Mon pays c’est le feu

par Robert Girouard.

Le Canada a été la proie de nombreux feux de forêt au cours des dernières semaines. Presque toutes les provinces, y compris le Québec, ont été touchées.  Fidèles à eux-mêmes, les médias  généralistes ont été prompts à associer les changements climatiques (anthropiques, sous-entendu) à ces événements naturels aussi terrifiants que spectaculaires. Voyons les faits.

Selon le ministère des Ressources naturelles du Canada, les perturbations naturelles, telles que les feux de forêt, les infestations d’insectes, les sécheresses et les inondations, font partie du cycle naturel des forêts depuis des milliers d’années et contribuent le plus souvent à leur régénération. Ils libèrent de précieux éléments nutritifs contenus dans la litière et créent des ouvertures permettant à la lumière d’atteindre le sol, ce qui stimule la croissance de nouveaux arbres. Le feu est d’ailleurs indispensable à la reproduction de certaines essences, comme le pin gris, dont les cônes recouverts de cire ne s’ouvrent qu’à la faveur de très hautes températures. 

La forêt boréale est particulièrement vulnérable aux incendies parce que composée principalement de résineux, lesquels ont un indice d’inflammabilité très élevé comparativement aux feuillus. Le printemps est aussi une saison particulièrement propice aux feux de forêt car, une fois la neige fondue, le combustible accumulé au sol s’assèche rapidement. Ajoutons aussi que c’est à ce moment que reprennent les activités humaines responsables de 50 % à 75 % des incendies de végétation. 

Les feux de forêt font partie de l’histoire naturelle du territoire québécois autant que la neige, la glace et les longs hivers. Depuis que l’Inlandsis laurentidien a fondu, il y a dix mille ans, le Québec a probablement brûlé une centaine de fois.

L’historien Stephen J. Pine, dans « Mon pays, c’est le feu – Le Québec, le Canada, les forêts et le feu » publié par la Revue internationale d’études québécoises, relate que dès le lendemain de la création de la Confédération canadienne, en 1867, le Québec connut une importante vague d’incendies de forêt, notamment en Gaspésie et sur la Basse-Côte-Nord. Puis, un « Grand Feu », sans doute allumé par les brûlis des colons, saccagea la région du Lac-Saint-Jean, et près d’un quart de la population résidante eut besoin d’une aide gouvernementale immédiate. En mars 1869, le gouvernement chargea une commission spéciale d’enquêter, et c’est dans la foulée de celle-ci que virent le jour les premières législations et mesures pour protéger les forêts. Puis en 1901, ce fut au tour de l’Abitibi-Témiscamingue, région récemment ouverte à la colonisation, d’être ravagée par les flammes. L’année 1923 fut l’une des plus dévastatrices avec plus de trois millions d’hectares incendiés. Une fois passées les grandes sécheresses du début des années 1930, le nombre et l’étendue des feux commencèrent cependant à diminuer, sauf certaines années exceptionnelles. 

Un document de la firme d’experts Ouranos nous apprend d’ailleurs que sur la base d’études dendrochronologiques, que :

le cycle de feux s’est allongé au Québec depuis le milieu du XIXe siècle, période correspondant à la fin du Petit Âge glaciaire. Dans la forêt boréale de l’Abitibi et du centre du Québec, le cycle de feux est passé de 70 à 80 ans avant 1850, de 90 à 150 ans entre 1850 et 1920, et de 190 à 330 ans entre 1920 et 1999. Cette diminution de l’activité des feux est attribuée principalement à une réduction des périodes de sécheresse et possiblement à l’emploi de meilleures méthodes et à des investissements plus importants dans le contrôle des feux.

Par contre, un incendie éclatant dans une forêt qui n’a pas brûlé depuis 100 ans sera généralement plus violent que des feux qui surviendraient tous les 20 ou 30 ans, et ce, en raison de la densification du couvert végétal et de l’accumulation de combustible. 

Cela dit, 2023 est bien partie être une année tout à fait exceptionnelle au Québec, surtout par rapport aux dix dernières années, lesquelles ont été plutôt banales sur le front des feux de forêt… en dépit du fait qu’elles ont été « les années les plus chaudes jamais enregistrées ». 

En date du 5 juin, la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) dénombre en effet un total de 417 feux depuis le début de l’année, à comparer à une moyenne de 199 foyers d’incendie pour les dix dernières années, et, d’autre part, un total de 160 342 hectares affectés, comparativement à seulement 247 hectares en moyenne pour les dix dernières années. 

L’année 2022 a été particulièrement calme, avec seulement 26 incendies pour une superficie insignifiante de 34 hectares. Pourtant, nous étions en pleine « crise climatique » selon l’ONU. Comme quoi il ne faut jamais jouer avec le feu quand on fait des déclarations incendiaires. 

Référence :
Stephen J. PYNE, « Mon pays, c’est le feu. Le Québec, le Canada, les forêts et le feu », Globe. Revue internationale d’études québécoises, vol. 9, n°1, 2006. (lien)

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8 réflexions au sujet de « Mon pays c’est le feu »

  1. De toutes les façons, de l’ongle incarné au feu de forêt, en passant par l’inénarrable canicule estivale, tout est dû au “réchauffement climatique anthropique”… !! Quand ce mythe tombera, après la guerre froide, le risque nucléaire, le trou de la couche d’ozone, la pollution qui devait tous nous tuer, et le Sras Cov II, je me demande bien qui sera le nouveau coupable ?

