A propos du dossier sur le climat publié dans le « Spectacle du monde »

Par Benoît Rittaud

Le Spectacle du monde fourni en supplément du numéro 4309 de Valeurs Actuelles (27 juin au 3 juillet 2019) est consacré à la critique de l’alarmisme climatique. Il rassemble dans un dossier de 32 pages intitulé « Changement climatique, mythe et réalités » des articles de John Christy, Vincent Courtillot, Susan Crockford, François Gervais, Richard Lindzen, et Benoît Rittaud (le dossier est accessible en cliquant sur ce lien ou sur celui-ci pour le télécharger en format .pdf).

Ce supplément a donné lieu à de nombreuses critiques dont une lettre ouverte du député Matthieu Orphelin publié dans l’Obs. Il est notamment reproché aux climato-réalistes leur collaboration avec « Valeurs actuelles » dont la ligne éditoriale est supposée être conservatrice pour certains, franchement réactionnaire pour d’autres. Aucune critique de ce type n’a pourtant été adressée à Benjamin Griveaux (ancien porte-parole du Gouvernement) pour l’interview qu’il a récemment accordée à ce magazine, ni à Ségolène Royal auteure en février 2019 d’un article spécialement écrit pour Le Spectacle du monde intitulé « Population et climat, le grand risque ».

Nous donnons dans cet article un bref curriculum vitae des personnalités qui ont collaboré à ce supplément (avec un lien vers les institutions fournissant de plus amples détails sur leur carrière). Nous reproduisons d’autre part la réponse de Valeurs actuelles à ses détracteurs publiée le 11 juillet 2019 sous la plume de Mickaël Fonton.

Les auteurs du dossier

Les références académiques et professionnelles des scientifiques qui ont participé à la rédaction de ce dossier attestent de leur légitimité à s’exprimer sur le climat. Deux d’entre eux (John Christy et Richard Lindzen) sont des climatologues au sens où ils ont consacré la totalité de leur carrière à l’étude du climat. Les autres ont publié sur des questions plus spécifiques : activité solaire (V. Courtillot), spectroscopie infrarouge (François Gervais), ours polaires (Susan Crockford), questions épistémologiques (Benoît Rittaud).

John R. Christy est professeur distingué en sciences de l’atmosphère et climatologue à l’Université de l’Alabama et directeur du Earth System Science Center. Il publie publie depuis 1989 la mesure satellitaire de la température de la basse stratosphère (dite UAH) ce qui lui a valu la prestigieuse médaille de la NASA pour réalisation scientifique exceptionnelle.

Vincent Courtillot est membre de l’Académie des sciences, professeur de géophysique à l’université de Paris-Diderot et ancien directeur de l’Institut de physique du globe de Paris. Il a publié de très nombreux articles dans les revues scientifiques internationales.

Susan Crockford est biologiste de l’évolution. elle travaille depuis 35 ans dans les domaines de l’archéo zoologie, de la paléo zoologie et de la zoologie médico-légale. Elle est professeure auxiliaire à l’Université de Victoria, en Colombie-Britannique.

François Gervais est physicien, Professeur émérite de l’Université de Tours, où il enseignait la physique et la science des matériaux. Il est l’auteur de 280 publications dont 237 dans des revues internationales à comité de lecture. Il a été « expert reviewer » du 5ème rapport du GIEC publié en 2013.

Richard Lindzen est physicien, membre de l’Académie américaine des sciences. Professeur en sciences de l’atmosphère au MIT, il a été l’un des principaux auteurs du chapitre 7 du troisième rapport d’évaluation du GIEC (AR3).

Benoît Rittaud est enseignant-chercheur en mathématiques, maître de conférences à l’université Paris 13, au sein du laboratoire d’analyse, géométrie et applications (Institut Galilée). Il est le président de l’association des climato-réalistes.

La réponse de « Valeurs actuelles »

Sous la plume de Mickaël Fonton Valeurs actuelles a répondu dans un article du 11 juillet avec des arguments très convaincants que nous reproduisons ci-dessous.

