L’ouragan « Ian », signe d’un dérèglement climatique ?

Résumé d’un article du météorologue Chris Martz initialement publié sur le site Whatsupwiththat

(Traduit par la rédaction de l’association des climato-réalistes).

NB : Dans le texte qui suit nous utilisons indifféremment les termes « Ouragan » et « Cyclone » qui, avec « typhon » désignent le même phénomène météorologique, la différence d’appellation ne dépendant que de la zone géographique concernée.


L’ouragan Ian (de catégorie 4) qui a frappé la côte sud-ouest de la Floride le mercredi 28 septembre 2022 a occasionné d’énormes dégâts et pertes en vies humaines. Plus de 130 personnes sont décédées et beaucoup sont portées disparues. Ian est ainsi ainsi le cyclone tropical le plus meurtrier à avoir frappé la Floride depuis le tristement célèbre ouragan de la fête du Travail de 1935, qui avait tué 423 personnes.

La pression minimale, un indicateur mieux approprié que la vitesse du vent

Officiellement, les ouragans sont classés selon l’échelle Saffir-Simpson Hurricane (SSHWS) qui leur attribue une note de 1 à 5. L’échelle Saffir-Simpson est basée sur la vitesse de vent moyenne la plus élevée, mesurée toutes les minutes à 10 mètres au-dessus du sol. Les ouragans atteignant le statut de catégorie 3 ou plus sont désignés « ouragans majeurs ».

Ian est un ouragan de catégorie 4 avec un maximum de vitesse du vent de 150 mph (241,4 km/h). Selon cette mesure officielle, Ian est à égalité avec sept autres ouragans dans la base de données HURDAT2 de la NOAA et se classe comme le cinquième le plus fort à toucher terre depuis le début de la documentation officielle en 1851, les autres étant Last Island (1856), Indianola Texas (1886), Florida Keys (1919), Freeport (1932), Charley (2004), Laura (2020) et Ida (2021)

Comme le montre le tableau ci-dessous, Ian est également à égalité avec l’ouragan des Florida Keys (1919) et Charley (2004) en tant que quatrième ouragan le plus intense à avoir frappé le Sunshine State.

Tableau 1. Les cinq ouragans les plus puissants ayant touché terre dans la zone continentale des États-Unis depuis 1851 selon la vitesse maximale du vent.

Tous les météorologues ne pensent pas que l’évaluation des ouragans en fonction de la vitesse maximale du vent soit un bon indicateur de leur intensité. Il n’y a en effet des imprécisions dans la mesure de la vitesse du vent :

  • Aujourd’hui, la vitesse des vents des cyclones tropicaux est mesurée par reconnaissance aérienne, missions accomplies par le 53ème Escadron de reconnaissance météorologique et les chasseurs d’ouragans de la NOAA. Les dropsondes, capteurs embarqués dans des parachutes et largués de l’avion, mesurent la vitesse au niveau du vol qui est de 5 000 pieds d’altitude (~1520 mètres) , correspondant à une pression d’environ 850 mb. Une réduction de 10% est ensuite effectuée pour tenir compte du frottement de surface.
  • Avant la mise en œuvre des observations aériennes, les vitesses des vents étaient mesurées par des stations météorologiques de surface à 10 mètres au-dessus du sol ou par des observations depuis des navires et des bouées.
  • Une autre difficulté est que les vitesses du vent sont mesurées par incréments de 5 mph (par exemple, 95 mph, 100 mph, 105 mph, etc.).

La pression minimale d’un cyclone comme indicateur de son intensité est une mesure beaucoup plus précise.

En classant les intensités des ouragans en fonction de leur pression à l’atterrissage, l’ouragan Ian est à égalité avec trois autres tempêtes et se classe comme le 18ème ouragan le plus puissant à toucher terre aux États-Unis continentaux au cours des 172 dernières années (tableau 2). 

Tableau 2. Top 18 des ouragans les plus puissants ayant touché terre dans la zone continentale des États-Unis depuis 1851 par pression minimale au niveau de la mer (MSLP) à l’atterrissage (NOAA HURDAT2).

Ainsi, en utilisant une mesure plus précise, Ian est loin d’être parmi les cinq plus forts. On note que sur les 25 autres ouragans qui ont touché terre au moins à la même intensité, 14 d’entre eux se sont produits avant 1960 et 16 d’entre eux se sont produits avant 1970.

En ce qui concerne les atterrissages en Floride exclusivement, Ian se classe au 8ème rang, à égalité avec l’ouragan sans nom de Floride de 1948. Sur les 10 (12) ouragans les plus intenses à avoir frappé la Floride, six se sont produits en 1960 et avant (Tableau 3). Sur un total de quinze ouragans de catégorie 4-5 qui ont frappé la Floride depuis 1851, dix d’entre eux se sont produits en 1960 ou avant, dont cinq entre 1945 et 1950.

