Note sur les réservoirs d’eau dans les deux Sèvres

Christian BUSON – ISTES – Mars 2023

L’actualité nous rapporte des évènements extrêmement tendus dans les deux Sèvres, autour du projet de réservoirs, dénommés « méga-bassines ».

Rappel sur le cycle local de l’eau et sur l’irrigation :

En période pluvieuse, la pluviométrie dépasse l’évapotranspiration. Les sols se réhumectent jusqu’à un taux d’humidité appelé la capacité au champ. Au-delà de cette humidité, le sol ne peut plus retenir d’eau supplémentaire et l’excédent d’eau provenant des pluies, percole en profondeur, rejoignant ainsi les eaux souterraines et les eaux superficielles.

Ces eaux excédentaires reçues par les sols l’hiver, qu’on appelle eaux de drainage, rejoignent le milieu aquatique et la mer, plus ou moins rapidement. C’est le cycle normal et naturel de l’eau. Chaque année, ces eaux appelées « eaux de drainage » des sols, représentent environ 300 mm, soit 3 000 m3 /ha (3 millions de litres par ha).

A l’échelle du département des Deux Sèvres, soit près de 6 000 km2 (= 600 000 ha), 3000 m3 pour chaque hectare, aboutissent bon an mal an, à une masse d’eau excédentaire drainée chaque année de 1 800 000 000 m3. Ces 1 800 millions de m3 d’eau par an, alimentent les nappes souterraines, les cours d’eau et l’océan. Prélever une faible partie de l’eau présente en excédent l’hiver, pour la réutiliser en période sèche pour l’irrigation des cultures est donc une démarche pertinente.

L’irrigation permet aux plantes une croissance correcte et une production végétale soutenue. L’optimisation de la production végétale est souhaitable : obtenir durablement de meilleurs rendements et assurer une production importante sur des surfaces cultivées, forcément limitées. De plus, du fait de l’irrigation et de la croissance végétale effective, les fertilisants nécessaires aux cultures, sont prélevés par les racines des plantes, ce qui laisse dans le sol moins de sels minéraux, susceptibles d’être entrainés lors des percolations suivantes. Les risques de pollution des eaux superficielles ou souterraines, sont ainsi réduits sous les sols bénéficiant de l’irrigation.  L’eau d’irrigation n’est pas « perdue ». Lorsque la plante dispose d’eau, elle évapotranspire cette eau et rejette donc de la vapeur d’eau dans l’atmosphère, participant ainsi au cycle de l’eau, et ce, sans aucune perte.

Le recours à l’irrigation nécessite de disposer d’eau en période de déficit hydrique. Généralement c’est en prélevant dans les nappes souterraines que l’approvisionnement en eau est assuré. Si trop de pompages sont effectués simultanément en été, les nappes baissent de niveau, voire se tarissent, ce qui a amené les autorités à limiter les volumes d’irrigation. Prélever de l’eau en période pluvieuse, soit par pompage dans les nappes, soit dans les eaux de surface, pour permettre l‘irrigation des cultures, constitue une orientation intéressante et c’est pour cette raison que des agriculteurs se sont regroupés et ont imaginé ces réservoirs d’eau. De tous temps, les agriculteurs ont cherché à disposer de réservoirs pour irriguer en période sèche.

Le projet des réservoirs de Sainte Soline consiste à prélever en période d’excédent hydrique, l’eau de la nappe souterraine, pour la stocker. Les volumes ainsi stockés sont ensuite utilisés en irrigation sur différentes cultures, en période sèche.

Cette action n’a pas d’impact particulier, ni pour les riverains, ni pour le voisinage, ni pour les autres prélèvements d’eau. Le stockage en réservoirs ne provoque aucun préjudice à quiconque. Il est neutre vis à vis de l’environnement.

Une étude d’impact du projet de Sainte Soline, a été menée pour recenser tous les impacts et les compenser ; de plus une étude approfondie a été confiée au BRGM, service public qui fait autorité en matière d’hydrogéologie. Cette étude a confirmé que le projet répondait aux objectifs de ses promoteurs, sans perturber négativement le cycle de l’eau. En période sèche, l’utilisation de l’eau des réservoirs permet de maintenir les réserves d’eau souterraines et les débits d’étiage des cours d’eau, à un niveau supérieur à la situation qui prévalait avant leur mise en place. L’impact des réservoirs est donc positif sur l’hydrologie et l’hydrogéologie locale.

Réponses à quelques questions et objections

Les observations et mesures sur une année, qui relèvent de la météorologie, ne préfigurent en rien l’évolution du climat, qui doit s’apprécier sur plusieurs dizaines d’années, quelles que soient les affirmations répétées, assénées par la plupart des médias.

