Journée sans voiture du 16 septembre 2018

Le jour le plus lent

Par MD

« Dans Paris, en vélo, on dépasse les autos » (Complainte de l’heure de pointe, 1972, chanté par Joe Dassin)

Le dimanche 16 septembre 2018, la mairie de Paris a organisé une « journée sans voiture », qui interdit ou limite sévèrement la circulation des véhicules dans Paris intra-muros (hors boulevard périphérique), ceci de 11 h à 18 h. L’arrêté conjoint de la maire de Paris et du préfet de police (T11745 du 28 juillet 2018) détaille les dispositions prises à cette occasion. L’objectif affiché est d’assurer la sécurité des piétons, pendant cette « opération à caractère festif », qui coïncide avec les « Journées européennes du patrimoine qui donnent lieu à de nombreuses animations dans Paris ».

Toutefois, la communication de la mairie a surtout porté sur la qualité de l’air. L’association Airparif a publié le communiqué suivant [1]

Ce dimanche 16 septembre se déroulait à Paris la 4ème édition de la « journée sans voiture » au même moment que les Journées du patrimoine et la Semaine européenne de la mobilité. L’impact positif sur la qualité de l’air des rues fermées au trafic se confirme encore cette année avec une tendance à la diminution des concentrations sur toute la zone concernée.

Par rapport à un dimanche comparable (le 24 septembre 2017, sans restrictions de trafic mais avec une  météorologie similaire), une baisse significative  -36% de dioxyde d’azote a été observée en moyenne à proximité du trafic (Quai des Célestins, Champs-Elysées, Boulevard Haussmann, Place de l’Opéra) sur la durée de la restriction (11h-18h). A la station d’Airparif des Champs Elysées où le trafic était complètement fermé à la circulation, une baisse plus marquée de -41% a été constatée,  ce qui correspond à la moyenne enregistrée lors de la fermeture mensuelle de l’avenue.

On examinera plus particulièrement les variations de concentration en dioxyde d’azote (NO2) enregistrées par Airparif lors de la période considérée.

Stations de mesure.

Airparif distingue traditionnellement deux principales catégories de stations de mesure des concentrations en « polluants » :

  • Les stations « trafic » situées en bordure immédiate des voies de circulation, et auxquelles le communiqué d’Airparif se réfère.
  • Les stations « de fond » situées à l’écart des voies, qui mesurent l’air ambiant respiré par les citoyens.

Les données utilisées sont fournies par Airparif [2]

Dans les graphiques qui suivent, on a considéré les groupes de stations de mesure suivants ;

  • Stations de fond pour Paris intra-muros : au nombre de 6, situés respectivement dans les arrondissements 4ème, 7ème, 12ème, 13ème, 15ème et 18ème ;
  • Stations de fond pour la banlieue : 18 stations, situées en majorité dans la petite couronne ;
  • Stations de trafic pour Paris intra-muros : 6 stations, les 4 citées par Airparif, plus rue Bonaparte et bd Soult.

Période du 14 au 19 septembre 2018.

Pour placer le dimanche 16 septembre dans un contexte plus large, on a considéré la période du vendredi 14 au mercredi 19, à peu près homogène du point de vue météorologique (températures mini #12°C maxi #25°C, ensoleillement 8 à 10h).

Voici le graphique correspondant, où ont été mises en évidence les plages horaires 11h-18h.

NO2

  • Stations de fond : quel que soit le jour de la semaine, la plage 11h-18h a correspondu au minimum de concentration en NO2 ; le dimanche 16 ne s’est pas distingué des autres jours ;
  • Stations de fond : les maxima de Paris ont été supérieurs de 10 à 20 microg/m3 à ceux de la banlieue (on distingue le décalage caractéristique d’environ une heure entre les deux pointes), par contre les minima de Paris et de la banlieue ont été pratiquement identiques ;
  • Stations trafic : à Paris, les concentrations ont été supérieures de 15 à 30 microg/m3 à celles des stations de fond.
  • Stations trafic : le dimanche, elles ont connu un minimum marqué (25 microg/m3 à 13h), suivi d’une remontée brutale après 18h (jusqu’à 150 microg/m3).

A titre d’ordres de grandeur, on rappellera les normes en vigueur pour le NO2 :

  • la « valeur limite annuelle » et l’ « objectif de qualité » sont de 40 microg/m3 ;
  • le « seuil d’information »a été fixé à 200 microg/m3 et le « seuil d’alerte » à 400 microg/m3 (selon des critères géographiques qui ne seront pas détaillés ici) : on peut noter que pendant les six jours sous revue, même les concentrations maximales sont restées très en deçà des200 microg/m3; d’ailleurs, l’indice de qualité Atmo est resté « bon » (indice 3 le samedi, indice 4 les autres jours y compris le dimanche), sauf le lundi (indice 5 « moyen »).

Comparaisons avec la période de septembre 2017.

Conformément à la référence fournie par Airparif, on comparera les deux périodes du samedi 12h au lundi 8h : respectivement du 23 au 25 septembre 2017, et du 15 au 17 septembre 2018.

Les graphiques ci-dessous comportent en traits pleins la période 2018 et en traits tiretés la période 2017.

Stations trafic

Le dimanche, les valeurs des stations trafic de 2018 ont été inférieures de 15 microg/m3à celles de 2017 jusque vers 16h, mais elles ont ensuite rejoint puis largement excédé celles-ci.

Stations de fond

Le dimanche, sur la plage horaire 11h-18h les quatre courbes des stations de fond sont pratiquement confondues. Par contre, comme pour les stations trafic, à partir de 18h les valeurs de 2018 ont largement excédé celles de 2017.

NO2

Enfin, on trouvera ci-dessous un tableau comparatif des concentrations moyennes pour les quatre stations trafic signalées par Airparif. Rappelons que les Champs-Elysées étaient totalement interdits à la circulation automobile, sans aucune dérogation.

Stations trafic, dimanches, plage 11h-18h, microg/m3

CO2

On retrouve bien les ordres de grandeur en pourcentages indiqués par Airparif.En ce qui concerne les chiffres absolus, on voit qu’une sorte de minimum technique de concentration s’est établi aux alentours de 45 à 50 microg/m3 (les Champs-Elysées constituant une exception comme on l’a vu ).

Conclusions.

On ne déniera pas le caractère sympathique de cette journée sans voiture, qui peut permettre en toute sécurité des promenades et des découvertes dans notre capitale, moyennant tout de même un déploiement impressionnant et onéreux de moyens administratifs et policiers.

En matière de qualité de l’air, au vu des graphiques précédents, chacun pourra se faire une idée de l’efficacité des dispositions prises par la mairie de Paris. Quoique les comparaisons toutes choses égales par ailleurs soient toujours délicates, on peut penser que ce genre d’argument, abondamment utilisé pour justifier l’initiative parisienne, est largement surfait.


. [1] https://www.airparif.asso.fr/actualite/detail/id/242 ; les caractères gras sont d’origine.

[2] http://www.airparif.asso.fr/telechargement/telechargement-statistique (Il faut signaler l’excellente ergonomie du site d’Airparif, qui permet sans difficulté l’accès aux données détaillées).

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