La banquise Antarctique accuse un record de baisse pour l’hiver austral

Article publié par Sea ice portal le 15 septembre 2023. Traduit par la rédaction

Dans les régions polaires la banquise suit un cycle nettement saisonnier et chaque année, environ 15 millions de kilomètres carrés de glace se forment et fondent dans l’Antarctique. Mais cet hiver, la croissance des glaces a été extrêmement lente et, depuis le début de l’année, l’étendue de la banquise de l’Antarctique a atteint son niveau le plus bas depuis le début des observations continues par satellite en 1979. De plus, le 19 février 2023, l’étendue minimale de la banquise en Antarctique a atteint un nouveau record de baisse, avec seulement 2,0 millions de km², tombant en dessous du précédent record de 2022. Le 7 septembre, la banquise de l’Antarctique a atteint 17,16 millions de km², la plus faible étendue maximale jamais observée en hiver et 880 000 km² de moins que le précédent record du 18 septembre 1986 (une différence d’environ deux fois et demie la taille de l’Allemagne). La moyenne mensuelle de septembre 1986 avait été la plus basse jamais observée en hiver avec 17,71 millions de km², suivie par les années 2002 (17,90 millions de km²) et 2017 (17,92 millions de km²) (voir figures 1 et 2). Ces valeurs moyennes seront très probablement « dépassées » cette année. Le tableau 1 montre les valeurs de l’étendue de la banquise antarctique à son maximum hivernal de 2010 à 2020 comparées à celle de 1986.

Tableau 1 : Extension maximale de la banquise en hiver (valeurs absolues) et moyennes mensuelles dans l’Antarctique de 2010 à 2020 comparée à la valeur de 1986 (Source htpps://noaadata.apps.nsidc.org/NOAA/G02135/seaice_analysis/)
Figure 1. Extension de la banquise antarctique en 1986 (gris), 2002 (vert) et 2017 (orange) années de plus faible extension, comparées à 2022 (bleu foncé), 2023 (bleu clair). Le point rouge marque l’extension au 20 septembre 2023. La valeur moyenne de long terme (1981-2010) et l’intervalle de confiance sont aussi représentées.
Figure 2 : Evolution de l’extension moyenne de la banquise arctique en septembre depuis 1979.

La banquise n’a pas rebondi depuis qu’elle a atteint son étendue minimale en février et des niveaux record ont également été observés en mai, juin et juillet. En juillet, sa superficie était de 13,74 millions de km², environ 1,35 million de km² en dessous du précédent minimum mensuel de 2022. Et en août, la différence par rapport à la valeur de 1986 était d’environ 1,36 million km². C’est surtout dans la mer de Weddell, la mer des Cosmonautes et la mer de Ross, qu’il y a eu moins de glace que l’année précédente. La mer de Bellingshausen était encore largement libre de glace. Ce n’est que dans la mer d’Amundsen que la banquise s’est étendue beaucoup plus au nord, au-delà de la lisière des glaces de l’année précédente (Figure 3).

Figure 3 : Différence dans la position moyenne de la glace en août 2023 comparée à 2022. Les régions marquées en bleu ont plus de glace que la période de référence, et celles marquées en rouge en ont moins.

Pour un certain nombre de raisons, l’étendue et la dynamique de la banquise varient d’un jour à l’autre et d’une année à l’autre, et des écarts par rapport à la moyenne à long terme, dont certains ont été substantiels, ont déjà été documentés dans le passé. Comparé à l’Arctique, l’océan Antarctique se caractérise par un spectre plus large d’étendues maximales et minimales, ce qui est largement dû aux différences géographiques entre les deux régions. Même si la faible étendue de la banquise Antarctique que nous observons actuellement est inhabituelle.

Comparativement à l’Arctique, il est beaucoup plus difficile d’expliquer l’origine de l’importante diminution de la banquise Antarctique ; la communauté scientifique n’est pas encore parvenue à un consensus. En Antarctique, l’influence de l’océan est tout aussi, voire plus déterminante, que celle de l’atmosphère. Ce n’est pas le cas dans l’Arctique où l’atmosphère est le facteur le plus important. En conséquence, les facteurs qui déterminent la variabilité de la banquise de l’Antarctique, sont beaucoup moins clairs que dans ceux de l’Arctique. Le processus qui conduit à une croissance plus lente et, par conséquent à une étendue de la banquise plus faible dans l’Antarctique, peut avoir plusieurs causes : un air plus chaud, des masses d’eau plus chaudes, mais aussi les courants, les vents, l’humidité relative et la couverture nuageuse. « On ne sait toujours pas comment ces processus pris isolément ont changé ni dans quelle mesure ils contribuent actuellement au ralentissement de la croissance de la glace », a expliqué le professeur Christian Haas, chef de la section banquise à l’AWI. 

