COP 28 : journal de bord d’un écolo-réaliste

par GDR

Jour 1 : dans l’avion

J’ai manqué le premier jour de la COP 28, en mauvais élève de la cause climatique que je suis. J’ai, en effet, passé la journée du 30 novembre dans l’avion, entre Paris et Dubaï, méditant, au-dessus des nuages et aux frontières de la tropopause, sur le rôle du soleil dans nos destinées climatiques. C’est sciemment que j’ai esquivé l’inauguration en session plénière de ce grand raout réunissant, pour plus de 12 jours, les puissants gendarmes environnementaux de notre planète et leurs cohortes de dévoués soldats (tout un bataillon d’ONG, de militants, de bureaucrates et d’experts ou conseillers en tous genres). Je voulais ainsi échapper aux discours convenus, dont la répétition à l’identique à chaque COP et à chaque conférence sur le climat, a de quoi vous lasser, vous ennuyer, voire vous irriter.

Année après année, la même logorrhée, les mêmes mots, la même obsession d’une apocalypse imminente, les mêmes accusations portées contre le CO2, la même requête unanime (« faire payer les riches ») : tout cela a de quoi vous décourager du genre humain devenu une sorte d’Homo Terminus déprimé, n’ayant plus d’horizon que la terreur d’une fin brutale annoncée.

Pendant le trajet en avion, j’ai engagé la conversation avec mes deux voisins de voyage, curieux de connaître leur(s) motivation(s) pour venir à la COP (je supposais qu’ils venaient pour l’événement puisqu’ils arboraient le badge onusien des 17 Objectifs du Développement Durable).

L’un était un jeune banquier brésilien, au costume bien mis et à la cravate aux couleurs de son pays, à la recherche d’opportunités dans la finance verte. Il m’avoua assez rapidement qu’il était également venu pour « faire comme tout le monde », « verdir un peu l’image de son entreprise » en communiquant sur sa participation à l’événement. Je vous passe toute la discussion (allant du financement des énergies renouvelables au contenu du plateau repas en seconde classe) et vous donne la conclusion qu’il me fit en substance : « il faut bien s’y intéresser à ces choses-là, puisque ce sera bientôt obligatoire chez nous, comme en Europe, à travers les principes de l’ESG ». « On n’a pas le choix, alors il faut s’y mettre ». L’obligation comme pousse-à-la-vertu : voilà une forme d’éthique de la contrainte et de la fatalité qui semble faire peu de cas de la liberté.

L’autre compagnon de voyage était un vieux militant français des causes écologiques d’une soixantaine d’années, alternant, dans ses propos, entre espoirs, colère et dépit. Espoirs de voir enfin le monde entier s’attaquer aux racines du mal (le CO2, ou plus précisément, la part de l’homme dans le CO2). Colère face au manque de moyens financiers. Dépit de voir les entreprises s’engager dans de vastes campagnes de greenwashing et exercer une influence délétère sur les pays développés qui passent leur temps à avancer pour mieux reculer. Quant à l’idée de prendre l’avion depuis Paris pour se rendre à plus de 5000 kilomètres de là, il admit que cela le gênait un peu et le faisait hésiter chaque année depuis près de 10 ans à venir à la COP. Il finissait tout de même par se résigner à y participer, et ce, chaque année depuis une décennie ! Mais m’assura-t-il, sa conscience était « presque tranquille » (il esquissa alors un sourire un peu feint), puisqu’il venait de s’acheter des indulgences sous la forme de crédits carbones personnels. Il avait récemment découvert un site qui proposait aux individus d’acheter des crédits carbones pour compenser leurs émissions et permettre ainsi à tout un chacun d’atteindre les paradis verdoyants de l’évangile selon le GIEC (là c’est moi qui traduis un peu le fond de sa pensée avec mes propres mots). Assez lucide, il doutait tout de même un peu de l’efficacité de cette compensation carbone, mais il ne voyait pas d’autres moyens, pour le moment, de faire amende honorable. Pour passer à un autre sujet, il ajouta, promptement, qu’il était important pour les « vrais militants » de venir à la COP, sinon les bureaucrates de tous les pays finiraient par imposer leurs solutions complexes à l’excès et « nous rouleraient dans la farine » (avec ou sans OGM, il ne l’a pas précisé) !

Et pour finir (nous entamions à ce moment-là la descente vers Dubaï), je lui demandai ce qu’il pensait des affirmations de Jean-Marc Jancovici sur la nécessité de devoir limiter, au cours d’une vie, les vols en avion au nombre de quatre. Il me répondit, sans hésiter : « On n’a pas le choix, si on veut survivre ». Je le laissai à ses contradictions sans ajouter un mot. Je repensai alors à ce curieux refrain sur l’absence de choix qui revient si souvent dans les paroles de nos évangélistes du réchauffement climatique anthropique. Faudra-t-il sacrifier nos libertés (tout ou partie d’entre elles ?) au nom de l’impératif catégorique écologique ? Prétendre qu’il n’y a pas de choix, n’est-ce pas une manière de renoncer au débat, à la discussion et au doute ? Je laisse ces questions en suspens et les réserve pour mes éventuels compagnons du retour !

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