Rémy Prud’homme, professeur des universités (émérite)
M. Barnier, qui s’efforce courageusement de faire rentrer des cercles dans des carrés, mérite notre respect, et même notre soutien. Mais cela ne doit pas nous empêcher de souligner les paradoxes ou les absurdités de son gouvernement dans certains domaines. M. Barnier lui-même a mis son action sous le signe de la sincérité et de la vérité. Le cas de l’écologie offre un bel exemple d’incohérence. D’un côté (le côté droit), le gouvernement se flatte de diminuer d’un demi-milliard d’euros le budget annuel du ministère de la Transition écologique. D’un autre côté (le côté gauche), au même moment, le même ministère planifie et affiche une augmentation de dépenses de 11 milliards par an pour des éoliennes en mer. Le mot de schizophrénie décrit assez bien cette contradiction.
D’un côté, donc, le ministère des Finances propose, pour le budget de 2025, ce qu’il appelle une diminution de 0,5 milliard du budget de la Transition écologique. En réalité, ce qui est proposé est une augmentation de 0,5 milliard, mais qui remplace une augmentation antérieurement prévue de 1 milliard. L’expression de « diminution » est donc un joli cas d’insincérité. Ou si l’on préfère d’hypocrisie – l’hommage que le vice rend à la vertu, comme disait La Rochefoucauld. La ficelle est si grosse qu’elle fait penser à Molière. Ce demi-milliard de différence donne d’ailleurs lieu à une scène elle-même moliéresque. La ministre monte sur ses grands chevaux et jure qu’elle démissionnera si on ne lui rend pas « son » demi-milliard. Le premier ministre ne cède pas. La ministre ne démissionne pas. On se croirait à la Commedia dell’arte, avec M. Barnier dans le rôle du Docteur, M. Saint Martin dans celui de Pantalon, et Mme Pannier-Rumacher en Colombine.
Dans le même temps, la ministre, ou plus exactement peut-être son administration, dévoilent au monde un grandiose plan de construction de plus de 2000 éoliennes en mer d’ici 2035. Le coût de cet investissement sera d’environ 90 milliards d’euros[1]. Il faut y ajouter le coût des modifications et agrandissements du réseau de transport engendrés par ces éoliennes en mer, que l’on peut estimer à près de 30 milliards[2]. Le projet annoncé a donc un coût d’investissement de 120 milliards (si les estimations de coûts ne sont pas dépassées, hypothèse optimiste !). A dépenser en 11 ans, soit environ 11 milliards par an. C’est un peu plus que le budget annuel du ministère de la Justice.
On pourrait ajouter que ces éoliennes sont totalement inutiles. Elles ne remplacent pas, comme au Royaume-Uni ou en Allemagne, des sources d’électricité carbonée, et ne contribuent en rien à la décarbonation de la France et du globe. L’électricité que ces éoliennes produiront est très coûteuse, et contribuera à l’augmentation des prix de l’électricité en France, pour les ménages et les industries. Pour une part (que l’on s’efforce de réduire mais qui reste majoritaire), ces éoliennes seront achetées et exploitées par des entreprises étrangères, et leurs bénéfices exportés. La production d’électricité des éoliennes dépend du vent, elle n’est pas pilotable. Lorsqu’il n’y aura pas de vent et une forte demande d’électricité, elles ne produiront pas assez, et il faudra faire appel à des centrales au gaz. Lorsqu’il y aura beaucoup de vent et peu de demande, elles produiront trop, et il faudra fermer en toute hâte des centrales nucléaires, ce qui est coûteux. Ne parlons pas de la pollution visuelle causée par 2000 éoliennes de 200 mètres de haut près des rivages français, ni des oiseaux de mer hachés menu par leurs pales.
Cependant, indépendamment de ces considérations sur l’inutilité ou même la nocivité d’un tel investissement, ce qui frappe ici c’est la contradiction entre le discours officiel sur les économies indispensables et le discours (non moins officiel) sur les dépenses grandioses. Et surtout que ces deux discours puissent être tenus en même temps, presque le même jour. Ce qui est certain, c’est ces discours ne seront pas mis en œuvre tous les deux simultanément. L’un des deux – ou les deux – restera lettre morte. Ce qui est fâcheux pour l’image et l’autorité de l’Etat. Le mot de schizophrénie n’est pas trop fort.
[1] Le parc d’éoliennes de Saint-Brieuc qui vient d’être connecté a une puissance de 0,5 GW et a coûté 2,5 milliards, ce qui met le GW à 5 milliards. Les 2200 éoliennes planifiées ont une puissance de 18 GW. Leur coût peut donc être estimé à 5*18, soit 90 milliards d’euros.