Tableau 3. Top 10 des ouragans les plus puissants ayant touché terre en Floride depuis 1851 par pression minimale au niveau de la mer (MSLP) à l’atterrissage (NOAA HURDAT2).

Ainsi, alors qu’Ian était le cinquième ouragan le plus puissant à avoir touché directement le littoral des États-Unis par ses vents maximums, il se classe dans le top 20 en termes de pression minimale au niveau de la mer (MSLP).

Légère diminution du nombre de cyclones à l’échelle mondiale

Le Département des sciences atmosphériques de l’Université d’État du Colorado conserve des archives sur les cyclones tropicaux par bassin, par hémisphère et pour la totalité du globe. Les données mondiales commencent en 1980 couvrant l’ère des satellites. Quarante et une années de données ne font apparaître aucun signal détectable. C’est même une très légère diminution du nombre d’ouragans dans le monde (ligne rouge) qui est observée pour les quatre dernières décennies. Il apparaît clairement qu’il n’y a pas eu de changement significatif dans le nombre d’ouragans majeurs au cours de cette même période, en particulier depuis 1990.

Figure 3. Fréquence mondiale des cyclones tropicaux 1980-2021. La série chronologique rouge indique tous les cyclones tropicaux de force ouragan, tandis que la série chronologique noire indique les tempêtes de force ouragan majeure.

Une étude publiée en mars 2022 dans la revue Geophysical Research Letters a examiné diverses mesures de l’activité des cyclones tropicaux depuis 1990 et conclu qu’à l’échelle mondiale, on n’observe pas de tendance discernable dans l’apparition d’ouragans majeurs (Figure 4b). On observe même une tendance nette à la baisse du nombre total d’ouragans (Figure 4a).

Figure 4a (à gauche). Nombre total d’ouragans entre 1990 et 2021. Diagramme (à droite) : Identique à 4a, mais pour les ouragans majeurs les couleurs indiquant les données d’un bassin particulier (Klotzbach et al., 2022).

Cependant, la meilleure mesure de l’activité des cyclones tropicaux est sans doute l’indice d’énergie cumulée des cyclones, en abrégé ACE. 

L’ACE saisonnier est calculé en additionnant l’énergie cyclonique accumulée générée par chaque tempête individuelle. Le diagramme ci-dessous construit à l’aide des données de la Colorado State University,  montre l’évolution de l’indice ACE depuis 1980 pour le globe (Figure 5). Ce graphique ne fait apparaître aucune augmentation (ou diminution) de cet indice.

Figure 5. Indice global d’énergie cyclonique accumulée (ACE) 1980-2021.

La situation dans l’Atlantique Nord

L’examen du nombre brut d’ouragans majeurs dans l’Atlantique Nord depuis 1851 (Figure 6), montre une forte augmentation depuis les années 1980, les 20 dernières années environ ayant enregistré un nombre record de tempêtes de catégorie 3-5.

Figure 6. Fréquence des ouragans majeurs de l’Atlantique Nord (C3-5) 1851-2021. Les données tracées proviennent des traces historiques des ouragans de la NOAA.

Cette augmentation s’explique par deux facteurs :

  • Les changements dans les méthodes d’observation au fil du temps : observations clairsemées par des navires, puis reconnaissance par des aéronefs dans les années 1940, observations par satellite dans les années 1960/70 (ces dernières permettant de repérer des tempêtes au large qui auraient autrement été manquées par d’autres moyens).
  • Les périodes récentes de forte activité correspondent à une reprise après le profond minimum d’inactivité des années 1970, 1980 et début des années 1990, en partie influencées par des oscillations océaniques multi décennales (par exemple, l’AMO) et peut-être par la réduction des aérosols.

Des incohérences dues aux changements dans les pratiques d’observation

Les inhomogénéités qui affligent les archives historiques ont été examinées dans quelques études telles que celle de Vecchi et al. (2021), co-écrite par l’un des plus grands experts mondiaux des ouragans, le Dr Chris Landsea du National Hurricane Center et Klotzbach et al. (2022). Voici un extrait du résumé du premier :

« Nous constatons que les augmentations séculaires enregistrées de la fréquence des ouragans et des ouragans majeurs dans l’Atlantique, et la diminution associée de la fraction de frappe des ouragans aux États-Unis, sont cohérentes avec les changements dans les pratiques d’observation et ne correspondent probablement pas à une véritable tendance climatique. Après homogénéisation, l’augmentation de l’activité des ouragans et des ouragans majeurs à l’échelle du bassin depuis les années 1970 ne ne relève pas d’une tendance à l’augmentation à l’échelle d’un siècle, mais d’une reprise à partir d’un minimum marqué dans les années 1960-1980. » Vechi et al. (2021)

Le Laboratoire de dynamique des fluides géophysiques de la NOAA (GFDL) a également abordé ce sujet :

« De même pour les ouragans à l’échelle du bassin atlantique (après ajustement pour les capacités d’observation), il n’y a pas de preuves solides d’une augmentation depuis la fin des années 1800 des ouragans, des ouragans majeurs ou de la proportion d’ouragans qui atteignent une intensité d’ouragan majeur ».