« Vos auteurs ne sont pas climatologues »

Redisons-le, répétons-le : l’argument n’a pas de sens. La question du climat mondial (observations, mesures, mécanismes d’évolution, modèles de simulation etc.) recouvre de nombreux domaines scientifiques. La science climatique requiert la physique, la chimie, les mathématiques, l’informatique, la biologie et quantité de sous-branches distinctes. Science relativement jeune, la “climatologie” ne compte en réalité que peu de personnes ayant directement commencé leurs études par ces questions-là. Ainsi Jean Jouzel, grande figure médiatique et voix officielle du GIEC en France, fut d’abord physicien, géophysicien, géochimiste, glaciologue – et c’est par les analyses des carottes glaciaires qu’il est venu au climat. La chose est tout à fait normale et n’a rien d’étonnant. Ce n’est pas tant le parcours, le cursus, le pedigree qui comptent, que la pertinence du propos. En rappelant qu’un chercheur peut s’être trompé sur un sujet et avoir raison sur un autre dix ans plus tard. Tel est le fonctionnement normal de la science. Par ailleurs, pour ce qui concerne le présent dossier de Spectacle du Monde, il se trouve que deux des cinq intervenants, Richard Lindzen et John Christy, sont bel et bien climatologues, ayant consacré l’essentiel de leur carrière à cette question du climat.

« Vos auteurs sont climato sceptiques »

Accusation récurrente, supposée valoir disqualification définitive. Encore une fois peu nous importe la case dans laquelle certains se plaisent à placer ceux dont les discours les dérangent. Quantité de scientifiques ne croient pas : au caractère décisif de l’influence humaine sur le climat ; à la validité des modèles de simulation numérique de la planète ; à l’imminence d’une quelconque catastrophe climatique, écologique, humaine ; aux mesures préconisées pour y remédier. Sur l’ensemble de ces points le dialogue peut et doit être permis. Plutôt que de prétendre qu’un adversaire a été disqualifié du fait même de son « scepticisme », analysons son propos. Et analysons-le vraiment. L’assertion « ses études ont été réfutées », masquant simplement le fait que lesdites études ne cadrent pas avec la doxa dominante, n’est pas recevable. Evidemment, réfuter une assertion scientifique n’est pas à la portée de la première Greta Thunberg venue et c’est courir le risque de se rendre compte que tout est terriblement plus complexe que ce qu’un certain discours veut bien nous laisser croire.

« Vous dites n’importe quoi ! »

Accusation dont on appréciera la précision factuelle et l’implacable rigueur scientifique. De manière générale, l’absence d’arguments dans les courriers reçus et les réactions observées sur les réseaux sociaux ne manque pas d’étonner. Richard Lindzen se trompe-t-il quand il souligne que le catastrophisme est plus médiatique que scientifique ? John Christy a-t-il tort de croire que les modèles surestiment l’influence du dioxyde de carbone ? Vincent Courtillot maîtrise-t-il mal le processus d’analyse spectrale singulière mis en œuvre dans ses dernières recherches ? François Gervais est-il ignorant de la physique du dioxyde de carbone ? Susan Crockford compte-t-elle des ours blancs qui n’existent pas ? Oui, non, peut-être ? Tout se discute. Valeurs actuelles ne prétend certainement pas à l’exhaustivité et ne possède pas la vérité révélée. Nous avons choisi de donner à voir une complexité qui nous semble singulièrement malmenée par le discours médiatique. Force est de constater que les détracteurs de ce modeste travail ne nous ont rien opposé de scientifiquement consistant. Cela viendra peut-être mais il faudra pour cela éviter de mettre en balance les analyses de Richard Lindzen ou de François Gervais avec des tweets de Brune Poirson ou des déclarations de Greta Thunberg, car c’est tout simplement grotesque.

