L’étendue de la banquise antarctique déterminée par des phénomènes naturels

Des travaux basés sur des méthodes paléo-climatologiques portant sur les 2 000 dernières années permettent de mieux comprendre pourquoi la banquise antarctique a progressé ces dernières décennies. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Geoscience ce 22 février; ils sont commentés par le magazine en ligne Science post.

Jusqu’à présent, les causes précises de cette expansion étaient assez mal connues. En effet, le suivi opérationnel fourni par les satellites n’existe que depuis une quarantaine d’années, une période trop courte pour séparer la part attribuable aux variations naturelles de celle liée au changement climatique d’origine humaine. Par rapport à l’océan arctique, l’Antarctique possède des échelles de temps typiques plus longues, d’où le besoin de travailler avec des séries observationnelles plus étendues.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont donc reconstruit l’évolution de la banquise en exploitant des archives naturelles. Grâce à l’analyse scrupuleuse de carottes sédimentaires prélevées en Terre Adélie et au sud de l’océan Indien, ils ont pu caractériser les changements survenus dans le secteur au cours des 2000 dernières années.

Pôle nord et pôle sud : des tendances très différenciées

Alors que l’extension annuelle de la banquise arctique s’est réduite de 3,5 % à 4 % par décennie entre 1979 et 2012, celle bordant le continent austral a augmenté de 1,2 % à 1,8 % sur la même période. Des tendances qui n’ont pas fondamentalement changé depuis, malgré une rupture passagère de la tendance due à l’El niño de 2015-2016.

Extension de banquise antarctique en septembre (haut) et février (bas), entre 1979 et 2020. Les graphiques correspondent au mois du maximum et minimum annuel, respectivement. Crédits : NASA.

L’importance de la variabilité naturelle à l’échelle multi-décennale.

En contraignant un modèle climatique par les données paléoclimatiques obtenues, les auteurs ont montré que cette variabilité provient de l’effet combiné de phénomènes cycliques : l’ENSO (El Niño/Southern Oscillation) et le SAM (Southern Annular Mode). Le point à retenir est que ces fluctuations des régimes de vents et de courants marins amènent plus ou moins de chaleur vers le pôle sud. En outre, ils influent sur la puissance des vents catabatiques de l’inlandsis qui viennent pousser avec plus ou moins d’ampleur la glace vers le large.

Phase positive (gauche) et négative (droite) du SAM. Les couleurs représentent les anomalies de pression : dépressionnaires en bleu, anticycloniques en rouge. En phase positive, les vents d’ouest sont renforcés et plus près du pôle comparé à la phase négative. Crédits : ESRL/NOAA.

Suivant la façon dont ces circulations redistribuent la chaleur, la banquise s’étend ainsi plus ou moins facilement vers les basses latitudes.

D’où la conclusion des auteurs de l’étude :

« Nos résultats indiquent donc que la variabilité naturelle est importante dans l’océan Austral et suggèrent qu’elle a joué un rôle crucial dans les tendances récentes de la banquise et sa variabilité décennale dans cette région. »

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