Électricité : renouvelables et hausses des prix

Rémy Prud’homme

On sait depuis longtemps que la multiplication des renouvelables (éolien et photovoltaïque) entraîne une hausse du coût moyen de la production de l’électricité. La forte corrélation entre poids des renouvelables dans le mélange électrique et niveau des prix de l’électricité le suggère : à faible poids, prix bas (Hongrie) ; à poids moyen, prix moyen (France) ; à poids considérable, prix élevé (Allemagne).

On sait également que l’année 2022 a montré qu’à cette inflation par les coûts s’ajoute une inflation par la mécanique du marché de gros européen. Les prix de l’électricité en Europe ont été largement déconnectés des coûts de production de l’électricité. En France, par exemple, le coût moyen de production a augmenté d’environ 15% (du fait de l’augmentation du prix du gaz utilisé pour produire de l’électricité), alors que le prix de vente moyen a augmenté d’environ 130%. Cette augmentation des prix de vente provient principalement de la généralisation du prix qui s’établit sur le marché européen de l’électricité à l’ensemble des prix de l’électricité en Europe. Ce prix a en 2022 été largement celui de la production des centrales au gaz allemandes.

Ce que l’on sait moins, c’est qu’il y a une relation causale entre les renouvelables et cette mécanique infernale. Elle est double. D’une part, la hausse du prix du gaz est liée au développement des renouvelables. D’autre part – et surtout – le marché européen a été conçu dans le but de favoriser ces mêmes renouvelables.

L’éolien et le photovoltaïque sont intermittents. Durant la majorité des heures de l’année, le vent ne souffle pas et le soleil ne brille pas. Qui plus est, en particulier pour l’éolien, cette intermittence est aléatoire, car on ne sait guère longtemps à l’avance quand les installations renouvelables vont produire. Pour répondre à la demande, notamment à la demande de pointe, il faut donc avoir sous le coude des centrales capables de démarrer instantanément. Les centrales les mieux adaptées à cette tâche sont les centrales au gaz. Le gaz est ainsi un complément nécessaire aux renouvelable. Plus de renouvelables, c’est davantage de gaz. L’Allemagne, mais aussi l’Italie et l’Autriche, étaient, et sont toujours, très dépendant des importations de gaz. Et en particulier de gaz russe. La décision de Gazprom de diminuer brutalement ses ventes de gaz à ses clients européen a évidemment fait flamber le prix du gaz en Europe, et le prix de l’électricité au gaz sur le marché européen de l’électricité.

Cet enchaînement (qui est maintenant bien connu) n’explique pas la contagion de la hausse des prix dans le reste de l’Europe, et notamment en France. La part de notre électricité achetée sur le marché européen est faible (même si elle a augmenté en 2022 du fait de l’indisponibilité temporaire d’une vingtaine de nos centrales nucléaires) et de plus l’essentiel de ces achats se font de gré à gré, hors marché. Cela aurait dû nous protéger de la contagion. Si cela n’a pas été le cas, c’est à cause d’une « règle » particulière de ce marché européen. La Cour des comptes européenne, qui n’est pas suspecte d’hostilité à ce marché et à cette règle, la présente en ces termes : « toutes les offres de fournisseurs ayant trouvé preneur […] doivent être rémunérées au même prix que l’offre la plus élevée qui équilibre le marché »[1].

D’où sort cette règle ? La Cour des comptes européenne mange le morceau et avoue clairement : « Cette méthode vise à faire en sorte que les producteurs d’énergie verte dégagent un bénéfice, et donc un retour sur investissement, ainsi qu’à accroître l’approvisionnement en énergie produite à partir de sources renouvelables ». Pour faire plaisir aux industriels de l’éolien et du photovoltaïque, les achats obligatoires à prix rémunérateurs (qui existent dans la plupart des pays européens, notamment en France) ne suffisent pas, peut-être parce qu’ils sont trop voyants. L’Union européenne a tenu à les renforcer par des prix élevés, totalement déconnectés des coûts de production. Les prix élevés de l’électricité qui ruinent les ménages et les industries européennes ne sont donc pas seulement une conséquence imprévue des renouvelables, ils sont au contraire une cause voulue, un moyen conscient, de la multiplication des renouvelables. Les boucliers énergétiques dont nos gouvernants dotent à grands frais les consommateurs ne servent qu’à les protéger des flèches et des javelots que ces gouvernants eux-mêmes ont systématiquement et savamment décochés.

