Trois phares du tournant écologiste de la France

Par Rémy Prud’homme

Le président Macron annonce, à grand son de trompe, un « tournant » dans « l’écologie à la française ». Les trois mesures phares de cette annonce sont : la fermeture des centrales à charbon, les RER dans les grandes villes de France, la géothermie à l’Elysée. Elles sont « bidon » toutes les trois.

La fermeture des centrales électrique au charbon est recuite, dérisoire, et trompeuse. Recuite, en ce sens que cette mesure a déjà été annoncée dix fois. Elle figurait dans le programme du candidat Macron en 2017 ; elle a été inscrite dans la Programmation Pluriannuelle de l’Energie de 2018 ; elle est confirmée dans la loi énergie-climat de 2019 ; et partiellement mise en œuvre en 2020. En fait de changement copernicien, on est plutôt dans la promesse répétitive.

Cette mesure n’est en fait qu’une mesurette. En 2022, les gaz à effet de serre émis par les centrales au charbon représentent 0,7% des émissions émises par la France. Les éliminer est peut-être un pas dans la bonne direction, mais un pas minuscule. Les émissions économisées représentent 0,007% des émissions du globe, et 0,00005% du stock de CO2 du globe censé déterminer la température de la terre – autant dire qu’elles ne représentent rien du tout. Une autre de façon de le dire est de comparer les deux centrales dont on annonce la fermeture avec les 400 centrales dont la seule Chine planifie l’ouverture : +400-2=+398. D’autant plus que nos centrales sont des centrales d’appoint, fonctionnant 1000 heures par an, alors que les centrales chinoises sont généralement des centrales de base, fonctionnant 6000 heures par an.

Les centrales thermiques (au charbon et au gaz), que l’on peut mettre en marche à n’importe quel moment, sont un complément indispensable au solaire et à l’éolien. Ces renouvelables chéris fournissent une électricité intermittente et aléatoire, Gaz charbon fournissent donc un nécessaire filet de protection contre des pannes dévastatrices. Le déclin et la disparition planifiée du charbon cache en fait le développement du gaz. En 2022, la production d’électricité au gaz, qui augmente régulièrement, a été 15 fois plus importante que la production d’électricité au charbon ; et elle a rejeté 6 fois plus de CO2. Vilipender le (vilain) charbon est une façon de camoufler l’encouragement du (moitié moins vilain) gaz.

Le deuxième phare consiste à construire des RER (réseaux Express Régionaux) dans 17 métropoles, avec une généreuse dotation de l’Etat de 0,7 milliards d’euros . Combien de km de RER dans chacune de ces métropoles ? Le planificateur écologiste ne s’embarrasse pas de détails aussi terre-à-terre. Supposons 10 km par métropole, ce qui ne fait guère qu’une seule ligne, et ne desservira pas grand monde. Mais fait 170 km de RER à construire. Le coût du réseau de transport du Grand Paris en cours de construction, qui compte 200 km de RER, dans un milieu moyennement dense qui correspond à peu près à la densité de nos métropoles, est estimé à 45 milliards d’euros, soit 220 millions d’euros par km de RER. Le coût effectif sera sûrement plus élevé. Retenons cependant ce coût unitaire.

L’investissement dans les RER de nos 17 métropoles s’élèvera donc à 27 milliards. Ce montant ne concerne que l’infrastructure, pas les véhicules, et encore moins les coûts de fonctionnement. La dotation de 0,7 milliard présentée comme une contribution majeure de l’Etat français au sauvetage de la planète représente donc 2,6% du coût de l’opération. Pour les 26,3 milliards restants, les villes et les régions n’auront qu’à se débrouiller. L’Etat décide, les autres payent.

Le troisième phare de l’écologie à la française est la géothermie. Pour convaincre, le président a cité le cas de l’installation de la géothermie à l’Elysée. Elle permet, dit-il, des économies considérables. Mais il oublie de préciser que cette installation a coûté 4 millions d’euros, dont 0,7 millions pour le forage. Pour une maison individuelle – assez spacieuse, il est vrai – c’est beaucoup. La rentabilité de l’opération mise en avant par le président est suspecte. Pour que cela soit vrai, il faudrait (avec une installation qui dure 20 ans) que la facture d’eau chaude de l’Elysée s’élève à plus 200 millions d’euros par an – ce qui est difficile à croire.

Equiper de cette façon 1000 maisons semblables représenterait un investissement de 4 milliards. Et il y a 20 millions de logements individuels en France. La plupart sont évidemment bien plus petits et pourraient être dotés d’équipements géothermiques à un coût beaucoup moindre. Disons à un coût cent fois moindre, soit 40 000 euros : les doter toutes reviendraient à 800 milliards. Quelle que soit la manière dont la facture serait partagée entre les ménages et l’Etat, c’est trop pour l’un et pour l’autre. L’exemple de l’Elysée n’est peut-être pas aussi adroit qu’il en a l’air : il est en fait de nature à décourager les citoyens de recourir en masse à la géothermie.

Ces trois « mesures » – si l’on ose ce mot pour des déclarations qui n’essayent même pas de mesurer les coûts – ne sont pas les seules. Mais si les autres n’éclairent pas mieux que ces « phares » la route des transitions, la France va rater le tournant, et finir dans le fossé.

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