90% avec le stock de centrales nucléaires (et hydrauliques) créé par la France au cours des décennies précédentes (financées par des emprunts, sans subventions publiques, soit dit en passant). Ce stock était, et continue d’être, tout à fait suffisant pour répondre à la demande de chacune des vingt années suivantes, y compris en 2024. A un coût constant, et même déclinant, puisque le coût de production de l’électricité nucléaire (et hydraulique) est essentiellement un coût de capital, et que le capital était déjà là. Or qu’observe-t-on ?  Que la facture effectivement payée a (en euros constants) presque doublé (+91%) durant cette période. Et que le seul changement massif intervenu dans cette même période est le développement de l’éolien et du solaire. Les ENR étaient totalement inutiles dans le cas de la France (il en va différemment dans beaucoup d’autres pays) et tous les coûts directs et indirects engagés dans les ENR ont contribué à « la hausse de la facture d’électricité », et en sont la principale explication. Le phénomène n’est pas uniquement français. Comparez pour tous les pays européens la part des renouvelables et le prix de vente de l’électricité : vous verrez que plus les renouvelables pèsent lourd, et plus le prix de l’électricité est élevé. Le « moins de 5% » de Madame MacGregor est ridicule.

Son : « les Français (…) estiment que le pays a besoin de nucléaire ET des ENR » est un peu abusif. Pendant vingt ans, les écologistes, les Russes, et … Engie ont tout fait pour réduire le nucléaire français afin de le remplacer par des ENR. Les écologistes par idéologie ; les Russes par géopolitique ; et Engie par intérêt. Engie, qui est un marchand de gaz, sait bien que le gaz est la meilleure façon de pallier l’intermittence aléatoire des ENR, et que son importance augmente avec la part des renouvelables dans le mélange électrique. Ce combat pro-renouvelable et anti-nucléaire, dont Engie a été l’un des principaux acteurs, a été couronné de succès. La politique officielle affichée consistait à fermer 17 réacteurs et à négliger l’entretien de tous. Aujourd’hui encore, la « sortie du nucléaire » figure explicitement dans le programme électoral de plus de la moitié des partis politiques français, de Glucksman à Mélanchon.

La Directrice d’Engie justifie les ENR par le fait qu’une éolienne « rapporte » 10 000 euros par an à la collectivité locale qui l’accepte. Il est vrai que ce pourboire est systématiquement utilisé pour convaincre certains conseils municipaux d’accepter ces machines qui font du bruit, clignotent la nuit, massacrent les chauve-souris, détruisent les paysages, bétonisent les champs – et plus généralement causent des dégâts environnementaux qui font baisser de 20% la valeur des immeubles voisins. Faire de ce bakchich une condition sine qua non de la réindustrialisation du pays (comme le fait Mædame MacGregor) est une plaisanterie que même les plus démagogues de nos politiciens hésiteraient à formuler.

L’article de Madame MacGregor se termine sur une injonction à imiter … la Pologne. La Pologne est le pays d’Europe où la part du charbon et du lignite dans le mélange électrique est la plus élevée, et qui produit donc une électricité très lourdement carbonée. Remplacer le charbon par du solaire et de l’éolien a donc pour objet, et pour effet, de décarboner l’électricité polonaise. C’est ce qui se produit : en 2024, la part des renouvelables en Pologne a atteint 29% (Madame MacGregor préfère donner le chiffre du seul mois de juin 2025, 44%, sans dire que juin est un mois où le soleil est chaud, et la demande d’électricité faible). Et elle nous offre la Pologne en exemple à suivre : « ce sont bien les renouvelables qui mettent en œuvre la décarbonation du pays. Alors reprenons notre destin en main et misons aussi sur les renouvelables ». C’est prendre les lecteurs du Figaro pour des ignorants. Ils savent très bien (ainsi que Madame MacGregor, bien entendu) que le cas de la France est complètement différent du cas de la Pologne. En France la part du charbon dans le mélange électrique est pratiquement négligeable depuis longtemps. Remplacer l’électricité nucléaire par de l’électricité renouvelable n’a absolument aucun effet sur la décarbonation d’une électricité déjà décarbonée. Conclure sur un argument aussi grossièrement bidon, c’est avouer ne pas avoir beaucoup de justifications sérieuses à avancer. On est un peu gêné de voir la directrice d’une entreprise du CAC 40 oser l’utiliser.