[2] RTE (le réseau de transport de l’électricité) estime à « 100 milliards les investissements dans les réseaux en cours des 15 prochaines années, dont au moins 40% destinés à l’offshore », soit 2,6 milliards par an pour les éoliennes, et 28,6 milliards pour les 11 années d’ici 2035.
“””””””””M. Barnier, qui s’efforce courageusement de faire rentrer des cercles dans des carrés, “””””
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Qu’est ce qu’il vaut mieux Monsieur Rémy , faire rentrer des cercles dans des carrés , ou des carrés dans des cercles ; le tout , c’est de savoir la superficie de ce que l’on veut diminuer
Là , vous avez l’exemple d’un effondrement sociétal, n’importe quoi est énoncé et rien ne pourra être fait.
Comme pour le port de Beyrouth avec Macron et ses manches relevées!
Rémy,
merci de nous rappeler, avec des chiffres reconnus, cet immense gâchis.
L’éolien, c’est du vent !
“Ce qui est certain, c’est ces discours ne seront pas mis en œuvre tous les deux simultanément. L’un des deux – ou les deux – restera lettre morte. ”
Malheureusement je crois que les deux peuvent être menés simultanément avec force conviction et la rigueur de nos chers technocrates vu leurs compétences et leur maestria pour courir (ou plutôt se précipiter) à l’échec cuisant dont ils savent si bien nous combler si souvent…
Un député NFP voulant taxer les visites des parcs d’éoliennes en mer, cela fera une rentrée d’argent, certainement importante.
@ M. Prud’homme
Votre raisonnement sur l’inutilité des éoliennes est faux, car trop simpliste.
Il l’est déjà sur le plan écologique, car quand ces éoliennes produisent, elles peuvent remplacer avantageusement les importations d’électricité carbonée en provenance d’Allemagne : par ex., spécifiquement l’hiver quand nos moyens de production sont « au taquet » (on rappelle que la pointe de consommation est de 102 GW, alors que nos moyens pilotables, à supposer qu’ils soient tous disponibles, plafonnent à 80 GW).
Mais surtout il est faux sous l’angle technique, car l’éolien, si sa production est aléatoire n’est donc pas garantie, fournit statistiquement de l’énergie – avec un facteur de charge de 30 % à 40 % pour les éoliennes en mer. C’est de l’énergie qui est « économisée » par les centrales hydrauliques ou nucléaire qui sont des énergies de stocks et qui peuvent alors fonctionner plus longtemps avant de devoir être « rechargées » (en eau ou en uranium). Alors que nos moyens sont aujourd’hui insuffisants pour passer un hiver rigoureux (cf. supra), l’augmentation prévue de la demande en électricité va aggraver encore la situation jusqu’à ce que le nouveau nucléaire soit opérationnel, au-delà de 2035-2040. D’ici là, l’éolien et le solaire, certes intermittents, nous éviteront (peut-être) la pénurie : ils sont utiles, même si ce n’est pas optimal.
Il y a bien une solution alternative en attendant 2040 : construire des centrales au gaz au lieu d’éoliennes. L’avantage serait de garantir la pointe de consommation, l’inconvénient de produire (un peu) de CO2. Mais beaucoup moins que nos voisins allemands qui sont les vrais schizophrènes, car ils se veulent les chantres de la réduction des émissions de CO2 mais continuent d’en être parmi les plus gros émetteurs d’Europe.
L’énergie nucléaire et hydraulique est suffisante en France pour assurer nos besoins en électricité. ………. sauf en cas de pointes de consommation. Ces pointes sont limitées dans le temps.
On va donc construire des éoliennes uniquement pour assurer le manque d’énergie pendant ces pointes …….. mais à condition que le vent veuille bien souffler à ce moment là.
On va dépenser beaucoup, miser sur le hasard ( le vent) pour compenser d’éventuelles pénuries jusqu’en 2035-2040, dates auxquelles les nouvelles centrales devraient être opérationnelles.
Donc l’approvisionnement en électricité carbonée ( au charbon ) Allemande est “moins pire” que l’éolien pour la période 2024-2035.
Les centrales au gaz, moins carbonées, sont donc la meilleure solution. …….. a condition que l’échéance “2035” soit bien respectée !
Lorsque le nouveau nucléaire sera opérationnel, les éoliennes et centrales au charbon et au gaz ne seront plus nécessaires ! On est d’accord ?
Climatiquement vôtre. JEAN
Non c’est vous qui êtes dans l’erreur.
