Énergie éolienne : le régime des vents permet-il de tenir toutes ses promesses ?

Par MD

Introduction.
Tout le monde a pu remarquer le matraquage incessant et croissant en faveur de l’énergie éolienne ; pour la promouvoir, leurs thuriféraires ne sont pas à court d’exagérations et d’omissions volontaires. Mais ce n’est pas le lieu de discuter de la pertinence de ce type d’énergie. Le présent article s’intéresse à sa matière première essentielle, à savoir le vent. On sait notamment qu’un des arguments parfois évoqué en réponse à l’intermittence de la production éolienne est que le vent souffle toujours assez fort « quelque part ». Pour assurer la permanence de la production, il « suffirait » d’augmenter considérablement le nombre des éoliennes dans le plus grand nombre de sites possible, avec un réseau de transmission maillé et dense. On obtiendrait ainsi un « foisonnement » (doublement bien nommé). Le régime des vents permet-il de tenir toutes ces promesses ?

Vitesses « opérationnelles » des vents.

Tout d’abord, un rappel des vitesses de référence des vents, selon les documents officiels :

  • au-dessous de 4 m/s (15 km/h), la production est nulle même si les pales tournent lentement ;
  • à 12 m/s (43 km/h) la vitesse est dite « nominale » et la production est maximum ;
  • à partir de 25 m/s (90 km/h) la production est stoppée par précaution.
  • Il s’agit évidemment de vitesses horaires ou intra-horaires locales.

Globalement, on considère qu’en moyenne annuelle les pales tournent pendant environ les 2/3 du temps (# 6 000 heures sur 8 760), mais ne produisent annuellement qu’une fraction de ce que devrait permettre la puissance disponible : cette fraction est dite facteur de capacité (ou facteur de charge). En France, il oscille globalement autour de 24% (l’éolien étant exclusivement terrestre).

Les sources disponibles.

Un certain nombre d’organismes s’intéressent aux vitesses des vents et publient des séries chronologiques. On les utilisera telles quelles, sans s’interroger sur les méthodes de mesure et leur fiabilité.
Pour l’Europe et la France, on trouve des données de vitesse du vent (à 100 m de hauteur) sur le site Copernicus-ECMW. Les séries qui commencent en 1979 sont horaires, journalières ou mensuelles. Le découpage géographique se réfère à la nomenclature des unités territoriales statistiques (NUTS) : on a donc des données pour chaque pays (NUT0), et pour les 21 anciennes régions administratives de la France continentale (NUT2).
Pour la France, l’organisme « Open data réseaux énergie » (ODRE) publie des séries infra-journalières (toutes les 3 heures) des vitesses du vent à 100m (et du rayonnement solaire). Les séries commencent en 2016. Le découpage géographique est celui des 12 nouvelles régions administratives continentales, plus la Corse.
Les graphiques qui suivent ne sont qu’un échantillon des nombreux traitements possibles de cette considérable quantité de données. On s’appesantira plus particulièrement sur la période 2016-2021. Cette période de sept ans est celle où l’on dispose de données diversifiées. Il se trouve en outre qu’elle s’inscrit dans une période de stabilité tendancielle des températures, aussi bien globalement que sur le territoire français.

Répartition des vents en Europe, données mensuelles.

Pour la France et les cinq grands pays frontaliers, les vitesses moyennes mensuelles sont représentées par le graphique ci-dessous. Les pays sont classés par ordre décroissant des vitesses moyennes.

Vitesse moyenne du vent à 100 mètres (en m/s) en Europe de l’ouest

Malgré les différences de vitesses entre les états (l’écart moyen est de l’ordre de 5 m/s entre les extrêmes), on constate un certain synchronisme notamment lors des pointes hivernales et des creux estivaux. Les courbes de la France et de l’Allemagne occupent une position médiane et sont souvent presque confondues. Par ailleurs, en remontant dans le temps (1979), on pourrait vérifier que les vitesses de vent restent tendanciellement constantes comme pendant ces six dernières années.

Evolution des vents en France.

Voici le graphique des vitesses journalières depuis 1979 (droite de tendance en tirets blancs).

France : vitesses journalières depuis 1979 (droite de tendance en tirets blancs)

Et pour la période 2016-2021

France : vitesses journalières à 100 m (m/s) pour la période 2016-2021 (droite de tendance en tirets blancs)

Quelle que soit la variable considérée (moyennes, dispersion statistique, maxima et minima, etc.) on ne discerne aucune tendance à l’augmentation ni à la diminution sur les quarante dernières années.