  2. C’est un très bon article sur le caractère historique de ces feux, mais il y a un aspect moins connu qui a pu jouer un rôle non dans le déclenchement mais dans l’alimentation de ces feux.

    A partir de 2005, le gouvernement quebécois a mis en place une politique de conservation du caribou des forêts qui était menacé et soyons honnête le problème était réel.
    Le gouvernement québécois a donc mis sous cloche au fur et à mesure des milliers et des milliers d’hectares avec interdiction de toute coupe de bois et interdiction d’entretien des forêts et des chemins. Il fallait revenir à une nature sauvage pour que le caribou “naturellement” retrouve sa place.
    Les mesures se sont intensifiés d’abord en 2013 puis en 2020 et 2021 car les caribous peinaient à reconstituer leurs effectifs et il fallait être plus radical https://mffp.gouv.qc.ca/documents/faune/especes/Plan-retablissement2013-2023.pdf. Reconnaissons que les spécialistes qui ont écrit ce rapport écrivent également des choses pertinentes et sont conscient du cycle des feux au Canada.
    l est cependant probable que la question de l’habitat n’était pas la seule en cause, mais que les problèmes de prédation ont été sous estimés sérieusement (loups et ours) là bas comme chez nous (voir la récente pseudo étude pondue par 2 écolo des “Soulèvements de la terre” sur la diminution ou disparition de certaines espèces d’oiseaux en France qui ignore purement et simplement la question de la prédation !)

    La mise en jachère complète de vastes étendues québecoises a eu des conséquences dramatiques sur la filière sylvicole qui a vu sa production chuter, mais surtout a du licencier https://www.iedm.org/sites/default/files/pub_files/note0615_fr.pdf
    Globalement, il y a eu peu d’opposition sauf des populations locales impactées économiquement, car là bas comme ici, le brainwashing écolo fonctionne à fond dans les médias.
    Pour conclure, cela fait près de 20 ans maintenant que l’on rend de vastes zones du Québec à la sauvagerie, or moins une forêt est entretenue, plus elle est susceptible de brûler dans certaines circonstances comme un sécheresse réelle et prolongée.

    On ne peut s’empêcher de penser aux feux de 2019-2020 en Australie dont l’importance et l’intensité a une cause majeure : l’interdiction des feux préventifs traditionnels mis en place par les écologistes australiens dans certaines zones brûlées depuis plus de 10 ans, quand la catastrophe a commencé.
    Je ne connais pas le Canada, mais pour avoir échangé professionnellement lors de rencontres avec des éleveurs Australiens 2 ans avant les feux catastrophiques, je peux vous assurer qu’ils étaient désespérés par les mesures d’interdiction écologistes des feux préventifs, coupes et nettoyage des friches dans leur pays et convaincus qu’un méga feu se déclencherait en Australie à à court terme et que ce serait réellement dramatique.
    Reconnaissons cependant que ce méga feu suivi de 3 ans de niña avec des pluies abondantes a rendu le sourire aux éleveurs et agriculteurs australiens qui ont cumulé les records historiques de production, mais les belles histoires, aucun média ne les raconte.

    • Merci HBSC Xris pour ce post pertinent et bien documenté.

      Je connaissais déjà les causes des méga feux d’Australie. Je constate que ceux du Canada ont également une cause anthropique mais pas celle qui est dénoncée en boucle.

    • Il faut relativiser: C’est à l’échelle américaine.
      Les incendies dans le Sud de la France sont proportionnellement tout aussi dévastateurs.
      Et surtout ils le sont actuellement beaucoup moins qu’il y a un siècle, à une époque où les moyens de lutte contre les incendies étaient ridicules.
      Autrefois en Provence les incendies une fois allumés ne s’arrêtaient qu’avec la pluie, ou quand ils atteignaient la côte, ou encore quand cessait le mistral qui pouvait souffler violemment 15 jours d’affilée: Pas de canadairs, de véhicules motorisés, de camions citernes équipés de pompes puissantes servis par des armées de pompiers, de chemins d’accès entretenus, de points d’eau remplis en hiver, pas de stratégies de lutte innovantes, pas de produits retardants, etc… Seulement le sauve-qui-peut…
      Il faut cesser de se lamenter ! Les incendies font partie de la vie des forêts.

  3. Que ce soit en Californie ou dans le Sud de la France, 86% des incendies de forêt ont une origine humaine accidentelle ou criminelle. Ce qui veut dire que les 14 % sont d’origine naturelle, foudre, fermentation de débris végétaux, que sais-je encore…
    Supprimons toute présence humaine en Californie et les forêts de Californie se reconstitueront quoi qu’il arrive, réchauffement climatique ou pas. Ceux qui disent que les canicules augmentent les risques d’incendie ne savent pas de quoi ils parlent. Un godet rempli d’essence ne s’enflammera pas spontanément, qu’il fasse 3°C ou 45°C à l’ombre.
    Par contre tout le monde aura remarqué que les départs de feu criminels sont infiniment plus fréquents en période estivale caniculaire et encore plus fréquents quand le vent souffle, de préférence au crépuscule sachant que les Canadairs n’interviendront pas avant l’aube suivante.

  4. Pourquoi se limiter au seul Québec alors que l’article commence par le Canada ?
    Actuellement c’est plus de 4.5 millions d’hectares de forêts qui sont partis en fumée. Toujours hors de contrôle. Ça en fait des trouées pour que la lumière atteigne le sol…

  5. N’ayez crainte, nos édiles énarques trouveront bien dans leur sagesse légendaire une autre raison pour qu’on ait peur et de jeter le discrédit sur l’Homme !!! le vilain producteur de CO2

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