L’étude selon laquelle 97 % des scientifiques adhèrent à la thèse du « réchauffement climatique d’origine anthropique » est biaisée.

par Laurent

Nous avons déjà publié sur ce site deux articles relatifs au « consensus » climatique, avec 97% des scientifiques supposés soutenir la thèse du réchauffement climatique dus aux seuls forçages anthropique (voir ici et ). Laurent, l’un de nos lecteurs revient sur cette question dans un texte très bien argumenté que nous reproduisons ci-dessous.


Quel que soit le degré d’intérêt que nous portons à la question du climat, nous avons tous été plus ou moins impressionnés par l’affirmation selon laquelle 97% des scientifiques seraient convaincus que le réchauffement climatique observé depuis le début de l’ère industrielle serait dû aux activités humaines. Si l’on n’est pas soi-même un scientifique, on se dit forcément que devant un consensus aussi écrasant le doute n’est plus permis. Argument imparable pour faire taire les sceptiques, les marginaliser, les ridiculiser, voire les criminaliser (on y vient).

L’affirmation de ce consensus repose sur diverses études bibliographiques publiées depuis 2004. Celle considérée comme la plus exhaustive fut effectuée en 2012 par une équipe australienne (Cook et al.) et publiée le 15/05/2013 dans le journal Environmental Research Letters. Une analyse critique de cette étude, publiée le 30 novembre 2017 par l’Association des Climato-réalistes, dévoile pourquoi le chiffre de 97% qui en ressort est fallacieux, sans pour autant être faux. J’en reprends ici les points essentiels, tout en la complétant.

Pourquoi ce chiffre de 97% est fallacieux, sans pour autant être faux.

L’objectif de l’étude de Cook était de mesurer, au sein de la communauté scientifique, le degré d’adhésion à la thèse du réchauffement climatique d’origine anthropique (RCA) défendue par le GIEC. Il ne s’agissait pas de savoir si les scientifiques pensent que les activités humaines ont un impact plus ou moins important sur le climat, mais plus précisément de déterminer quelle proportion d’entre eux adhère explicitement ou implicitement à l’affirmation selon laquelle les émissions de gaz à effet de serre et autres activités humaines seraient responsables de plus de la moitié du réchauffement actuel (plus précisément, celui mesuré de 1951 à 2010 selon la formulation adoptée officiellement par le GIEC dans son rapport de 2013, l’AR5). Dans la première phase de son étude, l’équipe de Cook a analysé les résumés introductifs (abstracts en anglais) de 11 944 articles scientifiques, rédigés par environ 29 000 chercheurs, publiés entre 1991 et 2011 dans des revues à comité de lecture, et contenant les mots-clés « global climate change » ou « global warming ». Cet examen a donné lieu à une première évaluation du « niveau de consensus ». Ayant classé les 11 944 abstracts en 7 catégories, les auteurs ont obtenu les résultats suivants :

1. abstracts qui soutiennent explicitement la thèse du RCA et le chiffrent à plus de 50% : 64 soit 0,5%
2. abstracts qui soutiennent explicitement la thèse du RCA mais sans le chiffrer ni le minimiser : 922 soit 7,7%
3. abstracts qui soutiennent implicitement la thèse du RCA sans le minimiser : 2910 soit 24,4%
4. abstracts qui n’expriment aucune position : 7970 soit 66,7%
5. abstracts qui minimisent ou rejettent le RCA implicitement : 54 soit 0,5%
6. abstracts qui minimisent ou rejettent le RCA explicitement mais sans donner de chiffres : 15 soit 0,1%
7. abstracts qui minimisent ou rejettent le RCA explicitement en le chiffrant à moins de 50% : 9 soit 0,1%

11 944 résumés introductifs (abstracts) contenant les mots-clés « global climate change » ou « global warming »