D’abord, la consommation d’électricité est en baisse (y compris chez nos voisins européens). La flambée des prix de l’électricité est passée par là et a forcé les entreprises (surtout) et les particuliers à surveiller ce poste de dépense.
Depuis que notre parc nucléaire a retrouvé des couleurs, notre production couvre très largement notre consommation et nous exportons de l’électricité comme jamais auparavant. Exception temporaire : temps hivernal froid avec peu voire pas de vent, donc faible production éolienne quand la conso est élevée (faut-il rappeler que le solaire en hiver ne produit rien lors du pic de conso en soirée ?). Consultez les données du site Eco2mix de janvier 24, on voit clairement que les périodes ventées correspondent à une conso modérée et inversement.
Vu le peu d’empressement des européens à acheter des voitures électriques et les hivers doux dont nous bénéficions depuis plusieurs années (jusqu’à quand ?), il paraît peu probable de devoir faire de nouveau face à une conso de plus de 100GW dans les 10 ans à venir (et l’EPR.de Flamanville sera enfin opérationnel à partir de l’hiver prochain). Ca laisse le temps de construire 2 ou 3 STEP et quelques centrales à gaz (ou à charbon) pour bénéficier des capacités de production pilotables qui nous manquent.
Ca coûtera beaucoup moins cher que le programme éolien délirant d’Agnès Cabas-Nullachier et ça évitera de devoir stupidement réduire la production nucléaire (économie : 10 €/MWh) pour écouler la production éolienne maritime (coût : 200€/MWh) quand il y aura du vent !
Ce programme énergétique délirant est vraiment l’escroquerie du siècle !
Vos remarques ne sont pas justes. Selon la dernière commission parlementaire, le parc nucléaire actuel suffit largement sans les éoliennes, et la France reste exportatrice de courant. A noter que la consommation de la France a largement chuté, ce qui est liée à la forte désindustrialisation.
Dans une note publiée le 23 octobre 2024 et qui constitue une véritable retournement, la DGEC reconnait enfin l’évidence ! : « L’électrification de l’économie française pourrait s’avérer plus lente que prévu. Thomas Veyrenc (RTE) reconnaissait récemment :« À court et à moyen terme, il y aura de l’électricité pour tout le monde). De fait, d’ici 2035, ce sont les scénarios à plus faible demande de RTE qui semblent se confirmer- et ensuite le nucléaire pourra prendre le relais pour une transition énergétique soutenable. Entre augmentation moins rapide de la demande et retour en forme de la progression nucléaire ; nous pourrons largement nous passer d’éolien en mer !
L’aveu de la DGEC : La demande d’électricité révisée à la baisse d’ici 2035 !
Dans une note publiée le 23 octobre 2024 et qui constitue une véritable retournement, la DGEC reconnait enfin l’évidence ! : « L’électrification de l’économie française pourrait s’avérer plus lente que prévu, entraînant une hausse de la consommation d’électricité moins importante qu’anticipé d’ici 2035… Ce qu’on voit, c’est qu’en termes de consommation d’électricité, on est plutôt en dessous du scénario central qu’on avait publié en 2023, qui était le 580-640 TWh par an » (Sophie Mourlon).
En cause, selon la DGEC, la transition des véhicules vers l’électrique , le rythme d’installation des pompes à chaleur dans les bâtiments « notamment plus lent que « les trajectoires qu’on souhaiterait ». Et surtout « le directeur de la flexibilité de RTE note également un retard dans le développement de l’hydrogène, qui devait constituer le plus gros facteur de hausse de la demande d’électricité, avec une consommation de 24 TWh environ en 2030 puis de 65 TWh en 2035, contre 38 TWh par exemple pour les voitures électriques. ». « C’est une technologie qui prend globalement du retard, donc on n’en aura pas beaucoup en 2030 alors qu’on visait une accélération ». La capacité des électrolyseurs français s’élevait à 30 MW à la fin de 2023, mais le pays vise 6,5 GW d’ici 2030 et 10 GW d’ici 2035
Ce qui est un facteur structurel important et guère surprenant tant l’hydrogène a fait l’objet d’une bulle informative et spéculative relevant de gros intérêts et d’un certain délire –
Et sans parler des géobiologues apparement imposés par les préfectures et les chambres d’agriculture, avec l’argent du contribuable,
Selon cette enquête documentée de la chaîne G Milgram : L’État, noyauté par le bullsh*t (Enquête : suite et fin)
https://www.youtube.com/watch?v=HezkyLGbJjs
« A la base, je voulais juste ironiser sur un liquide bleu complètement absurde. Et puis, un peu par hasard, j’ai compris ce qui amenait certains constructeurs éoliens à utiliser le Pneumatit, cette cristalline bleu à 300 euros le litre… C’était le début d’une autre enquête. Vidéo à voir jusqu’au bout ! »
A connaitre, l’organisation “Le Lierre” en cours de noyautage de la haute fonction publique française, et cela concerne aussi l’hystérie climatique : https://www.agriculture-environnement.fr/2024/03/26/le-lierre-entend-verdir-la-fonction-publique
Interview de l’ancien patron de RTE à écouter : https://www.youtube.com/watch?v=Y10SoSc5oy0
Pour le parc offshore de St Brieuc les chiffres sont pires que cela… Il y a 62 éolienne de 8MW installées, soit une puissance, donc installée, de 469 MW (les 0.5 GW que vous donnez). Mais en puissance effective, donc produite, l’attente est de +/- 175 MW, et ce chiffre ne tient pas compte des pannes éventuels. Dans les faits la production attendu sera plus proche de 150 MW sur 365 jours… C’est lamentable pour 2.5 Md € !!!