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13 réflexions au sujet de « Énergies renouvelables : madame MacGregor se trompe et nous trompe »

  1. La pauvre, mettez vous à sa place, pensez donc qu’elle doit jongler avec les patates chaudes politiques. Le gaz étant difficile à trouver bon marché (surtout pas le gaz russe qui est très très caca politiquement, et le gaz de schiste américain très très cher), il faut bien essayer les ENR. Peut-être même qu’elle en est convaincue.
    Dans le temps, Engie avait un département exploration. Disparu. Pourquoi au fait ? Imaginez simplement que ce département exploration ait eu un plus de jugeotte que ses dirigeants, ait survécu et entamé des pourparlers avec les russes sur les champs sibériens qui promettent. On peut rêver. Mais non, caca les russes.
    Ce monde est étrange. L’Europe l’aura dans l’os, elle l’a bien cherché. Et nous, les sujets, avec.

    • Qu’elle se rassure : l’UE, à l’initiative brillante de von der Leyen complètement hypnotisée par le charme irrésistible de Trump, va acheter pour 750 milliards de produits énergétiques (dont du gaz liquéfié et du pétrole) à l’oncle Donald sur 3 ans, entre 2026 et 2028, sans doute pour décarboner notre énergie, renforcer notre souveraineté énergétique et accessoirement soutenir la production de nos éoliennes quand elles brassent du vide… c’est bien ça qu’il faut dire, hein ?
      Moi je dis : « Vive l’Europe libre ! »

  2. Catherine Mac Grégor est Ingénieure Centralienne, Elle ne peux pas ne pas connaitre les arguments de Rémy Prud’homme qui sont avant tout des arguments de bon sens ! Quant à l’aspect scientifique, elle s »en f- – – royalement, !
    Une question …. de bon sens ;
    De toute l’électricité PRODUITE par une éolienne, quelle est la part REELLEMENT utilisée par le particulier ou l’entreprise, à l’autre bout de la chaine ? Quand on sait que celle-ci REMPLACE le plus souvent le nucléaire ( et non s’AJOUTE au – – – ).
    Et lorsque le vent vient de l’Ouest, par exemple, on peut aussi exporter l’énergie éolienne ( à défaut de pouvoir la stocker ….. et si le réseau est suffisant !! ) vers les Pays limitrophes, Certes, mais que vont faire les ceux-ci ? Alors même que le vent souffle à peu près en même temps que chez nous, et s’arrêtera en même temps !
    L’électricité éolienne intermittente, non pilotable et ne se stocke (presque) pas. Notre Ingénieure Centralienne le sait-elle ?
    Climatiquement vôtre. JEAN

  3. Je me souviens de ce jour où mon père, ancien ingénieur des arsenaux de la marine nationale, retraité depuis de nombreuses années, me présenta, la mine défaite, un article du journal régional évoquant le détournement par des X, à leur profit, du travail de certains ouvriers de l’arsenal où il avait exercé. Ces derniers n’avaient fait ni plus ni moins que construire, sur leur temps de travail, les résidences secondaires de deux ingénieurs du Génie maritime. Le choc, c’est peu dire, fut à la mesure de l’admiration que mon père portait à ce corps d’élite, lui qui n’en était pas issu. Un monde venait de s’effondrer. Alors, dans la continuité de l’avilissement des élites, il n’est pas surprenant que Mac gregor, Borne et tutti quanti tirent parti et argument de leur parcours et de leurs réussites professionnelles, pour justifier des c….ies industrielles, au nom parfois de leur idéologie, le plus souvent par pur carriérisme

  4. Sur un forum consacré aux VE, j’ai pu constater que les pro VE n’y connaissent rien en électricité, et qu’aucun argument technique ne les ferait changer d’avis.. En fait, ils sont surtout anti pétrole.
    Même une voiture propulsée par un moteur à ressort leur conviendrait. La provenance de l’énergie utilisée pour la remonter ne serait pas leur problème. Du moment qu’il n’y a plus de réservoir d’essence, c’est que c’est mieux.