Aucun modèle ne permet, à ce jour, de simuler avec exactitude et précision les évolutions et les tendances du climat à venir, les niveaux des nappes souterraines et les débits des cours d’eau.

Assurer une production agricole soutenue est souhaitable pour permettre l’alimentation satisfaisante d’une population mondiale en croissance, ainsi qu’un revenu correct aux agriculteurs et à tous les acteurs des chaines agro-alimentaires. Le fonctionnement de l’agriculture et des transformations alimentaires, de la fourche à la fourchette, peut tout à fait s’accomplir sans aucun préjudice, ni pour l’environnement, ni pour la santé des consommateurs, ni sur le cycle de l’eau.

Sur un plan d’eau, l’évaporation est compensée par les pluies recueillies tout au long des saisons ; sur une année, en France métropolitaine, il y a plus de précipitation que d’évapotranspiration : le bilan de l’eau est excédentaire. Ces excédents rejoignent plus ou moins rapidement le milieu marin. Invisibles, ils sont rarement pris en compte dans les raisonnements.

Les réserves effectuées pour l’irrigation estivale n’ont aucune répercussion sur les réseaux d’approvisionnement en eau pour la consommation humaine.

Les économies d’eau qui sont préconisées à tous à l’avenir, ne doivent pas imposer de restrictions aux agriculteurs qui prévoient d’irriguer avec de telles ressources en eau, qui sont sans effet sur le cycle local de l’eau. L’eau d’irrigation rejoint l’atmosphère et participe au cycle de l’eau, sans aucune perte, ni impact défavorable pour l’environnement, la biodiversité ou les zones humides.

Les cultures irriguées produisent des végétaux de bonne qualité, et sans aucun risque pour la santé des consommateurs. Pour rappel, les rendements de céréales étaient limités à moins de 10 quintaux par ha en moyenne jusqu’en 1940, en France ; ils sont aujourd’hui proches de 80 quintaux/ha, au bénéfice des populations.

Inutile d’imaginer un « lobby agricole » derrière ces projets de réservoirs ; il s’agit d’une adaptation aux légitimes restrictions imposées aux prélèvements d’eau dans les nappes souterraines, en période estivale. Ces initiatives sont assurées par les producteurs eux-mêmes, pour améliorer leurs productions végétales, après avoir vérifié que l’impact sur l’environnement de la solution envisagée était maitrisé.

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6 réflexions au sujet de « Note sur les réservoirs d’eau dans les deux Sèvres »

  1. L’hystérie en cours dans cette affaire s’appuie sur une propagande sans fondement du GIEC selon laquelle nous irions en France et plus généralement en Europe de l’Ouest vers un état de sécheresse chronique dans les années à venir et que par conséquent tous les français devraient se “serrer la ceinture”, à commencer par les agriculteurs gros consommateurs d’eau. Mais ce présupposé est contrarié par le narratif habituel du GIEC qui prophétise (je ne vois pas d’autre mot mieux adapté) un accroissement en fréquence et en violence des événement météorologiques extrêmes, parmi lesquels des sécheresses, mais aussi des périodes humides accompagnées d’inondations.
    Si la sécheresse actuelle persiste tout autant que si une longe période très excédentaire en précipitations survient, le GIEC se targuera de les avoir prédites. Avec le GIEC à tous les coups l’on gagne…
    Pourtant la théorie veut qu’avec le réchauffement la teneur en vapeur d’eau de l’air augmente. Logiquement donc, les précipitations devraient aussi s’accroitre et nous devrions espérer une fin à la sécheresse actuelle.
    Rappelons qu’il y a une quinzaine d’années des précipitations exceptionnelles dans le Sud Est avaient gravement menacé l’intégrité du barrage de Serre-Ponçon au point que l’évacuateur de crues n’arrivait plus à “étaler” et qu’EDF avait dû en urgence rehausser le barrage avec des sacs de sable (!!!)
    …Tandis que les agriculteurs se plaignaient de voir leurs récoltes gâtées par la météo.
    Rappelons aussi que le Sahara n’était pas un désert il y environ 5 à 6000 ans: Des lacs et de rivières le traversaient, une faune et une flore nourricières ont permis à des hommes d’y prospérer et d’y pratiquer l’élevage. Et pourtant selon des études récentes, les températures globales étaient à cette époque nettement plus élevées, d’environ 2°C, tandis que le CO2 se situait aux alentours de 280 ppm.
    Mutité absolue du GIEC, cela va de soi.