Si l’on exclut les « sans opinion » (catégorie 4) et qu’on compare la somme des 3 premières catégories à celle des 3 dernières, on obtient 98% d’abstracts « pour le RCA » et 2% « contre ». Il est probable qu’on obtiendrait sensiblement la même proportion sur les auteurs, en les séparant en deux sous-ensembles, ceux ayant cosigné au moins un article des catégories 1-2-3 d’une part, ceux ayant cosigné au moins un article des catégories 5-6-7 d’autre part (à supposer que l’intersection de ces deux sous-ensembles soit vide). La formulation correcte et précise du résultat de l’étude de Cook et al. devrait donc être la suivante : « 97% des scientifiques qui ont pris position dans les abstracts de leurs articles sur l’origine du réchauffement global actuel ne nient pas que les activités humaines aient pu avoir une influence majeure ».

« 97% des scientifiques affirment que les activités humaines sont responsables du réchauffement actuel » : une assertion triplement fausse.

En revanche, il est triplement faux de prétendre que « 97% des scientifiques affirment que les activités humaines sont responsables du réchauffement actuel », comme le répètent à l’envi journalistes, politiciens, blogueurs et vidéastes soutenant la thèse officielle. Primo, parce que la grande majorité des résumés d’articles examinés (les deux tiers de ceux parus entre 1991 et 2011) n’exprime pas de position sur cette question. Secundo, parce que sur le tiers restant qui adopte une position, seule une infime proportion (64 sur 3 974 soit 1,6%) affirme explicitement que les causes humaines sont prépondérantes (c’est-à-dire responsables de plus de 50%) dans le réchauffement actuel. Tertio, parce que parmi ces 64 abstracts, il y en a certainement très peu (peut-être même aucun) qui auraient affirmé que les activités humaines étaient la seule et unique cause de ce réchauffement, comme le laisse entendre l’énoncé usuel propagé par les médias.

Se limiter aux seuls mots-clés « global climate change » et « global warming » est une méthode contestable

Par ailleurs, la méthode de l’étude est contestable. Ne portant que sur les abstracts, elle a résolument privilégié l’exhaustivité à la profondeur d’analyse. Il eut été plus pertinent de prendre au hasard un échantillon d’articles, de les lire en entier et d’interroger leurs auteurs. De plus, en limitant ses recherches bibliographiques aux seuls mots-clés « global climate change » et « global warming », Cook a exclu délibérément de son champ d’investigation un certain nombre d’articles pouvant avoir un lien direct avec le sujet, écrits non par des climatologues mais par des géophysiciens ou des astrophysiciens qui étudient les facteurs naturels influant sur le climat; notamment les « solaristes », les océanographes et les spécialistes de la microphysique des nuages. Ces physiciens, qui n’introduisent pas nécessairement le mot-clé global warming dans leurs abstracts, sont pourtant parmi les plus compétents pour critiquer ou dénoncer l’affirmation du GIEC soulignée ci-dessus. A l’inverse, l’étude de Cook ratisse une énorme quantité d’articles signés par des non-physiciens (biologistes, écologues, géographes, agronomes, économistes, sociologues) qui s’intéressent non pas aux causes du réchauffement mais à ses effets; ces auteurs introduisent assez naturellement dans leurs abstracts le mot-clé global warming, mais ils n’ont aucune raison d’y émettre un doute sur une affirmation qui est hors de leur champ de compétence. Les scientifiques travaillant sur les conséquences du réchauffement ou sur les moyens d’adaptation sont, dans leur immense majorité, des non-physiciens qui n’ont aucun argument à opposer aux conclusions du groupe 1 du GIEC et se rangent donc nécessairement dans les catégories 2, 3 et 4. Enfin, s’agissant des catégories 5-6-7, elles sont sûrement sous-représentées du fait de l’autocensure des auteurs ou des corrections qui leur sont imposées, la crainte de voir leur article refusé ou discrédité pouvant les dissuader d’entrer dès l’abstract en opposition avec le GIEC. L’étude de Cook est donc sujette à plusieurs biais d’échantillonnage qui, si l’on oppose les catégories 1-2-3 aux catégories 5-6-7, surreprésentent inévitablement le premier groupe et sous-représentent le second. Il est donc certain que la proportion de 97% ainsi calculée est biaisée par excès, sans qu’il soit possible de dire de combien, tant que l’étude ne sera pas refaite plus soigneusement.

