Par Michel Wohrer
Il est fréquent de constater, lors de discussions sur la politique climatique, que les participants climato-réalistes évoquent des arguments qui relèvent de considérations très différentes : qu’y-a-t-il de commun entre le fait de critiquer le caractère intermittent des éoliennes et celui d’évoquer l’impossibilité pour le gaz carbonique d’avoir provoqué l’optimum médiéval ? Cet article a pour objectif de chercher à clarifier les catégories d’arguments utilisés.
L’othodoxie climatique suit un raisonnement que l’on peut schématiser en 4 étapes « emboitées » en ce sens qu’elles découlent l’une de l’autre (figure ci-dessous) :

La Science
C’est le cœur du raisonnement:
- Les émissions humaines de CO2 sont à l’origine de l’augmentation de la teneur en CO2 de l’atmosphère ;
- Cette augmentation de la teneur en CO2 est à l’origine d’un réchauffement de la planète;
- La vapeur d’eau amplifie les effets du CO2.
Les modèles
Ils constituent l’effort de quantifier les effets attendus sur la planète de l’augmentation constatée de la teneur en CO2 de l’atmosphère et des prévisions d’émissions humaines futures.
Ils concluent pour la plupart à des augmentations catastrophiques de la température de la planète à l’horizon de la fin du XXIème siècle.
La politique
Elle conclut à la nécessité impérative de réduire les émissions de CO2.
La traduction consiste en politiques de décarbonation, par exemple:
- L’accord de Paris en 2015 ;
- Les politiques Net Zero pour 2050 adoptées par l’UE, la Grande Bretagne et certains états des Etats-Unis (Californie par exemple).
La mise en oeuvre
C’est le volet opérationnel des politiques de décarbonation décidées dans une partie du monde occidental. Il comprend :
- La sobriété énergétique ;
- L’électrification des besoins énergétiques ;
- Le développement des énergies renouvelables (Eolien et Photovoltaïque ;
- Le développement de l’Hydrogène ;
- La séquestration du CO2.
Le climato-réalisme comporte à son tour quatre niveaux, selon que la contestation porte sur l’une ou l’autre des étapes suivies dans le raisonnement orthodoxe.
Le climato-réalisme de catégorie 4 : critique de la mise en œuvre
Sans remettre en cause les niveaux 1 à 3 (soit car on les admet, soit car on estime ne pas avoir les compétences pour les critiquer), on conteste les choix faits pour la mise en œuvre de la décarbonation :
- Priorité doit être donnée au nucléaire ;
- Les renouvelables intermittentes sont coûteuses et nuisibles ;
- Le stockage massif d’électricité est hors de portée technologiquement ;
- L’hydrogène est une fausse solution de stockage (rendement dérisoire, difficultés opérationnelles) ;
- La captation du CO2 est illusoire (coûteuse et loin de la maturité industrielle) ;
- La sobriété énergétique forcée conduit à la décroissance ;
- Etc…
Cette contestation est par exemple portée par de nombreux ingénieurs[1], membres des grands corps, etc….
Le climato-réalisme de catégorie 3 : critique de la politique
Sans remettre en cause la science ou les modèles (à nouveau soit car on les admet, soit car on estime ne pas avoir les compétences pour les critiquer) on conteste le fait que les politiques aient fait le choix de chercher à décarboner de force les économies occidentales :
- Le Giec est un organe politique, pas scientifique ;
- Le catastrophisme est amplifié à chaque étape : articles scientifiques ► rapport du Groupe 1 du Giec ► Résumé pour les décideurs ► Media ;
- L’Occident s’inflige une politique zéro-carbone dévastatrice pour son économie et inutile en matière de CO2 puisque la Chine, l’Inde et le reste de l’Asie continuent d’augmenter leurs émissions ;
- Les dégâts de la politique climatique sont plus importants que ceux du réchauffement prévu ;
- Il est moralement inacceptable d’empêcher les pays pauvres de se développer avec de l’électricité fiable et bon marché (notamment au charbon) ;
- Priorité doit être donnée à l’adaptation, comme homo sapiens l’a toujours fait ;
- Etc…
Cette contestation est portée par des politiques et des économistes : par exemple Christian Gérondeau, Rémy Prud’homme, Samuel Furfari, etc…
Le climato-réalisme de catégorie 2 : critique des modèles
Sans s’attaquer au cœur de la science elle-même , on conteste la pertinence des modèles informatiques qui sont censés représenter la planète :
- Le climat est un phénomène chaotique qui n’est pas modélisable ;
- La dispersion des prévisions des modèles augmente à mesure de leur sophistication ;
- Les prévisions présentent une surchauffe par rapport aux observations ;
- Le choix de paramètres a un impact massif sur les résultats obtenus ;
- Procéder à une moyenne de résultats de modèles différents n’a aucun sens scientifique ;
- Etc…
Cette contestation est le fait de mathématiciens ou de scientifiques ayant une expérience éprouvée d’automatique ou de modélisation : par exemple Steven Koonin, Judith Curry, etc…
Le climato-réalisme de catégorie 1 : critique de la science
On y tient la théorie scientifique de base – selon laquelle c’est l’accroissement de la teneur en CO2 de l’atmosphère (elle-même provoquée par les émissions humaines) qui est à l’origine de l’augmentation observée de la température moyenne de la planète – pour fausse:
- Le CO2 ne peut expliquer les climats passés récents (petit âge glaciaire, optimum médiéval, …) ;
- L’amplification par la vapeur d’eau est contestable ;
- Les émissions humaines sont faibles au regard des entrées/sorties naturelles du CO2 dans l’atmosphère, dont rien ne dit qu’elles sont fixes ;
- La teneur de l’atmosphère en CO2 est une conséquence des températures ;
- La recherche d’autres causes possibles à l’élévation des températures de la planète est virtuellement interdite, puisque « la science est établie » ;
- Etc…
Cette contestation est le fait d’historiens (pour les climat passés) ou de physiciens de l’atmosphère pour la théorie elle-même : par exemple Richard Lindzen, John Christy, Roy Spencer, etc…
La plupart du temps, quand un climato-réaliste conteste un niveau du raisonnement orthodoxe, il conteste logiquement les niveaux suivants.
La contestation argumentée des différents niveaux exige des compétences différentes (ingénieur, économiste, mathématicien, physicien).
Les débats entre orthodoxes et contestataires se situent souvent aux divers niveaux et il est souhaitable, lorsqu’on est climato-réaliste, de savoir s’en tenir aux niveaux auxquels on a accordé assez de travail et d’attention pour y être pertinent dans les échanges.
A la lumière de ce qui précède, à quelle catégorie de climato-réaliste appartenez-vous ?
[1] Même un Jean-Marc Jancovici, à l’exclusion du dernier point, partage ces thèmes de contestation