« Tous les scientifiques sont d’accord »

« Tous les scientifiques » n’est guère précis et il semble difficile de savoir sur quoi, exactement, ils seraient d’accord. Passons. Il importe surtout de rappeler que la validité d’une science ne se juge pas à l’applaudimètre, surtout quand il y a, dans la salle, quantité de militants, d’experts, de conseillers, de politiques – comme c’est le cas dans les grands-messes des COP ou dans le processus de rédaction ou de médiatisation des rapports du GIEC. Une science se juge à sa capacité à décrire correctement le réel, c’est-à-dire à décrire et à anticiper le comportement de l’objet qui est le sien. A l’aune de cette définition, il faut reconnaître que le climat mondial, objet éminemment complexe, peut-être l’un des plus complexes qu’il nous ait été donné d’étudier, est une notion que nous comprenons encore relativement mal. La science climatique actuelle peine à prévoir ce que l’on observe ou ce qui a été observé, et prédit des choses que l’on n’observe pas toujours. Cela n’a rien de grave ni d’étonnant eu égard, redisons-le, à la complexité du sujet. En tout état de cause, cette science est encore trop fragile pour que repose sur elle une politique de réforme sociétale, surtout si elle doit être aussi drastique, radicale et contraignante que le souhaitent ses zélés promoteurs. Enfin il est bon de rappeler, sur cette question du « consensus scientifique » que l’histoire des sciences est riche de vérités qui ne furent pas admises ou d’erreurs qui furent longtemps plébiscitées. Ceci devrait inciter à la prudence, et non à la hargne, ceux qui se réclament (si bruyamment !) de la science.

« Vos auteurs (ou vous-mêmes) êtes payés par Total ! »

Si seulement ! Cette manne pétrolifère viendrait alors pallier l’absence de financement public car, rappelons-le, Valeurs actuelles, contrairement à l’immense majorité de ses confrères, redresseurs de torts et donneurs de leçons, ne bénéficie d’aucune aide de l’Etat. Mais trêve de plaisanterie : l’accusation de partialité sur fond de financement occulte, typique de la pensée gauchiste, empoisonne le débat depuis trop longtemps et révèle à quel point il a cessé d’être scientifique et même intellectuel. On ne peut plus soutenir que deux et deux font quatre sans que nos adversaires (on pourrait même écrire « nos ennemis » tant leur virulence laisse pantois) voient derrière cette affirmation la main d’un lobby (ici celui des mathématiques ?). Nous ne sommes pas financés par Total (qui préfère s’humilier dans le dossier des JO de Paris) et quand bien même nous le serions, ou quand bien même cette entreprise qui, rappelons-le, emploie des centaines d’ingénieurs, de techniciens, de scientifiques, financerait fort logiquement des laboratoires de recherche, cela ne doit pas empêcher que le propos d’un journaliste ou d’un chercheur soit reçu et analysé en tant que tel. A la limite peu nous importe « d’où parle » telle personne, qui le paye, ce que fait sa femme ou ce qu’a fait son grand-père sous l’Occupation. L’obsession de la transparence, quête absurde d’une pureté intellectuelle fantasmée, trahit un profond scepticisme quant à la capacité qu’a l’homme à penser librement.

« Vous ne voyez donc pas à quel point le monde va mal ? »

Nous nous efforçons au contraire de voir le monde tel qu’il est et, s’il n’est pas dépourvu de crises et de drames, il ne nous semble pas que le climat constitue le principal problème dont l’humanité ait à s’occuper, en supposant même qu’elle le puisse, et que cette volonté « d’agir sur le climat pour sauver la planète » (et pourquoi pas l’univers ?) ne traduise pas une hubris bien plus inquiétante que les dommages causés par l’homme à son environnement. De manière générale les discussions sur l’environnement souffrent d’une grave confusion des sujets, confusion probablement voulue et souhaitée par les partisans du catastrophisme. Pour eux tout est lié, tout se tient, tout va mal et tout aggrave tout. Ce gloubi-boulga qui mêle déforestation, inondations, migrations, sécheresses, ouragans, chute de neige, ou absence de neige, chaleur, froid, pollution au plastique etc., complique énormément l’examen rationnel de chaque sujet. Le sens ne naît pas mécaniquement de l’accumulation de faits et la causalité ne jaillit pas miraculeusement de l’énonciation. Des sujets peuvent être connexes (par exemple la voiture, le nucléaire et les ressources fossiles) ils n’en restent pas moins distincts. Le discours globalisant ne mène à rien : c’est une posture d’idéologue qui fait feu de tout bois pour emporter le morceau et contraindre à un changement de société. Encore une fois – en Occident du moins – le « problème » est moins dans l’air et dans l’eau que dans les consciences.

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