Par Benoît Rittaud
Hier est paru le tout premier livre de la collection “Grandeur Nature” que je dirige désormais pour le compte des éditions le Toucan/L’Artilleur. Il s’agit d’un ouvrage de l’excellent Rémy Prud’homme, Le Mythe des énergies renouvelables.
Rémy Prud’homme, professeur d’économie émérite à l’université Paris-Est (et qui publie parfois ici-même sur ce blog, comme par exemple hier), décortique la question des énergies renouvelables, en analysant dans le détail les résultats des expériences récentes de développement des énergies solaire et éolienne dans trois grands pays européens.
“Le soleil et le vent n’envoient pas de facture”, entend-on parfois. Pourtant, les bilans danois, allemands et espagnols en matière de développement des intermittents font peine à voir. Non seulement les prix se sont envolés pour le consommateur, mais les dispositifs mis en place n’ont pas eu – loin s’en faut – l’efficacité annoncée en terme de réduction des émissions de gaz satanique carbonique, critère environnemental majeur avancé jusque là en leur faveur.
Nourrissant ses réflexions aux meilleures sources, Rémy Prud’homme use de son style limpide pour nous initier aux subtilités des contextes nationaux très différents dans lesquels prennent place ces problématiques. L’exemple du Danemark est éclairant sur le caractère si souvent tronqué du débat sur la question énergétique. Comparer la production et la consommation danoise peut faire rêver sur une possible autosuffisance électrique fondée sur le soleil et le vent, sauf que les heures où le Danemark produit ne correspondent pas, en général, à celles où il consomme. En l’absence de toute possibilité de stockage massif de l’énergie, le pays ne peut être correctement alimenté que grâce à son réseau électrique intégré à un plus vaste ensemble qui inclut la Suède et la Norvège (et leur électricité hydraulique et nucléaire). Sans compter que lorsque le Danemark produit une électricité dont personne ne veut, il en est réduit à payer pour s’en débarrasser…
Conscient que chaque situation est particulière, Rémy Prud’homme se garde bien de jeter le bébé avec l’eau du bain. Il est des cas spécifiques où les énergies intermittentes sont de loin la meilleure option : témoin en est ce village éthiopien isolé dont l’unique source d’électricité est un panneau solaire, utilisé pour alimenter… un smartphone, qui offre aux habitants leur seul (mais oh combien précieux) contact permanent avec le monde extérieur.
En revanche, l’économiste constate que l’ambition solaire et éolienne française a, elle, toutes les chances de finir aussi mal que les expériences de nos voisins européens. À moins de l’imprévisible avènement d’une révolution technologique qui permettrait à des batteries de stocker l’électricité à grande échelle, les énergies intermittentes sont aujourd’hui condamnées à demeurer d’insondables gouffres financiers, qui ne pourront espérer survivre que par la grâce d’une perfusion perpétuelle de subventions publiques au coût pharaonique. Outre une valeur ajoutée environnementale limitée et contestable (voire négative dans certains de ses aspects), ces sources d’électricité sont également susceptible de mettre en grand danger la stabilité du réseau, en augmentant considérablement, par leur nature intermittente, le risque de black out à grande échelle.
Sur une note plus personnelle, ça a été un vrai plaisir de travailler avec Rémy. Il est de cette catégorie d’auteurs qui en redemandent quand on les critique, et qui sourcent de façon de façon impeccable chaque affirmation. Pour la collection “Grandeur nature” naissante, qui à vocation à publier des ouvrages de réflexions sur les grands thèmes environnementaux contemporains, c’est une chance de commencer par ce livre.
Rémy Prud’homme, Le Mythe des énergies renouvelables, Éditions Le Toucan/L’Artilleur, coll. “Grandeur Nature”, 320 p., 20€.