Vingt-cinq membres de l’Académie des sciences signent un texte regrettant un acte de censure à l’encontre de Jean-Claude Bernier

Chimiste reconnu, professeur émérite à l’université de Strasbourg et Directeur du département Chimie du CNRS mais climato-mal-pensant, Jean-Claude Bernier a publié en mai 2019 dans la revue professionnelle de la Société chimique de France une rubrique dans laquelle il émet l’hypothèse que le réchauffement récent est dû à la variabilité naturelle du climat, « peut-être accélérée (ou peut-être pas) par nos émissions de gaz à effet de serre ». Les réactions indignées suscitées par cette rubrique ont amené la Société chimique de France à la retirer de son site internet. Légitimement mécontent, Jean-Claude Bernier a alors sollicité le soutien de ses collègues pour dénoncer cette censure, qu’il a obtenu sous la forme d’une texte signé par vingt-cinq membres (sur trente-trois) de la section « chimie » de l’Académie des sciences. A la la suite à cette action collective, la chronique de Jean-Claude Bernier a été finalement remise en ligne. Nous reproduisons ci-dessous le texte signé par les 25 académiciens.

Est-il possible d’écrire une chronique sur le climat de nos jours ?

En mai 2019, pour la première fois dans son histoire, à notre connaissance, le Bureau de la Société chimique de France a retiré de son site internet une chronique de son journal d’information publiée dans l’Actualité chimique. Que s’est-il passé pour qu’une telle marque de désaveu soit mise en place ? De telles chroniques n’engagent que leurs auteurs membres de cette société savante, en aucun cas celle de notre honorable société, créée en 1857. Avions-nous affaire à un texte diffamatoire à l’encontre d’une institution, d’une personne ? Non, le comité éditorial eut évité la diffusion d’un tel texte et par ailleurs les auteurs de ces chroniques sont connus de tous les membres de la Société chimique de France. Dans le cas qui nous concerne, il s’agit d’une chronique écrite par un de nos collègues, Jean-Claude Bernier, apprécié pour la qualité de ses analyses, de ses propos mesurés, de ses compétences professionnelles. Il a été un professeur respecté à l’Université de Strasbourg, un directeur du département Chimie du CNRS et un membre actif du bureau de la Société chimique.

Qu’a t-il écrit de transgressif pour subir les foudres des réseaux sociaux, d’opinions outrées, souvent violentes et exigeant cet acte de censure ? Jean-Claude Bernier a souhaité faire part de son regard sur les discussions actuelles concernant les fluctuations du climat, en s’appuyant sur des publications scientifiques, validées par les pairs. Dans sa chronique, l’auteur ose poser, pas en tant que spécialiste du climat, mais en tant que scientifique apte à raisonner, des questions sur l’histoire des théories du changement climatique et sur les mécanismes de ce changement. La violence des réactions que ce texte a déclenchée reflète la difficulté que rencontre actuellement un scientifique sur ce sujet comme sur d’autres. Le doute scientifique fait partie intrinsèque de la démarche scientifique. C’est la pratique quotidienne des chercheurs, celle des séminaires dans les équipes de recherche, celle des conférences, celle des rapporteurs d’articles dans les journaux scientifiques. Nous en connaissons les règles : celui qui se permet d’émettre des doutes sur un travail sans argument ou avec des approximations évidentes peut s’attirer les remarques acerbes de ses collègues, mais il peut répondre à ses pairs, échanger avec eux. Par contre, tout argument mettant en évidence une faille dans le raisonnement va permettre immédiatement de revoir une idée, un concept, une expérience. c’est ainsi que le science avance depuis toujours.

Même à l’intérieur des grands conglomérats de scientifiques tels que le GIEC, des chercheurs doutent, se remettent en question et acceptent d’être confrontés à des points de vue contradictoires. Imaginer le contraire, penser que tous ces travaux sont maintenant hors du champ de la discussion scientifique serait très inquiétant pour l’avenir de la communauté des chercheurs.

Les réseaux sociaux et les messageries électroniques sont devenus des composantes importantes de la communication depuis une dizaine d’années. La rapidité des échanges et la liberté de ton qui les caractérisent ne doit pas aboutir à faire reculer les débats scientifiques, en jetant des anathèmes sur qui a le droit ou non de s’exprimer sur un sujet, quel que soit son importance. Si les chercheurs devaient passer sous ces nouvelles fourches caudines, il est à craindre que nous aurions tout à perdre : non seulement sur le plan de l’avancement de la science, mais aussi sur l’avenir du dialogue dans nos démocraties.

Les membres de la section chimie de l’Académie des sciences dont la liste figure ci-après regrettent que la chronique de Jean-Claude Bernier ait été retirée de l’Actualité chimique du mois de mai 2019.

Les membres suivants ont signé ce texte (en date du 4 juin 019)

Christian Amatore, Jean-Marc Basset, Guy Bertrand, Azzedine Bousseksou, Pierre Braunstein, Janine Cossy, Patrick Couvreur, Marc Fontecave, Robert Guillaumont, Henri Kagan, Jean-Paul Knochel, Jean-Marie Lehn, Jacques Livage, Jacques Lucas, Daniel Mansuy, Ilan Marek, François Mathey, Bernard Meunier, Michel  Pouchard, Bernard Raveau, Michel Rohmer, Clément Sanchez, Philippe Sautet, Jean-Pierre Sauvage, Pierre Sinay.

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2 réflexions au sujet de « Vingt-cinq membres de l’Académie des sciences signent un texte regrettant un acte de censure à l’encontre de Jean-Claude Bernier »

  1. Il est donc encore possible de réagir contre la pensée unique. Dans les milieux scientifiques, cela doit se passer de manière feutrée: on est entre gens de bonne compagnie. Dans le grand public, déjà bien imprégné par l’ambiance eschatologique, les attitudes sont souvent d’une grande violence. Si on ne brûle plus personne, le lexique n’en est pas moins clivant. Le mot “négationniste”, qui désignait jadis quiconque niait le massacre des juifs, a été étendu à ceux qui refuse de suivre les prédicateurs de l’Apocalypse. Un climato – réaliste est donc l’équivalent d’un antisémite. La reductio ad Hitlerum marche toujours.
    L’ambiance actuelle rappelle le maccarthysme et au-delà, la chasse aux sorcières du XVII°s. Peu de gens savent qu’elle a été savamment préparée pendant un siècle. On a profité d’un épisode météorologique (!) en 1562 pour lancer la Chasse. Les esprits étaient prêts, personne n’a osé réagir…

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