Le réchauffement climatique est multi factoriel.

Mais le point essentiel n’est pas là. Tout physicien qui travaille sur le réchauffement climatique en cours ou s’y intéresse en profondeur sait que celui-ci résulte de plusieurs facteurs, anthropiques ou naturels (GES, aérosols, nuages…), dont la hiérarchisation demeure très difficile. De fait, les affirmations explicites ou les consentements implicites sur la question du RCA qui peuvent apparaître ou transparaître dans un abstract ne traduisent pas le résultat d’un travail de recherche inédit, mais l’expression de (ou l’adhésion à) une opinion. Si l’équipe de Cook avait décortiqué ne serait-ce qu’une centaine d’articles signés par des physiciens et pris la peine d’interroger leurs auteurs, de préférence de façon anonyme, sans doute aurait- elle trouvé un taux d’adhésion nettement moindre, et saisi cette différence fondamentale qu’il convient de faire dans les sciences dures entre une intime conviction, exprimée ou sous-entendue dans un résumé, et une certitude scientifique, établie par des mesures concordantes et indépendantes, et admise in fine par toute la communauté compétente. Devant les résultats finalement peu surprenants de l’étude de Cook, au lieu de les déformer et d’énoncer des contre-vérités, les propagateurs de ce prétendu consensus feraient mieux de se demander comment il peut se faire que le GIEC, après avoir expertisé en principe la même littérature que Cook, en vienne à énoncer  dans l’AR5, avec un taux de confiance de 95%, que les émissions de gaz à effet de serre et autres activités humaines sont responsables de plus de la moitié du réchauffement mesuré entre 1951 et 2010. Puisque si peu d’articles l’affirment explicitement (64 en 21 années de publications soit en moyenne 3 par an !), comment le GIEC a-t-il pu atteindre un tel niveau de certitude ?

On pourrait aussi se demander ce que donnerait une étude qui viserait, a contrario, à estimer la proportion de géophysiciens qui acceptent une part plus ou moins grande de variabilité naturelle dans la hausse des températures enregistrée de 1910 à 1940, ainsi que dans celle enregistrée dans le dernier quart du 20e siècle. On peut sans doute affirmer, sans grand risque, que cette proportion serait prépondérante, et que l’avis des géophysiciens sur l’origine essentiellement naturelle de la première hausse (1910-1940) serait même quasi unanime. Sachant que les amplitudes des deux hausses sont comparables (0,5 à 0,6°C) et qu’il est par ailleurs impossible de mesurer directement l’impact des émissions de GES et autres activités humaines sur le climat, il est clair que la certitude affichée par les climatologues quant au rôle prépondérant de ces dernières dans le réchauffement des 50 dernières années repose exclusivement sur la foi qu’ils accordent aux simulations numériques… dont ils reconnaissent par ailleurs la très grande imprécision : facteur de 1 à 3 (soit ± 50% d’incertitude) sur la sensibilité climatique au CO2, et plus encore sur la sensibilité aux aérosols, d’après tous les rapports du GIEC. N’est-ce pas contradictoire ?

Enfin, pour que l’étude soit plus complète, plus intéressante et surtout plus objective que celle de Cook et al., il serait judicieux de demander aux climatologues convaincus de l’origine essentiellement anthropique du réchauffement récent s’ils seraient prêts à réviser leur position au cas où les températures réellement mesurées s’obstineraient à contredire les projections des modèles : par exemple, au cas où la faible hausse des deux premières décennies du XXIe siècle (inférieure à quasiment toutes les projections faites dans les divers rapports d’évaluation du GIEC en 1990, 1996 et 2001) se prolongerait dans la troisième décennie en cours, ou serait suivie d’un refroidissement inattendu.