Répartition des vents en France par régions, données mensuelles.

Le graphique ci-dessous représente les données des années 2016 à 2021. Les 21 anciennes régions sont classées approximativement par ordre de vitesses moyennes décroissantes. On voit la prépondérance des régions littorales de la Manche. L’écart moyen mensuel entre régions extrêmes est de l’ordre de 4 à 5 m/s.

France : écart moyen mensuel entre régions de vitesse du vent à 100m (m/s)

Répartition des vents en France par régions, données journalières.

A titre d’exemple, on a choisi le premier et le dernier trimestre de l’année 2021 (même classement que précédemment pour les régions). L’écart journalier entre régions extrêmes peut atteindre jusqu’à 10 m/s.

France : écart moyen journaliers entre régions de vitesse du vent à 100m (m/s)
France : écart moyen en octobre-novembre-décembre entre régions de vitesse du vent à 100m (m/s)

Répartition des vents en France par régions, données infra-journalières.

Dans les séries ODRE, les valeurs sont mesurées toutes les 3 heures. En revanche, la maille géographique est nettement plus lâche puisqu’elle ne comporte pour la France continentale que 12 régions au lieu de 21. On ne gagne donc pas véritablement en précision spatio-temporelle. Voir ci-dessous les graphiques pour les deux mêmes trimestres de 2021.

France :Vitesse du vent à 100m (m/s) toutes les 3 heures (janvier-février-mars 2021)
France :Vitesse du vent à 100m (m/s) toutes les 3 heures (octobre-novembre-décembre)

(La région Auvergne-Rhône-Alpes apparait comme un outsider surprenant).

Synthèse sur le régime des vents.

On pourrait ainsi multiplier les exemples de traitements de données. Les graphiques qui viennent d’être présentés ne sont destinés qu’à donner une idée générale du régime des vents et Europe et en France. Il peut certes y avoir des artefacts dans les mesures et leur interprétation, mais ces séries longues ont le mérite d’exister et d’être homogènes dans le temps.
On peut en retenir quelques idées générales :

  • Sur longue période (au moins depuis quarante ans) la vitesse des vents reste sensiblement constante en moyenne annuelle et en dispersion statistique, quel que soit le niveau géographique observé.
  • Pour la France dans son ensemble, les vitesses des vents restent en moyenne à un niveau relativement modeste, de l’ordre de 5 à 6 m/s. Elles n’excèdent que rarement 12 m/s. Ceci explique les performances globalement médiocres du secteur éolien, s’ajoutant à son caractère irrémédiablement intermittent.
  • Il existe des disparités régionales significatives, les vitesses étant nettement supérieures dans les zones littorales de la Manche et de la mer du Nord, supériorité encore plus marquée au Royaume-Uni et au Bénélux.
  • En dépit de ces disparités, les variations sont remarquablement synchrones à un niveau géographique relativement étendu, et a fortiori au niveau de la France continentale. Il en résulte que l’ensemble du territoire peut se trouver conjointement encalminé, sans possibilité de compensations géographiques
  • Au plan général, il existe grossièrement un cycle saisonnier (maximum en période hivernale), mais on constate surtout une extrême variabilité d’un jour à l’autre et d’un mois à l’autre. Ces soubresauts météorologiques sont pratiquement imprévisibles au-delà de quelques jours.

Tous ces phénomènes échappent à la volonté humaine et leurs inconvénients sont évidemment sans remèdes.

Éolien : capacité installée et production.

Quoique ce ne soit pas l’objet direct du présent article, on donne ci-dessous en complément le graphique de la production journalière éolienne entre 2016 et 2021. Dans cet intervalle, la capacité de production a été doublée, de même que la proportion d’éolien dans la production électrique, qui est passée de 4% à 8% environ.

France, éolien. Production électrique journalièreMWh

En dépit de cette croissance de puissance installée, on voit que la production est restée tout aussi erratique sinon encore plus. En éliminant la tendance (ce qui revient à prendre comme variable le facteur de charge instantané), on verrait que le graphique se superpose presque exactement à celui des vitesses de vent. A l’avantage de l’éolien, on peut remarquer qu’il produit de préférence en période hivernale, mais sans être à l’abri de chutes brusques. On ne poussera pas plus loin l’analyse.

