L’utopie verte est dans le rouge

Samuel Furfari

En une semaine, une succession d’événements a révélé la dure réalité de la science et de l’économie, et donc les échecs des politiques vertes. C’est encourageant. Mais il reste encore beaucoup de politiciens qui devraient avoir le courage de s’exprimer comme l’a fait Tony Blair.

Les récentes déclarations de Tony Blair, qualifiant les politiques climatiques « irrationnelles » et vouées à l’échec, marquent un tournant significatif dans le débat énergétique. L’ancien Premier ministre britannique a mis en lumière une dure réalité : exiger des populations qu’elles consentent à des sacrifices financiers et à des changements de leur mode de vie, alors que l’impact global de ces exigences est négligeable, ne se limite pas à une inefficacité, mais revêt également un caractère profondément injuste à l’égard de la population, déjà éprouvée par la hausse des coûts de l’énergie et la stagnation économique.

Blair explique que même une décarbonation totale de l’économie britannique ne réduirait les émissions mondiales que de 2 %. En Belgique, ce ne serait que 0,3 %… Ces chiffres démontrent l’inefficacité des approches isolées dans un contexte global dominé par les émissions asiatiques.

Il serait souhaitable que Raoul Hedebouw et Paul Magnette expriment eux aussi un avis similaire, plutôt que de soutenir les individus bénéficiant de subventions issues de fonds publics.

D’autres dénoncent aussi cette dérive ; le groupe pétrolier BP est un excellent exemple. Les actionnaires ont pris une décision radicale en demandant à la directrice de la stratégie durable, Giulia Chierchia, de quitter le groupe. Son poste a été carrément supprimé. BP, qui avait pourtant adopté le slogan utopique Beyond Petroleum, tout en gardant son sigle, reconnaît que le développement durable est un principe creux qui ne fait que pénaliser l’économie. La Commission européenne ferait bien d’en faire de même. Elle pourrait même supprimer toute la direction générale « climat ».

L’Espagne vient de nous montrer, sans équivoque, les dangers du rêve de la transition énergétique.

On attendait le blackout, il a eu lieu…

L’Espagne antinucléaire, séduite par les promesses des énergies renouvelables, a massivement investi dans le solaire et l’éolien. Ces sources d’énergie, par leur intermittence, ont fragilisé le réseau électrique national, et au-delà, puisque le Portugal et la France ont été touchés. La stabilité d’un réseau est assurée par l’inertie des grandes masses tournantes que sont les turbines et alternateurs des centrales thermiques et nucléaires. Les énergies renouvelables intermittentes et variables ne peuvent garantir cette inertie si essentielle aux systèmes électriques.

À faible pénétration dans le mix énergétique, les énergies renouvelables ne posent aucun problème au réseau, car elles bénéficient de la présence de l’inertie des équipements classiques, majoritaires dans la production. Cependant, lorsque leur part dépasse les 30 à 40 %, les risques d’instabilité deviennent très importants. Lors du blackout du 28 avril, elle représentait 75 % ! Ces choix énergétiques ont entraîné une augmentation significative des prix de l’électricité, car il fallait évacuer à prix négatif la forte production solaire qui ne trouvait pas acheteur.

Ce modèle, vanté comme un exemple à suivre (les autorités s’étaient vantées le 22 avril de produire 100 % d’électricité renouvelable), se révèle être un échec technique et économique retentissant. Il restera l’exemple que tous les étudiants ingénieurs devront étudier.

L’Energiewende triche

Contrairement aux pays asiatiques qui vont se garder de copier l’Espagne, l’Allemagne antinucléaire ne tirera aucune leçon du blackout espagnol, car le nouveau gouvernement, bien que dirigé par un chancelier issu d’un parti prétendument de droite, entend poursuivre la politique écologiste de l’Energiewende. Cependant, le gouvernement, malgré ses ambitions, est confronté à la dure réalité de devoir reconnaître, sans toutefois en faire étalage, qu’il ne peut réduire ses émissions de CO₂. Le nouvel accord gouvernemental, tout en maintenant l’objectif irréalisable de neutralité carbone en 2045, prévoit désormais de compenser les émissions par l’achat de crédits carbone à l’étranger, là où il est plus facile et moins coûteux de réduire les émissions.