Cela n’est pas pertinent de calculer en MW, unité de puissance. Il faut plutôt parler d’énergie effectivement produite , en MW.h, en tenant compte du facteur de charge.
Toutes ces communications en terme de puissance n’ont pas de sens, du blabla de communicant tablant sur l’ignorance du consommateur moyen. La puissance nominale théorique reste … théorique.
Et cela ne fait pas de pli : comparons ce qui est comparable , l’énergie effectivement produite sur une année par une centrale nucléaire ou thermique avec celle produite par un parc éolien.
Les journalistes ou les politiques qui n’y entravent rien reprennent des éléments de langage qui relèvent de l’escroquerie, comme par exemple la capacité d’un parc éolien comme celui de Saint-Nazaire à alimenter en énergie une ville comme Nantes. Cela n’a évidemment pas de sens, puisque la production d’énergie est intermittente : le parc ne peut absolument pas à lui seul « alimenter » quoique ce soit.
Outre l’efficacité réduite des parcs éoliens en mer (cf les remarques précédentes), apparemment le balancier est aussi en train de changer en ce qui concerne l’impact environnemental de ces parcs sur la vie marine. Le Bureau of Ocean Energy Management américain vient de sortir un rapport en ce sens (https://www.boem.gov/sites/default/files/documents/renewable-energy/state-activities/BOEM_NYB_PEIS_Vol_I_Chapters1-4_October2024.pdf), qui s’écarte de la doxa écolo.
(vu sur le site WUWT)
Pour le parc de Vineyard 1, le BOEM donne la conclusion suivante ( NB « action proposée » signifie le construction du parc de Vineyard 1)
« Dans le contexte des évolutions environnementales raisonnablement prévisibles, les émissions combinées de GES( Gaz à Effet de Serre) sur la qualité de l’air provenant des actions en cours et prévues, y compris l’action proposée, entraîneraient probablement un impact bénéfique mineur de la diminution nette des émissions de GES et des principaux polluants, y compris les précurseurs de l’ozone tels que les NOx, car les installations de type combustible fossile réduisent leurs opérations en raison de l’augmentation de la production d’énergie à partir de projets éoliens offshore. Dans l’ensemble, on s’attend à ce qu’il n’y ait pas d’impact collectif sur le réchauffement climatique à la suite des projets éoliens en mer, y compris l’action proposée seule, bien qu’ils puissent contribuer à une combinaison plus large de mesures visant à réduire les impacts futurs des changements climatiques. » Pour en savoir plus https://piebiem.webnode.fr/l/piebiem-nos-amis-americains-et-l-evaluation-americaine-des-effets-climatiques-des-parcs-eoliens-offshore/
Un article sur l’impact des éoliennes offshore sur la faune marine et sur les oiseaux marins et migrateurs:
https://www.cetaces.org/protection/energies-en-mer/eolien-offshore-impact-marin/
Et un documentaire très complet, sous l’impulsion de Michael Shellenberger, alertant des dangers de l’éolien marin sur les cétacés:
https://animauxmarins.fr/actualites/documentaire-parcs-eoliens-offshore-fleau-pour-les-baleines/#
La pertinence est un mot absent du lexique vert. Je me souviens de ce responsable politique, notoirement connu, ce qui m’évitera de le nommer, incapable de faire la différence entre un baromètre et un thermomètre…alors, leur demander de faire le tri entre puissance, énergie, travail relève des travaux d’Hercule…