    Moralité: inutile de chercher de la rationalité dans une attitude purement idéologique.

  5. Cette dame (je suis poli, j’ai eu envie d’employer un autre mot de 4 lettres aussi, parce qu’apparemment ça ne la dérange pas de faire vivre son business sur le dos des français) ne peut pas ignorer que l’on est en surproduction d’électricité (alors même que l’EPR de Flamanville n’en finit pas de reporter sa véritable entrée en production optimale) et qu’on doit régulièrement débrancher des éoliennes et des panneaux PV en même temps qu’on réduit la production nucléaire. Et qu’au lieu de continuer à déployer des moulins à vent et des panneaux solaires, on ferait mieux au contraire d’en démonter un bon paquet.

  6. Sur le fond, je souscrit entièrement. Ceci dit, le petit passage « C’est les russes! » me gène. Franchement, c’est plus les allemands, dont il n’est pas fait mention ici, que les russes. Et dans l’ambiance russophobe d’aujourd’hui, je suis un peu fatigué de lire pour tout et n’importe quoi que « c’est les russes ». Il serait grand temps de se réconcilier avec eux, et il n’y aurait pas de mal à reprendre nos importations de gaz et pétrole russes. Il est vrai que les russes ont, et c’était leur intérêt, poussé pour l’achat de leur gaz. Mais les allemands ont poussés bien plus que les russes. S’il fallait citer un pays qui nous a vraiment nuit pour notre énergie, ce n’est pas la Russie, mais l’Allemagne. Ceci dit, les principaux responsables restent les dirigeants français.

    • Vous avez raison, comme a dit Henri Proglio, l’Allemagne a bien réussi son coup, à savoir mettre à genoux EDF et augmenter fortement le coût de l’électricité pour les français (particuliers et entreprises), EDF et ses coûts de production modérés apportaient en effet un avantage concurrentiel pour l’économie française qui n’était pas du goût des allemands.
      Ils y sont parvenus de la manière suivante:
      – association Framatome/Siemens pour concevoir un réacteur nucléaire (l’EPR) trop compliqué car additionnant les spécifications françaises et allemandes en matière de nucléaire (ce qui revient à porter ceinture, bretelles et parapluie),
      – se défiler (décision d’abandonner le nucléaire au tournant du siècle par le chancelier Schröder) et laisser aux français la « joie » d’essuyer les plâtres pour la réalisation du premier de série,
      – imposer via l’UE qu’ils ont su cornaquer (contrairement à ces benêts de français) leur politique énergétique désastreuse

    • @Fabien
      Personnellement, je suis d’accord avec l’article sur ce point: Ce sont bien les soviétiques, puis les russes qui ont initié les tentatives sournoises de déstabilisation des politiques énergétiques occidentales par leurs agents infiltrés dans les organisations écologistes.
      J’en veux pour preuve un article assez long publié en mars 2022 sur le site « The American Thinker » par Sir Christopher Monckton (3e Vicomte de Brenchley) bien connu dans les milieux climatosceptiques, sous le titre « The Strategic Threat from NetZero Emissions » (La menace stratégique de la carboneutralité)
      https://www.americanthinker.com/articles/2022/03/the_strategic_threat_from_netzero_emissions_.
      html )
      Malheureusement cet article n’est plus en ligne à ce jour. Je l’avais traduit à l’époque et je peux vous le communiquer si vous le souhaitez

    • MétéoFrance nous annonçait ce mois-ci presque aussi caniculaire et sec qu’en Août ici sur les bords de la Grande Bleue. En fait nous avons actuellement des températures nocturnes assez basses et subi plusieurs vagues de pluie dont un déluge impressionnant de 100 mm durant la nuit il y a une semaine. Un mois de septembre vraiment inhabituel à tous points de vue !
      « Caramba, encore loupé ! »

  7. L’article est lucide et utile, mais bien trop confidentiel pour influencer le public et donc les décideurs.

    Ne pourriez-vous pas le rendre moins polémique, moins « ad feminem », et le diffuser plus largement pour que le grand public victime des coûts cachés soit enfin informé objectivement ?…

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