La Belgique tourne la page

Face à ces échecs, la Belgique se distingue agréablement par une décision historique : l’abrogation de la loi de 2003, imposée par Olivier Deleuze et Guy Verhofstadt, qui condamnait l’énergie nucléaire. Le 15 mai, le gouvernement belge Arizona mettra fin à cette interdiction, lançant la renaissance du nucléaire dans le pays. Ce choix constitue un signal fort et salutaire : il démontre qu’il est possible de concilier sécurité énergétique et compétitivité économique. Contrairement à l’Allemagne et à l’Espagne, la Belgique, libérée de la gauche, a compris que le nucléaire est une solution indispensable pour garantir une énergie stable et décarbonée. Rappelez-vous que Paul Magnette, en novembre 2021, avait déclaré dans les colonnes de L’Echo : « Le débat est clos, on va fermer les sept réacteurs. » Il était en syntonie avec son acolyte socialiste Pedro Sanchez. S’il était resté au pouvoir, nous risquions nous aussi le blackout.

L’accord avec l’Ukraine : une leçon pour l’UE

Dans ce contexte, l’annonce d’un accord entre les États-Unis et l’Ukraine sur les ressources naturelles couronne une semaine de décisions stratégiques qui mettent en lumière les failles de la politique européenne. Cet accord, signé au centième jour de l’administration Trump, ne porte pas sur les terres rares – peu présentes en Ukraine – mais sur un large éventail de ressources naturelles, notamment le gaz naturel, le manganèse, le titane et le graphite. Il garantit à l’Ukraine des investissements cruciaux pour son développement, tout en permettant aux États-Unis de sécuriser des approvisionnements en dehors de la sphère d’influence chinoise. L’UE, pourtant en négociation avec l’Ukraine depuis des années, n’a pas pensé à proposer un tel accord, car elle n’avait pas en tête la croissance économique, mais la décarbonation. Elle se retrouve humiliée par cet accord. Alors qu’elle s’obstine à promouvoir des éoliennes et des panneaux solaires en Ukraine – et comble de la sottise, y compris l’hydrogène, – elle va désormais acheter des matériaux critiques produits en Ukraine par des entreprises américaines. Il ne fait aucun doute que les lois scientifiques intransigeantes et l’implacable réalité économique mettront fin à vingt-cinq ans d’investissements perdus. Il faudrait que bien plus de politiciens à l’instar de Don Quichotte combattent les éoliennes et autres utopies vertes.

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6 réflexions au sujet de « L’utopie verte est dans le rouge »

  1. Les intermittents sont valables pour les sites isolés, quoique !
    En Antarctique la station de recherche Belge Princesse Élisabeth est bien équipée d’éoliennes et de panneaux solaires mais en plein été australe les occupants doivent faire attention à la consommation électrique, la production peut-être suppléée ou appuyé par un groupe électrogène car même en ayant mis les meilleurs ingénieurs et les meilleurs matériels, les intermittents avec batteries restent incertains. En hiver la station est mise en sommeil, il n’y a personne.
    En résumé c’est de l’idéologie hélico-étoilée !

  2. «  » » » » » » »l’impact global de ces exigences est négligeable, » » » » » » »???????
    En contradiction avec la fin de la phrase , mais je ne rentre pas dans les détails

  3. Dans l’article précédent sur la « Désinformation climatique », j’ai relevé cette bizzarerie dans les notes de bas de page:
    « (4) Par exemple, un million de litres d’eau (soit 1000 mètres cubes) sont nécessaires pour extraire une tonne de lithium. L’équivalent de la consommation en eau de 500 personnes pendant un an est ainsi nécessaire pour une batterie de voiture. »
    Si la batterie d’un véhicule contient environ 30 kg de lithium, il faudra donc environ 30 mètres cubes pour extraire ces 30 kg, soit moins de 20% de la consommation d’eau annuelle d’un foyer modeste, entre 150 et 200 mètres cubes et non 500 x 150 = 75000 mètres cubes.
    Me trompé-je ?

    • Je pense que vous calculez juste mais que l’affirmation comme quoi il faudrait 1 tonne d’eau par kilogrammes de lithium me semble bien difficile à confirmer.
      Il s’agit encore de ces évaluations à la louche à partir de considérations fantaisistes et invérifiables, un peu comme le volume d’eau nécessaire par kilogrammes de viande de boeuf ou par scaroles non bio produites sous serre.

      • @Murps
        J’avais lu dans le Nouvel Obs il y a quelques années l’affirmation d’une écolo patentée qui prétendait qu’il fallait 17 mètres cubes d’eau (!) pour fabriquer un hamburger !!!
        En commentaire, j’avais fait le simple calcul du coût de cette quantité d’eau dans le prix de revient d’un seul hamburger pour tuer dans l’oeuf cette fake news, mais ça n’a pas troublé la rédaction de ce journal: Aucun démenti n’a été publié.
        Plus c’est gros, mieux ça passe !

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