Conclusion.
Cette revue sommaire aura permis de prendre la mesure des limites physiques auxquelles est irrémédiablement assujettie l’énergie éolienne, et des difficultés de pilotage qu’elle engendre. Les incantations et les boursouflures verbales n’y pourront rien changer.

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17 réflexions au sujet de « Énergie éolienne : le régime des vents permet-il de tenir toutes ses promesses ? »

  1. Bonjour,
    Très bon article bien détaillé.
    Nous savons depuis bien longtemps que l’éolien n’est pas une solution en lieu et place du nucléaire. Mais il sera difficile de le faire comprendre aux militants khmers verts.

    • Si les éoliennes qui existent depuis la nuit des temps étaient une source d’énergie réellement fiable, on n’aurait pas aménagé le cours des fleuves, créé des barrages et des lacs artificiels, on n’aurait pas brûlé du charbon, puis du fioul et du gaz pour se chauffer et pour produire de l’électricité, et on n’aurait pas imaginé plus tard de récupérer l’énergie considérable produite par la fission de l’uranium dans le même but.
      On sent déjà que les éoliennes n’ont plus le “vent en poupe” sur le territoire national. Les gens se mobilisent contre chaque projet près de chez eux ou pour protéger les nombreux sites touristiques vierges dont notre pays a été généreusement doté par Dame Nature. Alors on déplace la nuisance en mer à des coûts astronomiques qui seraient insupportables si ce n’était la puissance publique qui les finançait.
      Nous vivons une période de folie que les historiens auront plus tard bien de la peine à comprendre.

      • Vôtre introduction est un raccourci simpliste. Pourquoi l’humanité s’est embêté pendant des millénaires à utiliser des chariots plutôt que d’utiliser directement des porte containers ? Ils sont débiles nos ancêtres.
        Plus sérieusement, c’est ce qu’on appelle le progrès, des technologies n’étaient pas disponibles aux différentes époques. En dehors du solaire, l’électricité, c’est juste un alternateur qu’on doit faire tourner. L’éolien “électrique” est contemporain de la plupart des moyens de production.
        De la même façon, dire que les éoliennes n’ont pas le vent en poupe est une fable. Le taux d’acceptation des éoliennes est plutôt bon (dans le même ordre de valeur que l’acceptation nucléaire). Malheureusement, à l’heure des réseaux sociaux, la minorité bruyante a un poids certain auprès des politique. Cette tendance se retrouve sur tous les aspects à l’exception du solaire domestique (nucléaire, hydroélectrique, éolien… Tous ont des “opposants” généralement minoritaire sur le territoire et relativement plus bruyant que la majorité).
        Vôtre conclusion est correcte cependant, nous vivons bien dans une période de folie collective. Cependant, il semblerait que vous soyez vous même une partie de ladite folie collective.

  2. Parfait. Avec des chiffres, c’est mieux.
    Maintenant, si on parlait des nuisances, actuelles et à venir ?
    Pour aboutir à la conclusion logique : tout ça pour ca ?

  3. Le Danemark, souvent cité comme un modèle par les écolocollapsos, a produit en 2020 50% de son électricité grâce à l’éolien…bon…la question posée est :
    “si cela marche si bien , alors pourquoi le Danemark ne poursuit-il pas sa politique éolienne pour arriver à 100%?”
    ben, tout simplement comme nous l’explique très bien cet article, parce que en période de vent calme ou absent, RIEN ne fonctionne…et que fait alors le Danemark? il tire son électricité de la biomasse et des énergies fossiles (charbon essentiellement) ou importe au prix fort de l’électricité norvégienne (propre) ou allemande(pas propre) .
    Et zéro centrale atomique au Danemark

    Résultat; l’électricité danoise est 30 % plus carbonée que la française et aussi surtout 2 fois plus chère
    Si le Danemark avait 1 ou 2 centrales atomiques, il en serait autrement

  4. C’est un peu hors sujet mais jugez donc. Nouvel article sur Le Point : Climat : ressusciter la nature est « la clé d’un futur viable », pour le Giec.
    Mais enfin, la nature ressucite d’elle même avec l’augmentation du CO2 qui provoque le phénomène prouvé du verdissement. Mieux alimentée, elle se développe. Nous sommes sauvés par le CO2. Ce journaliste a l’esprit tellement obscurci qu’ il ne voit même pas la contradiction.