Le gouvernement actuel n’est pas à l’origine de cette absurdité, mais il la perpétue. Le Président déclare que « l’électricité doit être vendue aux Français à un prix qui correspond à son coût de production », mais, en même temps, il fait voter le doublement rapide des renouvelables, et ne remet pas en cause le mécanisme inflationniste du marché européen, qui a la double vertu d’être un marché et d’être européen.


[1] Cour des comptes européenne. 2023. L’intégration du marché intérieur de l’électricité. Encadré n°1, p. 33.

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14 réflexions au sujet de « Électricité : renouvelables et hausses des prix »

  1. “à poids considérable, prix élevé (Allemagne).”
    Faux: le prix de l’électricité est depuis longtemps plus élevé en Allemagne, bien avant l’essor des renouvelables. C’est grâce ou à cause de ce prix élevé que le solaire a pris de l’avance en Allemagne car les usagers y voyaient une source d’économie sur leur factures.
    “Cette méthode vise à faire en sorte que les producteurs d’énergie verte dégagent un bénéfice”
    Faux encore. La méthode de calcul a été mise en place avant l’essor des renouvelables au profit des centrales électriques fonctionnant au gaz.

    Je ne vais pas plus loin dans l’analyse, votre argumentaire spécieux ne vise qu’à convenir à la ligne éditoriale du site qui ne cherche manifestement qu’à brouiller l’information envers le public.

    • Ce sont les “Grünen” qui ont fait pression pour que l’Allemagne démantèle ses centrales nucléaires. Au seul profit des centrales à gaz ? Ce n’était pas plus sûr de les construire, et de “préparer le terrain”, avant de planter des éoliennes partout ?
      L’énergie solaire, que je connais bien, est une parfaite idiotie, les cellules solaires ne peuvent pas remplacer une centrale électrique. Elles n’ont un intérêt certain que dans des applications bien spécifiques. Quand on voit le prix d’une installation solaire, dont l’efficacité est assez douteuse, l’allègement annoncé des factures est une plaisanterie, pour ne pas dire une escroquerie.

      Cet argumentaire que vous qualifiez de spécieux expose pourtant la réalité telle qu’elle est aujourd’hui. Et qui finalement coûte cher à tout le monde.

    • “France, Allemagne et Australie rattrapés par la réalité

      Face à l’échec de leurs stratégies tournées vers l’éolien, les dirigeants de ces trois pays souhaitent revenir à plus de raison. En Australie, le dernier plan (Clean Energy Target) a été abandonné. En Allemagne, c’est la Cour fédérale des comptes qui a souligné les faiblesses et les incohérences de la stratégie suivie : la surcharge payée par les consommateurs aurait triplé depuis 2010, le prix moyen de l’électricité pour les entreprises aurait augmenté de 60%. Le gouvernement allemand aurait « une visibilité insuffisante des conséquences financières de la transition énergétique ».” – Le kwh est deux fois plus cher en Allemagne qu’en France – Nicolas Lecaussin – 2017

      • “En Australie, le dernier plan (Clean Energy Target) a été abandonné.”
        Bien tenté, mais non ! Les australiens ont dépassé l’objectif. Le plan a abouti (donc forcément il est à l’arrêt).
        “Australia set to beat 2020 clean energy target”
        Ce plan a été remplacé par un autre:
        “Under the Australian Government’s Powering Australia plan, we’re boosting renewable energy as we look to reduce Australia’s emissions to 43% below 2005 levels by 2030 and reach our net zero target by 2050”.

    • Il ne faut pas confondre prix de revient et prix d’achat pour le consommateur.

      Mon installation photovoltaïque domestique me permet de consommer de l’électricité produite à un coût élevé (sans les aides publiques) MAIS beaucoup moins chère que celle fournie par le réseau. Celle-ci, bien que son prix de revient à la production soit moindre, est grevée de “suppléments pour énergie verte”, frais de transport, accises et TVA.

