Coronavirus : « Mobilisons nos forces vives pour que la population puisse disposer de masques »

Par Christian Gerondeau, ancien directeur national de la sécurité civile

Cette tribune a initialement été publiée par Le Parisien

Face à la pandémie, le monde est désormais divisé en deux. Pour l’essentiel du globe, il s’agit d’une tragédie, avec son cortège de morts et une paralysie de l’économie sans précédent en temps de paix. Mais, pour quatre pays asiatiques, la Corée, le Japon, Taïwan, et la Chine elle-même, la vie suit aujourd’hui son cours presque normalement. Ces quatre pays ont connu des expériences différentes, mais ils présentent un point commun : la grande majorité ou la totalité de la population y porte un masque dans les espaces publics.

En Corée, après un bref épisode imputable aux réunions tenues sans précaution par une secte religieuse, le nombre quotidien de nouveaux cas tend vers zéro. Mais, dans le métro, 95 % des usagers portent un masque, et de nombreux magasins de Séoul refusent l’entrée aux clients qui en sont dépourvus.

Au Japon, le gouvernement s’est assuré de pouvoir disposer d’au moins 600 millions de masques pour le seul mois de mars.

A Taïwan, les militaires ont été mis à contribution dans les usines pour accroître la production de masques et la porter à 10 millions par jour.

En Chine, dès la prise de conscience tardive de la réalité de l’épidémie, il a été décidé de changer l’ordre de grandeur de la production de masques.

La capacité est passée de 10 millions d’unités par jour, début février, à 150 millions à la fin du mois, pour excéder sans doute 200 millions aujourd’hui !

A Singapour,  les  mesures prises aux frontières et à l’intérieur du territoire ont évité jusqu’à présent la diffusion du virus, mais le gouvernement a fait distribuer par précaution des masques à toute la population.

Face à  une  telle convergence, une question vient immédiatement à l’esprit : pourquoi le reste du monde n’en fait-il pas autant ? Pourquoi l’OMS ne recommande-t-elle pas de généraliser le port du masque dans de telles circonstances ?

Deux réponses peuvent être avancées. La première tient à ce que les capacités nécessaires de production n’existent pas aujourd’hui, ce qui explique que les autorités nationales répètent partout qu’il faut réserver les masques au personnel sanitaire. La seconde est plus profonde : A-t-on jamais vu ces grandes structures internationales innover ?

Quant à nous, l’exemple de la Chine doit nous donner à réfléchir. Si le virus a disparu comme par miracle en deux ou trois semaines de son territoire, n’y aurait-il pas un lien avec le fait que la totalité de la population porte désormais un masque dans les espaces publics ?

S’agissant de la France, on ne peut que souhaiter que le virus disparaisse spontanément du territoire national lorsque le confinement décrété à juste titre par notre gouvernement prendra fin. Mais qui oserait le garantir ?

Ne faut-il pas craindre au contraire que l’épidémie s’éternise, avec le risque de rebonds dont il est dit qu’ils pourraient être plus dangereux ? Appliquons le principe de précaution, d’autant plus que le coût de la mesure est dérisoire en regard de l’enjeu. Le coût de revient d’un masque est sans doute de l’ordre de 5 centimes, soit moins d’un million d’euros par jour pour les 15 ou 20 millions de masques quotidiens nécessaires.

Mobilisons nos forces vives comme l’ont fait les Chinois pour que la totalité de la population puisse dans quelques semaines disposer chaque jour de cet équipement de santé publique.

Mettons à contribution nos grands acteurs économiques des secteurs de l’automobile, de l’aéronautique, du textile, de la mode, et d’autres encore, comme en a montré l’exemple le groupe LVMH. (NDLR : propriétaire du « Parisien – « Aujourd’hui en France ») en produisant du gel sanitaire dans ses ateliers de parfumerie.

N’hésitons pas également, si c’est possible, à importer massivement des masques, puisque la Chine est désormais en surcapacité et a recommencé à en exporter.

Innovons pour montrer la voie au reste du monde. Ne pas le faire serait prendre une lourde responsabilité.

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