  2. Attention en terme de bilan : sur un plan d’eau libre, en fonction de la situation climatique du lieu, l’évaporation directe risque de ne pas être compensée par les pluies ; c’est le cas du Sud-Est de la France, où le mistral et l’ensoleillement sont responsables d’un déficit qui peut atteindre 0,50 m. La confusion entre évapotranspiration et évaporation est hélas commune. Erreur commise par Christian Buson : “Sur un plan d’eau, l’évaporation est compensée par les pluies recueillies tout au long des saisons ; sur une année, en France métropolitaine, il y a plus de précipitation que d’évapotranspiration : le bilan de l’eau est excédentaire”. Dans les Deux-Sèvres, nous ne sommes pas en Provence…les bilans avancés sont sans doute corrects.
    Pour aller plus loin, on peut supposer que l’étude d’impact a été correctement conduite, mais affirmer que le BRGM apporte une sorte de “caution” en matière d’hydrogéologie est fallacieux. Tout bureau d’études peut se fourvoyer et fournir des résultats qui, surtout dans le cas où ils sont issus de modèles, sont erronés. Je tiens des exemples à disposition de qui souhaiterait en disposer. Cependant, il est bien clair que le cas de la bassine de Sainte-Soline est fondé sur une action écolo-politique et anarchiste et non pas sur la qualité des études.

  3. Je ne comprends pas bien dans l’exposé l’alternance : eaux de drainage et eau puisée en nappe.!?
    Avant de parler de bassines, il y a un peu plus de 20 ans, on parlait de “lacs collinaires”, et à cette époque il était en effet question de stockage d’eaux de drainage pour l’irrigation agricole en période d’étiage.
    Il me semble que le sujet actuel des bassines concerne le pompage d’eaux de nappes profondes. Si c’est bien cela, alors on change de registre, et l’impact et bien loin d’être négligeable…!?

    • L’eau excédentaire pompée en hiver dans les nappes (pas si profondes, entre 10 et 200 mètres généralement) aurait rejoint la mer bien avant la période plus sèche, en quelques semaines pour les zones les plus éloignées du rivage. Leur pompage en hiver est sans impact sur le niveau des rivières et des nappes en été car ces dernières ne sont pas des stocks d’eau mais des flux continus d’eau, dont les débits et niveaux sont plus ou moins importants selon les saisons.

      Au contraire, stocker des réserves en hiver limite les prélèvements à la saison sèche, ce qui préserve leur niveau de flux naturellement plus faible alors que la pression de la demande est logiquement la plus forte : on irrigue si et seulement si on observe un déficit d’eau utile au rendement des plantations. Non seulement les dispositifs de stockage (les soi-disant bassines) sont nécessaires mais ils devraient devenir légalement obligatoires pour irriguer partout où ils sont pertinents. On pourrait même imaginer un vaste réseau de réserves artificielles, de stations de pompage et d’aqueducs couvrant l’ensemble du territoire national pour stocker et déplacer l’eau de l’hiver vers les régions les plus sèches de France en été.

      Pour fixer les ordres de grandeurs, sur chaque hectare du sol métropolitain, chaque année en moyenne :
      – il pleut 10000 m³
      – il s’en évapore plus ou moins 5000 m³
      – le sol de surface en retient environ 2000m³ au bénéfice des plantes et des milieux dont la moitié sera évaporé avec retard (évapotranspiration notamment)
      – il s’en écoule environ 3000 m³ d’eau en excédent (rivières, nappes)
      – l’ensemble des usages des Français, y compris l’irrigation, en consomme 75 m³, soit 2.5% de l’eau excédentaire disponible, ou 0,75% de toute l’eau de pluie.

      On pourrait doubler voire tripler notre consommation que la situation globale du milieu naturel resterait parfaitement inchangée, quand bien même l’abondance des pluies diminuerait à 8000 ou 7000 m³/ha., hypothèse fort improbable. La France a la chance inestimable de disposer de toute l’eau nécessaire, contrairement à certains pays qui consomment 10 à 20% de leur eau excédentaire. Au delà, on considère que le pays en question est en difficulté. Il faut alors pomper et dessaliniser l’eau de mer, activité consommant une certaine quantité d’énergie que les centrales nucléaires fournissent avec constance.

  4. Les sacs de sable pour rehausser le barrage de Serre-Ponçon lors d’une crue ” il y a une quinzaine d’années” sont évidemment une légende (urbaine ou campagnarde). Comme peut-être l’ignore son auteur, le barrage de Serre-Ponçon est un barrage régulateur de crue. Le débit de la Durance est parfaitement contrôlé et on peut le régler pour que le niveau du lac monte ou baisse à la demande et sans sacs de sable… D’ailleurs, la surface du lac est assez grande pour que les crues n’influencent son niveau qu’à la marge.

    • Effectivement, après vérification, les “sacs de sable” c’est une légende urbaine ou plutôt montagnarde.
      Et l’évacuateur de crues actionné en 2008 ne l’avait pas été depuis 1983.
      Les crues de la Durance peuvent atteindre voire dépasser en débit le double de la crue de la Seine en 1910 (2600 mètres cubes par sec.)

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