      Donc, oui, comme usager je vois une économie sur mes factures, surtout depuis que mon emprunt est remboursé. Et il est vrai que plus l’électricité des fournisseurs est chère, plus il est conseillé de placer du PV. Il y a juste un tout petit problème avec les capacités du réseau basse tension qui a tendance à disjoncter les jours de grand soleil quand il y a trop de PV dans un secteur. Ce n’est pas grave : il suffit que les distributeurs investissent quelques milliards d’€ et cet inconvénient aura disparu.

    • Bien compliqué ce prix de l’électricité.
      Si j’en crois un avis publié le 13 juillet dernier par la Commission de Régulation de l’Energie, les producteurs d’électricité éolienne rembourseront 3,5 milliards d’euros à l’Etat. Certains estient même que ce montant devrait atteindre 4 milliards. Dois-je comprendre que l’électricité éolienne dégage des bénéfices substantiels ?

      • Si l’électricité éolienne ne dégageait pas de bénéfices suite à l’énorme hausse des prix depuis plus d’un an, ce serait à désespérer. De toutes façons, avec des prix d’achat surfaits imposés à EDF, ce n’était déjà pas trop difficile avant.

        En Belgique, les propriétaires d’éoliennes sont subventionnés en fonction des MWh produits. On parle quand même d’une somme de l’ordre de 1.5 milliards d’€/an.

    • “le prix de l’électricité est depuis longtemps plus élevé en Allemagne, bien avant l’essor des renouvelables”.
      Ce fait contredit-il le fait qu’au présent, à poids considérable des renouvelables, prix élevé (Allemagne) ?
      Non. Donc Vrai.

      “La méthode de calcul a été mise en place avant l’essor des renouvelables au profit des centrales électriques fonctionnant au gaz”.
      Ce fait contredit-il le fait qu’actuellement les producteurs d’énergie verte dégagent un bénéfice issu de prix totalement déconnectés des coûts de production ?
      Non. Donc vrai.

      Enfin, depuis combien de décennies l’Europe clame que la part des renouvelables doit augmenter, coûte que coûte, qu’il en va de la sauvegarde de la supposée fragile planète terre ?

      Les lecteurs jugeront lequel des deux argumentaires est le plus spécieux. 😉

    • C’est bel et bien le renouvelable qui a favorisé l’envolée du prix du kWh TTC. Dès 1990, les principaux producteurs sont contraints par la loi de répercuter les coûts d’achat réglementé des ENR sur le prix de détail facturé aux consommateurs. A partir de 2000, outre la priorité donnée aux ENR, de nouvelles lois font flamber le prix kWh, cette fois-ci à travers des taxes uniformes, sans cesse croissantes depuis. Enfin, le développement des ENR à conduit à une hausse faramineuse des coût de raccordement et de transport supportés par la collectivité. Au total, la folie des ENR a conduit à une multiplication par plus de 3 du prix de l’électricité en Allemagne, sans autre raison que l’idéologie verdâtre. Désormais, les Allemands tentent de reporter ce coût vers l’ensemble de l’Europe, histoire de refiler une partie de la facture à leurs aimables voisins.

      • Et encore faudrait-il intégrer au coût des énergies renouvelables (non pilotables rappelons-le) les coûts de construction, d’entretien, d’amortissement et de fonctionnement des centrales au gaz auxquelles elles sont obligatoirement adossées pour les suppléer dès que le vent tombe ou que vient la nuit (ou des nuages).
        Quand les EnR produisent au maximum, ces centrales thermiques sont arrêtées, mais amortissements et salaires des techniciens continuent à courir…

  2. “Le gouvernement actuel n’est pas à l’origine de cette absurdité, mais il la perpétue.”

    Quand bien même il n’en serait pas à l’origine, le gouvernement actuel en est quand même pleinement responsable. Lorsqu’on prend le pouvoir, on en assume tous ses aspects, y compris les conséquences bonnes ou mauvaises des décisions de ses prédécesseurs. Sinon, on fait un autre métier et on laisse la place à ceux qui savent assumer. Avis aux politiciens professionnels en mal de reconversion : il y a pénurie de soudeurs spécialisés dans le nucléaire.

