Judith Curry auditionnée par le comité « ressources naturelles » de la chambre des représentants

Judith Curry (*) a été auditionnée le 06 février 2019 par le comité « ressources naturelles » de la chambre des représentants sur le thème « impacts du changement climatique et nécessité d’agir ». Son témoignage écrit est accessible ici. Un enregistrement vidéo de son audition est également disponible.

Nous fournissons ci-dessous une traduction du texte de son témoignage oral publié en anglais sur son blog.


Les climatologues brandissent la menace que représente le changement climatique d’origine humaine. Le changement climatique anthropique est une théorie dont le mécanisme de base est bien compris, mais dont l’ampleur potentielle est très incertaine.

Si le changement climatique était un problème simple et banal, tout le monde se mettrait d’accord sur sa solution. En raison de la complexité du système climatique et de ses impacts sociétaux, les solutions peuvent avoir des conséquences inattendues susceptibles de générer de nouvelles vulnérabilités. Bref, le remède pourrait être pire que le mal. Compte tenu de la complexité du problème, il y a de la place pour un débat contradictoire entre  personnes raisonnables et intelligentes .

Selon les évaluations actuelles de la science, le changement climatique anthropique ne représente pas une menace existentielle à l’échelle du XXIe siècle, même dans sa forme la plus alarmiste. Cependant, la menace perçue d’une apocalypse à brève échéance et l’adhésion à toute une série d’autres objectifs sociaux réduisent les options politiques que nous pourrions envisager.

En évaluant l’urgence d’une réductions des émissions, nous devons être réalistes quant à ce que cela permettra réellement de résoudre. Les concentrations mondiales de CO2 ne seront pas réduites si les émissions en Chine et en Inde continuent d’augmenter. Si l’on en croit les modèles climatiques, les changements dans les phénomènes météorologiques extrêmes n’apparaîtront qu’à la fin du XXIe siècle. Et les conséquences les plus importantes ne se feront sentir qu’à partir du 22e siècle et au-delà.

Les gens préfèrent l’énergie « propre » à l’énergie « sale » à condition que la source d’énergie soit fiable, sûre et économique. Cependant,  on se tromperait en supposant que les technologies éoliennes et solaires actuelles sont adéquates pour alimenter en énergie une économie avancée. La récente flambée de froid record dans le Midwest est un rappel brutal des défis que pose la fourniture d’une alimentation électrique fiable en cas d’événements climatiques extrêmes.

En ce qui concerne la politique énergétique et son rôle dans la réduction des émissions, deux options sont actuellement débattues :

  • Option 1 : Ne rien faire, continuer comme si de rien n’était.
  • Option 2 : Déployer rapidement des centrales éoliennes et solaires, dans le but d’éliminer les combustibles fossiles d’ici une à deux décennies.

A part créer une situation de blocage, ni l’une ni l’autre de ces deux options ne nous mènera là où nous voulons aller. Une troisième option consiste à ré imaginer les systèmes d’énergie électrique du XXIe siècle avec de nouvelles technologies qui amélioreront la sécurité, la fiabilité et le coût de l’énergie tout en minimisant les impacts environnementaux. Toutefois, cette stratégie nécessite des activités de recherche, de développement et d’expérimentation importantes. Agir d’urgence sur la réduction des émissions en déployant les technologies du XXe siècle pourrait compromettre les chances d’une meilleure solution à long terme.

Étant donné que la réduction des émissions ne devrait pas changer le climat de façon significative avant la fin du XXIe siècle, les stratégies d’adaptation sont considérées de plus en plus favorablement.

Les dommages extrêmes causés par les récents ouragans et les pertes financières causées par les inondations, les sécheresses et les feux de forêt soulignent la vulnérabilité des États-Unis aux événements extrêmes. On oublie un peu trop vite que les événements météorologiques extrêmes aux États-Unis ont été pires dans les années 1930 et 1950. Les régions qui trouveront des solutions aux impacts actuels des phénomènes météorologiques extrêmes seront mieux préparées à faire face au stress supplémentaire causé par les changements climatiques tout en répondant aux demandes de justice sociale à court terme.

Les chefs d’entreprise avec lesquels je m’engage semblent très désireux d’une approche bipartisane et pragmatique de la politique climatique. J’y vois une fenêtre d’opportunité pour changer le cadre dans lequel nous abordons cette question.

Le soutien bipartisan semble réalisable pour des efforts pragmatiques visant à accélérer l’innovation énergétique, à renforcer la résilience face aux phénomènes météorologiques extrêmes et à s’abstenir de toute  mesure génératrice de pollution. Chacun de ces trois axes de progrès se justifient intrinsèquement  indépendamment de leurs avantages pour l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ses effets.  Ils jettent les bases d’une politique climatique qui tient compte à la fois des préoccupations économiques et de justice sociale à court terme et des objectifs d’atténuation à long terme.


(*)

Judith Curry est présidente du réseau applications pour la prévision climatique  (CFAN) et professeure émérite de sciences de la Terre et de l’atmosphère à la Georgia Institute of Technology. Le Dr Curry a reçu un doctorat en sciences atmosphériques à  l’Université de Chicago en 1982. Avant de rejoindre la faculté de Georgia Tech en tant que présidente de l’École des sciences de la Terre et de l’atmosphère, elle a occupé des postes de professeur à l’Université du Colorado, à la Penn State University et à la Purdue University. Les axes de recherche de  J. Curry couvrent une large gamme de sujets liés à la météorologie et au climat. Elle est l’auteure de plus de 190 articles scientifiques et de manuels Thermodynamics of Atmospheres and Oceans et Thermodynamics, Kinetics and Microphysics of Clouds. J. Curry a récemment fait partie du sous-comité des sciences de la Terre du conseil consultatif de la NASA, du comité consultatif de la recherche biologique et environnementale du DOE, du comité de recherche sur le climat des académies nationales, du Space Studies Board et du groupe de travail sur le climat de la NOAA. Judith. Curry est membre de l’American Meteorological Society, de l’Association américaine pour l’avancement des sciences et de l’American Geophysical Union.

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