  5. Existe-t-il dans les instances gouvernementales décisionnelles des gens capables de lire, de comprendre et de faire la synthèse d’un tel article pour en tirer les conclusions qui s’imposent à tout esprit rationnel ?
    On constate qu’une bonne part des élèves qui passent chaque année en 6e ont des difficutés à lire un texte et, pire encore, à en comprendre le sens. Ne parlons pas de leur aptitude à écrire et à le résumer en quelques phrases compréhensibles.
    Certains d’entre eux arrivent cependant à poursuivre un cursus scolaire, voire post scolaire et même à occuper des postes importants dans la politique et occasionnellement, au gré des alternances, au gouvernement.

    • Jack, du vécu :
      Bien que largement atteint par la vieillerie, je continue à participer à des camps de terrain d’étudiants géologues. Au fil des kilomètres, on en vient parfois à évoquer le changement climatique. Quand on dit par exemple que les glaciers, à des altitudes supérieures à la limite sup. de la forêt, recrachent des troncs d’arbres et que cela prouve ipso facto qu’autrefois le climat était plus clément, eh bien on voit le phylactère imploser dans les regards (ouf, pas tous). Certains deviendraient même agressifs si on touche aux certitudes. Quant aux neutres, ils découvrent dans la discussion que les certitudes en définitive n’en sont pas. Donc il reste de l’espoir: expliquer, toujours expliquer, même si certains butés n’en démordront pas, quelque soit le niveau scolaire.
      Pas d’étonnement, ils sont biberonnés depuis l’école primaire à ces foutaises par un personnel enseignant très peu porté sur la critique (ou méfiant quant aux conséquences en cas d’inspection). Même à l’université le ver est dans le fruit. J’ai en magasin des exemples de TD sur le réchauffement climatique qui valent leur pesant de cacahuètes (venant de V-P d’université, pas moinsse). La maladie est du niveau de la Covid.

    • Les bons vœux poncifs: c’était mieux avant. Même s’il est vrai que l’éducation nationale mériterait un bon coup de balai, la baisse de niveau ne se retrouve pas en post-bac. Nos ingénieurs sont toujours aussi “productifs” que leurs anciens. Ils ont aussi accès à bien plus d’outils. Si seulement on avait toujours une industrie et de la recherche pour les mettre au travail, ça serait pas mal, ça permettrait d’éviter ces couches successives d’ingénieurs “managers” ou encore des ingénieurs à des postes de technicien pour profiter du CIR.
      Concernant la vraie question du commentaire, oui, l’étude a été réalisée par RTE. Même si RTE a montré (conjointement avec l’ADEME donc à prendre avec des pincettes) que le tout éolien est possible, la conclusion était que ce n’était ni économique, ni écologique. De mémoire, le rapport concluait en substance qu’il fallait garder les 50% de nucléaire minimum tout en développant les renouvelables pour favoriser des “périodes d’abondance énergétique” ce qui se traduit par une énergie vendue quasiment à perte sur le marché de gros (et donc, ça permet aux industries lourdes mais possiblement intermittentes de privilégier ces périodes pour consommer).
      Du coup, sauf grosse déception électorale, on devrait avoir nos EPr en chantier sous peu. Malheureusement, trop peu et trop tard. Il nous faudrait au moins 10 paires avant 2035, c’est pas gagné.
      Point positif, on aura la chance d’avoir le retour des réacteurs à sels fondus chinois et indiens. Après le Super Fenix, ça permettrait à la filière de passer directement de la 3eme à la 4eme génération si la viabilité est au rendez-vous.

  6. Depuis quelques décennies une sorte de Covid mental a progressivement contaminé les cerveaux d’une grosse partie de ceux qui ont la prétention de figurer parmi nos élites. Le dernier variant, très contagieux, fait actuellement des ravages. l’Education Nationale, les média et la “political correctness” ont rivalisé dans leur diligence à combattre cette infection par plusieurs doses d’un vaccin encore en phase expérimentale dont nous déplorons maintenant les graves effets secondaires à long terme, insoupçonnables à l’époque.
    Y aurait-il dans les cohortes diplômées tirées chaque année des moules de notre Ecole Nationale d’Administration un seul individu ayant la curiosité de lire intégralement ce brillant article anonymement signé MD sans le rejeter sur le champ dans les ténèbres extérieures du complotisme, que je garderais un espoir, aussi ténu soit-il…

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