Une étude qui vient d’être publiée montre l’interaction entre le réchauffement sous la glace de l’océan Austral et le record minimum de ce printemps. Les résultats indiquent que le réchauffement de l’océan a joué un rôle clé dans la transformation de la banquise antarctique vers un nouvel état caractérisé par une étendue plus faible. En outre, ce nouvel état indique des cycles saisonniers (« persistances ») différents, qui, à son tour, suggère que les processus sous-jacents qui façonnent la couverture de la banquise antarctique peuvent également avoir changé (Purich, A. et Doddridge 2023).

Ainsi, d’un point de vue scientifique, la cause de cette situation inhabituelle de la banquise Antarctique n’est toujours pas comprise en détail. Un facteur pourrait potentiellement résider dans le changement général des régimes de circulation dans l’Antarctique, dans lequel la chaleur océanique jouerait un rôle plus important qu’on ne le pensait auparavant, inhibant la croissance de la banquise. Les deux changements dans la circulation du vent, qui transportent notamment des masses d’air plus chaudes vers la péninsule Antarctique, et les masses d’eau plus chaudes s’écoulant dans les couches proches de la surface pourraient avoir ralenti la croissance de la banquise. Néanmoins, il y a eu un certain nombre d’observations inhabituelles cet hiver : en août, la température de l’air était jusqu’à 4,5 degrés Celsius au-dessus de la moyenne à long terme de la période 1971-2000 dans la mer de Weddell et jusqu’à 6 degrés au-dessus dans la mer de Ross (Figure 4) ; tous les mois depuis avril 2023 ont été similaires à cet égard. De plus, les températures de surface de la mer ont été anormales par rapport à la moyenne à long terme, avec des températures de l’eau jusqu’à 3 degrés Celsius plus élevées dans les zones de bordure des glaces (Figure 5).

Figure 4 : Températures de l’ai en °C à l’altitude correspondant à 925 hPa en août 2023, comparée à la moyenne 1971-2000 (Source www.ersl.noaa.gov/psd/products)
Figure 5 : Température de surface de la mer en °C en août 2023 comparée à la moyenne de long terme 1971-2000 (www.ersl.noaa.gov/psd/products)

Une couverture de la banquise aussi faible en hiver peut également avoir des conséquences sur la fonte estivale ultérieure. Il est toutefois encore trop tôt pour faire des pronostics. Une conséquence possible pourrait être, comme dans l’Arctique, une modification de l’équilibre radiatif (amplification de la rétroaction glace-albédo) qui réchauffe davantage l’océan, accélère le retrait des glaces de mer et ralentit la formation de nouvelles glaces. 

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7 réflexions au sujet de « La banquise Antarctique accuse un record de baisse pour l’hiver austral »

  1. merde alors , pas de commentaires
    “”””””Comparativement à l’Arctique, il est beaucoup plus difficile d’expliquer l’origine de l’importante diminution de la banquise Antarctique “”””””
    Mais que foutent nos climatologues qu’on paye avec nos impots

  2. Sans tenir compte de l’eau douce déversée dans la mer et du ralentissement du Gulf Stream que cela induit, toutes ces données ne sont que relatives.

  3. Bah, jadis l’Antarctique abritait une forêt vierge. Tout change et laissons faire la Nature ! Ce n’est pas bon de se titiller les méninges à la recherche d’une vérité difficile à trouver, tellement il y a de facteurs.

    • “”””””””Bah, jadis l’Antarctique abritait une forêt vierge”””””””
      Bon , il y a 90 millions d’années quelques recines et fossiles de leurs cela ne change pas beaucoup du passé de notre pôle Nord
      Mais le passé sur 90 millions d’années est difficile à comprendre pour un non géologue et surtout à comparer avec nos météos sur 30 ans depuis que le GIEC existe

  4. L’étendue sensiblement moindre cette année de la banquise (15,5 millions de km2) ne constitue pas une tendance. On ne construit pas une courbe avec un seul point. La moyenne est autour de 18 millions de km2, très stable par rapport à l’arctique dont la diminution n’a échappé à personne. D’ailleurs, un écart dans l’autre sens a été observé en 2019 (20 millions de km2). *
    Je pense que nous faisons tous, scientifiques compris, une fixation sur la fusion de l’Antarctique. Tout d’abord il ne faut pas confondre banquise saisonnière et inlandsis terrestre. La banquise antarctique fond chaque année, passant de 18 millions de km2 en hiver à presque rien en été (un ou deux millions), puisqu ‘elle n’est pas centrée sur le pôle comme dans l’arctique, alors que les 13 millions de km2 de l’inlandsis subsistent toute l’année sur une épaisseur moyenne de 2000 mètres, une paille !

