Retour sur le rapport de l’ONU sur les catastrophes naturelles

Dans un récent communiqué l’association des climato-réalistes soulignait le caractère trompeur d’un rapport de l’ONU selon lequel le changement climatique serait la cause d’un doublement des catastrophes naturelles au cours des vingt dernières années. Le professeur Rémy Prud’homme revient dans un article sur le principal biais des mesures : l’évolution du nombre de pays déclarants parallèle au nombre de sinistres enregistrés avant l’an 2000.

Une désastreuse analyse des désastres naturels

Rémy Prud’homme professeur des universités (émérite)

Il y a quelques mois, The Lancet, la « revue médicale de référence » (sic), publiait un article sur les méfaits de l’hydroxychloroquine, repris par l’ensemble des médias, et des politiciens. L’article était totalement bidon. Il fut assez rapidement reconnu comme tel, et finalement « rétracté » par la revue elle-même. The Lancet fait des émules. Le 12 Octobre, l’UNDRR, l’organisation des Nations-Unies en charge de prévenir les désastres naturels publie un petit opuscule intitulé : Le Coût des désastres. Dans la préface le patron de l’UNDRR présente ces désastres comme : (i) en augmentation très rapide, et (ii) causés par le changement climatique. Tous les médias, en particulier en France, reprennent en chœur ce message. Citons, par exemple, Le Figaro : « le changement climatique est le principal responsable du doublement des catastrophes naturelles ». Ces deux affirmations sont bidons comme l’article du Lancet. Il est facile de le montrer – en s’appuyant notamment sur le texte même de l’opuscule, qui fournit, sans le vouloir, des données à cet effet.

En ce qui concerne l’évolution des désastres naturels, l’opuscule présente, pour deux périodes de 20 ans consécutives, deux types de chiffres : le nombre de « désastres », et le nombre des morts qu’ils ont causés, comme le montre le tableau 1 ci-dessous :

Tableau 1 – Evolution de la gravité des désastres naturels, 1980-2019. Source : UNDRR. 2020. Human Cost of Disasters – An Overview of the last 20 years. Notes : La population moyenne de chaque période est celle de l’année médiane de la période.

Le tour de passe-passe de l’étude onusienne consiste à ne considérer que la première ligne du tableau. Elle montre en effet que le nombre de désastres a augmenté de 74% (« doublé ») entre les deux périodes. Cette façon de faire implique une triple erreur, pour ne pas dire une triple faute.

Elle s’appuie sur le concept de nombre de désastres, qui est très peu significatif. Tous les désastres ne se valent pas. Considérer le tremblement de terre de Haiti (220 000 morts) et un glissement de terrain (100 morts) et parler de « deux désastres » n’a pratiquement aucun sens.

La méthodologie utilisée suppose que le recensement annuel des désastres a été aussi bon dans la première période que dans la deuxième. On a des raisons d’en douter. Collationner des informations sur tous les désastres qui interviennent dans tous les pays du monde est une opération difficile et coûteuse. Pour les tremblements de terre, on a un indicateur de gravité : l’échelle de Richter ; mais il pose un problème : à partir de quelle magnitude (4, 5, 6 ?) un tremblement de terre devient-il un « désastre » ? Pour d’autres types de désastres, dispose-t-on d’indicateurs comparables ?  Comment être informé des « petits » désastres » (si l’on ose s’exprimer ainsi) qui surviennent dans les forêts du Congo ou dans le désert de Gobi ? Avec le temps, et l’argent, les trous de la raquette se raréfient, le système d’information s’améliore, et le nombre de désastres enregistrés augmente, même si le nombre de désastres effectifs reste constant. Le biais le plus grossier concerne le nombre des pays  déclarants : en moyenne 90 durant la première période et 120 durant la seconde. 

