Par MD
Les lecteurs de ce site connaissent la publication annuelle du Global Carbon Budget (GCB) qui retrace et commente la chronique des émissions anthropiques de CO2 jusqu’à la période la plus récente. La dernière livraison vient d’être diffusée (5 décembre) avec des séries jusqu’à l’année 2022 (plus une estimation précoce pour 2023). Cette publication comporte un rapport très détaillé établi par plus d’une centaine de contributeurs, accompagné de fichiers de données au format tableur. On s’intéressera ici plus particulièrement au fichier intitulé Global Carbon Budget 2023 qui comme son nom l’indique retrace les émissions globales pour l’ensemble du monde. Les graphiques qui suivent ont trait à la période 1970-2023.
Unités.
Les chiffres du GCB sont donnés en tonnes de Carbone. Pour passer aux tonnes de CO2, il faut multiplier ces chiffres par le rapport des masses moléculaires (44/12) soit 3,664. Par ailleurs, la concentration de CO2 dans l’air est le plus souvent exprimée en ppmv (parties par million en volume). Converti en tonnes, 1 ppmv est égal à 2,13 Gt (gigatonnes) de Carbone (Gt C) ou 7,8 Gt de CO2 (GtCO2).
Cadrage général. Concentration de l’atmosphère en CO2.
Cette concentration est mesurée (depuis 1959) notamment à Mauna Loa (Hawaï) par la NOAA. Le graphique ci-dessous retrace son évolution, respectivement en ppmv et en Gt de CO2.
Sur la période 1970-2023, le stock de CO2 dans l’atmosphère est passé de 2 540 Gt à 3 280 Gt (325 ppmv à 420 ppmv).
On peut en déduire les augmentations annuelles de concentration qui sont les flux annuels.
Le flux, augmentation annuelle de concentration, représente bon an mal an en moyenne 0,5 à 0,6% du stock de CO2. Cet ordre de grandeur est utile à garder en mémoire, il explique notamment pourquoi la baisse momentanée de 2020 (qui représentait environ 2 Gt soit 0,06% du stock) est restée pratiquement inapparente sur la courbe des concentrations.
On va maintenant s’intéresser aux émissions anthropiques qu’étudie le GCB. Ces études reposent sur l’hypothèse forte que l’accroissement de la concentration en CO2 dans l’atmosphère est dû exclusivement aux émissions d’origine humaine, en raison de la combustion des énergies fossiles et des changements dans l’utilisation des sols.
Émissions anthropiques de CO2 dues aux énergies fossiles.
Après le hiatus de 2020, les émissions fossiles ont repris leur croissance antérieure (environ + 1% par an depuis une dizaine d’années).
Le GCB a calculé les parts respectives des différentes énergies fossiles dans ces émissions (dans le graphique ci-dessous, on a utilisé conjointement des échelles en GtCO2 et GtC : on verra plus loin pourquoi).
La prépondérance du charbon s’explique notamment par un contenu en carbone nettement plus important que ceux du pétrole et du gaz (environ deux fois plus pour le gaz). On voit que c’est surtout le pétrole (en cause les transports et surtout les transports aériens) qui avait accusé une baisse sensible en 2020 et n’a pas – encore – recouvré son niveau antérieur.
Émissions anthropiques totales de CO2.
Aux émissions fossiles s’ajoutent les émissions dues aux changements dans l’utilisation des sols, qui sont de l’ordre du dixième des émissions fossiles. Leur estimation par le GCB est particulièrement erratique : elle résulte d’un compromis entre une bonne trentaine de « modèles » tous différents et très dispersés. L’incertitude est donc importante.
La somme des deux représente les émissions anthropiques totales.
Les émissions anthropiques de CO2 avaient atteint 40 Gt en 2012-2013, elles ont été d’environ 41 Gt en 2022-2023, soit +0,1 Gt par an en tendance moyenne. Aucun signe avant-coureur ne laisse prévoir un ralentissement de ce rythme. Jusqu’à présent tous les « scénarios » prédisant de brusques orientations des émissions de CO2 vers le haut ou le bas ont été démenties par les réalités.
Les « puits » de carbone. La fraction atmosphérique.
Si l’on compare les émissions anthropiques annuelles calculées aux augmentations annuelles mesurées de concentration de CO2 dans l’atmosphère (voir les graphiques plus loin), on est conduit à conclure qu’une partie des émissions est absorbée par les océans et la végétation. Le GCB estime ces absorptions ou « puits » de CO2 en faisant la synthèse de « modèles » établis par une vingtaine d’équipes scientifiques, qui constituent des faisceaux très dispersés (on ne les reproduira pas ici, on en avait donné une figuration dans l’article de l’an dernier déjà cité).