  3. @E.Libres,

    D’où sortez-vous vos assertions qui sont loin de la réalité !?

    A/ “le prix de l’électricité est depuis longtemps plus élevé en Allemagne, bien avant l’essor des renouvelables.”

    Faux ! Le prix du KWh Allemand, dans les années 1970, 80 et 90, est proche de celui de la France. Leur première centrale nucléaire est construite en 1957. En 1960, leur loi dite Atomgesetz rentre en vigueur et va permettre un déploiement massif, comme en France, du nucléaire civile pour arriver à 44 réacteurs. Ce n’est que dans le courant des années 1990, et début 2000, avec le virage tout-écolo, que le prix Allemand va exploser proportionnellement au déploiement d’équipement chimique (photovoltaïque) et éolien. Ces deux techniques intermittentes et non pilotables ayant des rendements si minables qu’en face le coût d’exploitation explose. A partir de ce moment, l’Allemagne décroche est arrivera rapidement à un prix de vente qui sera plus du double de la France…

    B/ “La méthode de calcul a été mise en place avant l’essor des renouvelables au profit des centrales électriques fonctionnant au gaz.”

    Complétement faux !! La loi NOME rentre en vigueur en 1999, elle vise à l’ouverture à la concurrence au niveau de l’UE, et n’est qu’un outil Allemand pour détruire EDF, comme l’a rappelé M. Proglio lors de son audition au Sénat cette année… Puis, c’est en 2009 que la tristement célèbre loi ARENH rentre en vigueur. Elle indexe le tarif de l’énergie pour l’UE, avec un calcul à la con indexé sur le gaz, et qui vise donc à favoriser les EnR… Car, dès lors, de façon tout à fait artificielle les prix de l’électricité explosent rendant ainsi la production EnR qui est élevé plus acceptable….
    Que je sache, en 2009 l’essor des renouvelables (qui ne sont absolument pas renouvelables !) avait déjà commencé…

    Soit E.Libres vous êtes très mal renseigné, soit vous mentez à des fins de propagandes….

    Bien à vous,

    • Point A: Pourriez-vous m’indiquer vos sources ?

      Point B: En quoi un prix de l’électricité indexé sur le prix du gaz favorise-t-il les EnR ? Les EnR profitent d’un prix de marché de l’électricité élevé, point. Les EnR en profitent autant que le nucléaire ou les centrales à fuel. Si le prix du gaz baisse, le prix pour les EnR baisse aussi.

      En outre, je me suis renseigné, pour vous être agréable, ce qui me permet de renforcer ma critique envers l’auteur.

      Rémy Prud’homme écrit que “la Cour des comptes européenne mange le morceau et avoue clairement :”Cette méthode vise à faire en sorte que les producteurs d’énergie verte dégagent un bénéfice, et donc un retour sur investissement, ainsi qu’à accroître l’approvisionnement en énergie produite à partir de sources renouvelables.” ”

      Tout est présenté comme si cette phrase faisait partie d’une réflexion circonstanciée et spécifique aux EnR. En réalité, la phrase est située en commentaire d’un graphique annexe à un rapport audit de l’ACER réalisé pour la Cour, l’ACER étant en quelque sorte l’équivalent européen de notre CRE française.
      Donc la cour des comptes ne mange pas le morceau et n’avoue rien. Il est probable que personne à la cour des comptes n’a vu ce graphique, ni validé la phrase.
      En outre, la phrase en question est contredite par le graphique qu’elle commente. On voit sur ce graphique que le prix élevé du gaz profite tour à tour aux centrales à charbon, hydraulique, nucléaire et EnR (qui est la source la moins chère!).Tout le monde y gagne. La phrase est une tromperie et M. Prud’homme utilise son intelligence pour tromper le public. C’est grave.

      Le graphique est en page 34 de ce pdf
      https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/SR23_03/SR_Energy_Union_FR.pdf

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