Vechi et al. (2021) ont homogénéisé les données relatives au nombre d’ouragans (totaux et majeurs) dans l’Atlantique Nord entre 1851 et 2019. Les résultats indiquent qu’une fois les changements dans les méthodes d’observation pris en compte, il n’y a pas eu d’augmentation à l’échelle d’un siècle du nombre d’ouragans ou d’ouragans majeurs. (Figure 7).

Figure 7. Nombre annuel ajusté d’ouragans dans l’Atlantique Nord (en haut à gauche), nombre d’ouragans majeurs (en haut à droite) et moyennes sur 15 ans, respectivement (panneaux du bas).

Nombre d’ouragans ayant touché terre aux États-Unis

Ces analyses sont cohérentes avec le nombre d’ouragans ayant touché terre aux États-Unis au cours de la même période. 

Le diagramme ci-dessous montre l’évolution du nombre de cyclones ayant « atterri » sur la période de 1851 à 2022. Sur la base de cette analyse, le nombre d’ouragans touchant les États-Unis contigus a légèrement diminué au cours des 172 dernières années (Figure 8a), alors qu’il n’y a pas eu de tendance statistiquement significative à la hausse ou à la baisse pour les ouragans de catégorie 3-5 (Figure 8b). 

Figure 8. Nombre d’ouragans touchant terre (Figure 8a, en haut) et principaux (C3-5) (Figure 8b, en bas) aux États-Unis contigus 1851-2022.

Les États-Unis ont traversé une « sécheresse cyclonique majeure » de 12 ans entre 2005 et 2017, aucun ouragan de catégorie 3-5 n’ayant frappé le continent comme cela apparaît sur le diagramme figure 8b ci-dessus. Pendant cette période (2006-2016), la Floride n’a pas été touchée par un seul ouragan (Figure 9).

Figure 9. Nombre d’ouragans touchant terre en Floride 1851-2022.

Au cours des années 1940, la Floride a été directement touchée par six ouragans majeurs, mais c’est dans les années 1870 que cet État a été frappé par un total de 13 ouragans (Figure 10). Par comparaison seulement 3 ouragans ont touché terre pendant la période 2001-2010, dont deux étaient de catégorie 3-5. 

Figure 10. Nombre d’ouragans touchant terre et d’ouragans majeurs en Floride de la décennie 1850-60 à 2020-22.

Que dit le GIEC ?

On trouve dans le dernier rapport (AR6) du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental) la déclaration suivante :

« L’identification des tendances passées des mesures de TC reste un défi en raison du caractère hétérogène des données instrumentales historiques, connues sous le nom de données « best-track » (Schreck et al., 2014).  La plupart des tendances à long terme (multi décennales à centennales) signalées dans les mesures basées sur la fréquence ou l’intensité de TC sont  peu fiables en raison des changements apportés à la technologie utilisée pour recueillir les données les plus pertinentes. Cela ne doit pas être interprété comme signifiant qu’aucune tendance physique (réelle) n’existe, mais plutôt comme indiquant que la qualité ou la durée temporelle des données n’est pas adéquate pour fournir des déclarations de détection de tendance robustes, en particulier en présence d’une variabilité multi décennale. »

GIEC RE6, chapitre 11 (11.7.1.2)

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2 réflexions au sujet de « L’ouragan « Ian », signe d’un dérèglement climatique ? »

  1. L’ouragan le plus meurtrier, et de loin, ayant jamais frappé les USA est celui de Galveston (TX) en 1900. Il aurait fait au moins 8000 victimes.
    Les assureurs ne cessent d’ajuster à la hausse l’estimation des dégâts causés par les cyclones en Floride et bien évidemment les climatocatastrophistes s’en servent pour leur propagande, en oubliant que la Floride au début du siècle dernier était un désert démographique d’à peine plus d’un million d’habitants, pour la plus grande partie des tribus indiennes nomades. Elle a été multipliée par 20 en l’espace d’un siècle. Les infrastructures publiques et privées domestiques de cet état se sont progressivement répandues, élargies, multipliées et complexifiées au cours du 20e siècle. De fait leur valeur assurable s’est augmentée exponentiellement, ce qui n’a donc strictement à voir avec une quelconque augmentation supposée de la fréquence et de la violence des ouragans, comme la climatomédiasphère tente absolument de nous enconvaincre.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Ouragan_de_Galveston

    • Effectivement.
      Plus un ouragan trouve de trucs à démolir sur son passage, plus il commet de dégâts.
      C’est tout de même simple à comprendre.

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