Pour finir, je reproduis ci-dessous deux figures, l’une issue du blog de Roy Spencer de l’Université d’Alabama (voir ce lien), l’autre issue de cet article récent (juin 2020) cosigné par R. McKitrick (Université de Guelph, Ontario) et J. Christy (Université d’Alabama). La première montre que parmi 90 simulations numériques de l’évolution des températures faites au moyen des modèles de 5e génération (CMIP5) retenus par le GIEC, on en compte seulement 3 qui sont plus froides que la réalité, aussi bien pour les températures de surface (courbes en trait plein) que pour les températures de la basse troposphère (courbes en tirets). Entre 1983 et 2013, l’écart entre la courbe verte (températures de surface mesurées) et la courbe noire (moyenne des 90 simulations) augmente inexorablement. Notons que cet écart ne s’est ni comblé ni creusé depuis 2013; il s’est juste maintenu, grâce à un épisode El Nino particulièrement intense en 2016-2017. 

Plutôt que de chercher à démontrer un prétendu consensus, les analystes des sciences du climat feraient mieux de se demander pourquoi 96% des simulations effectuées par les modèles CMIP5 ont fourni jusqu’à présent des résultats par excès, et 4% seulement des résultats par défaut. Et pourquoi les modèles de 6e génération (CMIP6) surestiment encore davantage le réchauffement (Fig.2). Voilà de vraies questions qui devraient alerter les sociologues des sciences sur la méthodologie des modélisateurs et les biais qui pourraient affecter leurs paramétrages. Car si les paramètres mal connus de la machine climatique avaient été choisi au hasard, sans idée préconçue, on aurait dû s’attendre à ce que les courbes des températures réelles se situent plus près de la moyenne des simulations. Il est encore possible que le réchauffement anthropique simulé par les modèles soit correct et que d’autres effets inconnus (naturels ou non) l’aient compensé temporairement. Mais à mesure que le temps passe, cette possibilité s’amenuise, et l’on voit mal comment les faits pourraient donner raison aux modèles dans les dix prochaines années. Il faudrait une hausse inédite de 0,5°C en 8 ans pour que la courbe verte de la Fig.1 rejoigne en 2030 la courbe noire. La conclusion logique est que les modèles sont encore trop grossiers pour prédire l’évolution du climat avec une précision acceptable. Le GIEC lui-même le reconnaît, à demi-mots, mais ce message est devenu inaudible face à celui martelé par les non-spécialistes qui prétendent que la Science a parlé et que le débat est clos. Le grand public est régulièrement trompé par les médias qui ignorent les très grandes incertitudes dont souffrent les projections. Et si les gouvernements étaient eux-mêmes mieux informés (autrement que par les résumés pour décideurs du GIEC, qui ne reflètent pas ces incertitudes comme ils le devraient), peut-être feraient-ils des choix plus modestes, fondés sur la raison plutôt que sur l’obsession de répondre aux préoccupations grandissantes de leurs électorats pour l’écologie, notamment parmi la jeunesse. La climatologie est au pied du mur : à moins que les températures ne repartent à la hausse de manière très spectaculaire dans la prochaine décennie, les climatologues devront bien finir par admettre que quelque chose de fondamental continue de leur échapper, et qu’il leur faut tempérer leurs prétentions à prédire l’évolution du climat global.

Fig.2. Tendance au réchauffement (en °C/décennie) pour la période 1979-2014, dans la moyenne troposphère (graphes du haut) et dans la basse troposphère (graphes du bas), simulée par 38 modèles CMIP6 (points rouges) et réellement mesurée par satellite (points bleus). Les barres d’erreur correspondent à l’intervalle de confiance à 95%. D’après R. McKitrick et J. Christy (cet article).
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