    “Pour un certain nombre de raisons, l’étendue et la dynamique de la banquise varient d’un jour à l’autre et d’une année à l’autre, et des écarts par rapport à la moyenne à long terme, dont certains ont été substantiels, ont déjà été documentés dans le passé.”

    C’est vous-même qui le dites en première ligne, Donc, ne pas affoler les foules, et encore moins les journalistes. La publication de votre article est inutilement anxiogène.

    * référence NSIDC

    • Since the start of the industrial era, the Antarctic had warmed between 1.0 and 1.5°C (Martin et al., 2019). However, this warming, slowed down strongly 40 years ago, and has since been showing at a moderate increase of about 0.2°C in overall temperatures (HadCRUT4 temperature data from the Climatic Research Unit (CRU), assessed on 21 September 2021).

      In satellite observations no significant trend in sea ice area and volume occurred during the last 40 years, in both winter and summer. In fact, Antarctic sea ice area and volume remained stable, or even increased slightly, both at the end of summer and the end of the winter (see Figures 4 and 5).

      However, the observed gains in Antarctic sea ice are almost an order of magnitude smaller than those observed over the Arctic (see Figure 5).
      Despite moderate warming, sea ice area and volume over the Antarctic show no significant trend. The latter may be attributed to regionally opposing trends and large internal variability (IPCC, 2021). There are several theories explaining the drives of the ‘quasi stable’ situation in Antarctic Sea ice. Among others, this may be explained by increased cooling of the Antarctic Sea due to increased melt of the Antarctic glacier (Bintanja et al., 2013) or by changes in wind patterns (Schroeter, et al., 2018).

      Traduction : “Depuis le début de l’ère industrielle, l’Antarctique s’est réchauffé de 1,0 à 1,5°C (Martin et al., 2019). Cependant, ce réchauffement s’est fortement ralenti il y a 40 ans, et depuis lors, il montre une augmentation modérée d’environ 0,2°C dans les températures globales (données de température HadCRUT4 de l’Unité de recherche climatique (CRU), évaluées le 21 septembre 2021).

      Dans les observations par satellite, aucune tendance significative de la superficie et du volume de la glace de mer en Antarctique n’a été observée au cours des 40 dernières années, tant en hiver qu’en été. En fait, la superficie et le volume de la glace de mer en Antarctique sont restés stables, voire ont légèrement augmenté, à la fin de l’été et à la fin de l’hiver (voir les Figures 4 et 5).

      Cependant, les gains observés dans la glace de mer en Antarctique sont presque un ordre de grandeur inférieur à ceux observés dans l’Arctique (voir la Figure 5).
      Malgré un réchauffement modéré, la superficie et le volume de la glace de mer en Antarctique ne montrent aucune tendance significative. Cette dernière peut être attribuée à des tendances régionales opposées et à une grande variabilité interne (IPCC, 2021). Il existe plusieurs théories expliquant les moteurs de la situation “quasi stable” de la glace de mer en Antarctique. Entre autres, cela peut s’expliquer par le refroidissement accru de la mer Antarctique en raison de la fonte accrue du glacier Antarctique (Bintanja et al., 2013) ou par des changements dans les schémas de vent (Schroeter, et al., 2018).”

      Cet extrait d’article de 2021 provient du site de l’Eumestat (European Organisation for the Exploitation of Meteorological Satellites) : “State of Arctic and Antarctic sea ice in 2021” https://www.eumetsat.int/state-arctic-and-antarctic-sea-ice-2021. Il est donc assez étrange d’entendre des alarmes sur la fonte de l’Antarctique quand un organisme aussi officielle et précis renvoie sur 40 ans une tendance nulle…

  5. M.J.Daren.Bonjour.C’est très curieux mais il y a une absence de marque dans cette étude:l’impact des 130(et des chouias etude de2015) volcans plus ou moins actifs et plus ou moins sous-marins sur cette fonte de la banquise avec la formation d’importants lacs d’eau douce sous elle.Simple oubli ou biais volontaire???

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