Les chiffres du rapport de l’UNDRR lui-même confirment doublement ce biais. D’une part, durant la deuxième période (par rapport à la première période), le nombre de morts par désastre a diminué  de plus de 40%, ce qui est difficile à expliquer autrement que par une meilleure collecte de l’information sur le nombre des désastres. D’autre part le rapport (Figure 5) donne le nombre des désastres pour chacune des vingt dernières années : loin d’augmenter dramatiquement, ce nombre a stagné, et il a même eu tendance à diminuer. Pour faire dire à l’étude citée qu’elle montre « deux fois plus de catastrophes naturelles en 20 ans » (Le Nouvel Observateur) il faut n’avoir même pas avoir ouvert ladite étude et regardé cette Figure 5.  

Le nombre des morts est un meilleur (ou un moins mauvais) indicateur que le nombre des désastres : plus additif, et plus facile à connaître. Comme le montre la deuxième ligne du tableau ci-dessus, le nombre des tués par des désastres naturels est resté pratiquement le même pour les deux périodes (+3%). Le bon sens le plus élémentaire impose de rapporter cette évolution à l’évolution de la population (+31%). Pour un désastre donné, plus de personnes égale plus de morts. On voit alors que la gravité des désastres naturels, mesurée en morts par habitant, n’a pas doublé, mais au contraire diminué de 20% de la première à la deuxième période. Il est difficile d’imaginer que les experts bien payés des Nations-Unis ne comprennent pas cela. C’est donc consciemment qu’ils transforment ce -20% en un +100% (le doublement). Le lecteur mettra le mot qui convient sur cette opération.

En ce qui concerne la prétendue cause de la prétendue augmentation massive des désastres naturels (« Principal responsable : le changement climatique » titre Le Monde), on se contera de citer deux textes.

Le premier vient de l’opuscule onusien lui-même (Figure 10) : les tremblements de terre et les tsunamis ont été responsables de 58% du total des tués par les désastres naturels. Déjà, en 2015, le Président Hollande, en voyage aux Philippines, s’était signalé en expliquant que les tsunamis qui avaient dévasté ce pays étaient la « preuve » du réchauffement climatique. Il l’avait même fait dire par deux actrices, plus connues par leurs charmes que par leurs publications scientifiques. Tous les géologues du monde, qui savent évidemment que les tremblements de terre viennent de la terre et non pas du ciel, avaient bien rigolé. Pour 58% des tués, le changement climatique ne peut donc pas du tout être un facteur explicatif, encore moins le « principal responsable ».

Peut-il être un facteur explicatif pour les 42% des tués restant ? Même pas. Le GIEC – qui n’est pas précisément un repaire de climato-sceptiques – a publié en 2012 un rapport sur les événements climatiques extrêmes. Il reconnaît explicitement (pp. 119-120) avoir, pour les évolutions passées, une « confiance faible » dans l’hypothèse d’une aggravation : des vents, des moussons, des cyclones tropicaux, des inondations, des glissements de terrain, des sécheresses (plus intenses dans certaines régions, moins intense dans d’autres), et des fortes pluies (un peu plus d’augmentations que de diminutions).

Cette affaire est comparable à l’affaire de l’article du Lancet, mais en pire. La prestigieuse revue britannique s’est plantée, mais elle l’a reconnu, et a retiré son article. Les Nations-Unies ne reconnaitront pas le caractère bidon de leurs affirmations sur les désastres naturels. Les journaux qui les ont reproduites encore moins. Le haut-fonctionnaire onusien mange le morceau dans sa préface: « ce travail donne du poids à la justification de l’action sur le climat ». Peu lui importe qu’il soit bidon. Comme disait à peu près Orwell dans 1984, mentir pour la bonne cause, c’est dire la vérité.


 titre d’exemple des biais qui peuvent entacher ce genre de données, le graphique suivant illustre le parallélisme entre le nombre de pays déclarants et le nombre de sinistres.

Il existe une sorte de « saut » vers l’année 2000, que l’on retrouve à peu près dans toutes les données. C’est d’ailleurs probablement la raison pour laquelle le rapport lui-même se réfère essentiellement et judicieusement à la période 2000-2019. On voit que toute comparaison brutale avec des périodes antérieures n’a aucun sens. Or à la lecture du rapport lui-même, on constate que le nombre de sinistres et celui des victimes sont généralement sur une tendance baissière pendant cette période de vingt ans. Mais cette vérité n’est pas politiquement correcte.

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