Surtout pour les puits terrestres, les écarts interannuels sont erratiques. Tendanciellement, la somme des puits totalise un peu plus de la moitié des émissions anthropiques. En soustrayant les puits des émissions, on obtient la « fraction atmosphérique » (« airborne fraction ») restant dans l’atmosphère. On trouvera ci-dessous la courbe des émissions diminuées des puits.
On voit que la masse d’origine anthropique réellement ajoutée à l’atmosphère est de l’ordre de 19 Gt CO2 en 2023 – à comparer aux 41 Gt CO2 anthropiques émis. Exprimé en pourcentages, ce qui reste dans l’atmosphère oscille depuis un demi-siècle autour d’une valeur de l’ordre de 45% des émissions anthropiques comme le montre la courbe en vert.
On peut en dernier lieu superposer sur le même graphique les augmentations annuelles mesurées par la NOAA et les fractions atmosphériques précédentes calculées par le GCB.
Malgré des décalages la tendance générale est respectée.
Cycle du carbone.
On trouve au début du rapport GCB (figure 2) un diagramme qui illustre le cycle du carbone anthropique (pour la moyenne de la période 2013-2022). Les chiffres y sont exprimés ici en Gt de Carbone. On retrouve les émissions (flèches vers le haut) et les puits (flèches vers le bas). On notera les marges d’incertitude (±) parfois considérables. On voit aussi que les divers stocks de carbone (pastilles colorées) sont supérieurs de 2 à 3 ordres de grandeur aux flux annuels.
Incidemment, on remarque en bas à gauche une estimation des réserves des trois produits fossiles, exprimées en GtC ce qui est une présentation originale. On peut donc les comparer aux émissions annuelles par produits (voir précédemment le graphique des émissions de CO2 par produits, échelle de droite en GtC). On trouve ainsi les valeurs conventionnelles des rapports R/P exprimés en années restantes de production. Les chiffres sont les suivants (stock / production = années).
Gaz : 115 GtC / 2,1 GtC = 55 années
Pétrole : 230 GtC / 3,2 GtC = 72 années
Charbon : 560 GtC / 4,2 GtC = 133 années
Ces nombres d’années restantes sont un peu supérieurs à ceux que l’on peut déduire d’autres sources de données. On sait d’ailleurs que les horizons d’épuisement des réserves n’ont cessé de s’éloigner au fil des années.
Conclusions.
Les éléments précédents illustrent de façon simplifiée l’ingénieux corps de doctrine qui permet d’harmoniser les calculs des émissions et des puits avec les mesures des concentrations in situ. Rappelons l’hypothèse forte qui sous-tend la démarche, à savoir que les émissions d’origine humaine constituent l’explication unique et exclusive de l’évolution des concentrations. À cet égard, si les émissions fossiles peuvent être considérées comme à peu près bien connues, les émissions dues à l’utilisation des sols et les absorptions par les « puits » s’apparentent plutôt à des variables d’ajustement. Chacun est libre d’en juger.
Cela dit, il faut rendre cette justice aux auteurs de s’être limités à l’objet précis de leur étude, sans s’aventurer dans des considérations sur l’évolution des températures globales et les méfaits du « changement climatique ». On peut aussi leur savoir gré de la diffusion claire et complète de toutes les données numériques utiles à la compréhension.
On dira ce qu’on voudra. Moi,ce qui me trouble dans cette affaire de CO2, c’est que la mesure en continu à Hawaï n’ait pas pu détecter la diminution sensible des émissions humaines lors de l’apparition de la pandémie au printemps 2020. Fait inédit, le monde développé a retenu son souffle, ne l’oublions pas. Je veux bien admettre que sur l’année entière, un manque de 5 à 7 % ne soit pas détectable sur la courbe de Keeling mais en mai-juin on aurait du déceler quelque chose, non ? Les variations liées à la pousse de la végétation au printemps sont bien marquées chaque année, elles (courbe en dents de scie).
“L’acier sans carbone : comment la modernisation de la sidérurgie pourrait rendre notre Planète plus habitable “(Futura)
De mon point de vue d’ancien sidérurgiste, vaste programme (1.86 milliards de tonnes/an ), certes plus efficace pour la planète que la décarbonation des bagues de fiançailles (cf mon post un brin provocateur sur la zircone cubique)
En outre, l’acier est par définition un alliage fer-carbone et c’est le cas pour la plupart d’entre eux, avec quelques exceptions comme les inox bas carbone ou les tôles au silicium pour transformateurs, des aciers très spéciaux que j’ai contribué à produire et pour lesquels la réduction par l’hydrogène serait cette fois la bienvenue.