COP28 : journal de bord d’un écolo-réaliste

épisode 3 : Entre guerre et paix

par GDR.

Pour me rendre à la COP, je prends le bus mis à disposition par l’hôtel. Nous sommes une vingtaine à nous y installer pour une bonne heure de trajet à travers les steppes bétonnées et les archipels de verre élancés vers le ciel. Mon voisin de bus, la trentaine tout juste, m’informe qu’il est arrivé hier et qu’il a attendu plus de deux heures avant de recevoir son badge, ce graal qui devait lui permettre d’accéder au saint des saints.

C’est sa première Convention sur le Climat, comme moi. Il a toujours voulu y aller, ce qui n’est pas tout à fait mon cas. Il est « en train d’accomplir un rêve » et moi, je me contente d’ausculter ce rêve pour en disséquer les troubles recoins. Pour lui ça à l’air d’une sorte de pèlerinage qu’il faut réaliser au moins une fois dans sa vie. Il vient à la COP comme d’autre se rendent à Lourdes, à la Mecque ou au Mur des Lamentations. Peut-être attend-t-il qu’un miracle s’y produise. Mais lequel ? Celui d’un monde sans changement climatique comme en rêvent les experts du GIEC ? Sans soleil comme l’imagine Bill Gates parti en guerre contre notre voisine étoile ? Un monde propre, sans aléas et sans risques (un peu comme un grand Mall dubaïote) ?

On sent, en tous cas, qu’il est heureux d’être là et d’avoir été « choisi » pour représenter l’ONG pour laquelle il travaille depuis 4 ans et qui s’occupe d’aider les réfugiés dans la zone sahélienne.

Vous vous occupez des réfugiés « climatiques », dis-je avec une réelle curiosité ?

Non non, les réfugiés qui sont déplacés en raison de conflits politiques. Mais bientôt, assure-t-il, « les réfugiés climatiques s’ajouteront aux autres » et là il faudra bien faire appel à son ONG et à d’autres comme la sienne qui viennent en appui aux programmes de l’UNHCR. Un instant, on croit percevoir dans le ton de sa voix un certain bonheur à l’idée que son ONG soit promise à un bel avenir grâce aux futurs flots de marées humaines que les changements climatiques ne manqueront pas de provoquer.

Ce n’est pas faux, avouons-le, me dis-je intérieurement, « la misère du monde est une opportunité à saisir » !

Des migrations climatiques, il y en a toujours eu, puisque le climat s’est obstiné à être inconstant depuis la nuit des temps. Alors, comment repérer parmi tous les réfugiés, ceux qui sont « déplacés par le CO2 émis par l’homme » ? Ma question ne semble pas l’intéresser.

Après un temps sans échange, mon voisin me lance tout de go : « Nous sommes en guerre ! »

Ah bon ! Comment ça en guerre ?

Vous vous souvenez, me dit-il, de ce qu’avait dit Laurent Fabius en 2015 à la COP de Paris ? « Le climat, à la fin, c’est la guerre ou la paix ».

Mais une guerre contre qui ? ou contre quoi ? lui demandai-je interloqué.

Contre l’industrie fossile, bien sûr, qui détruit notre planète, contre le CO2, contre le temps qui presse et qui nous manque déjà, contre notre mode de vie qui nous pousse à trop consommer, contre la mondialisation des échanges, contre l’égoïsme, contre les chasseurs, les braconniers et les agriculteurs, contre les supermarchés, contre le capitalisme effréné, contre la finance !

Il s’est arrêté là, mais j’ai senti quand même qu’il aurait bien pu, sinon voulu, ajouter ceci : « contre les hommes blancs,contre le patriarcat et contre le racisme » !

Juste avant de descendre du bus arrêté non loin du métro, je me suis fait la réflexion suivante : si le climat c’est à la fois la guerre et la paix, qu’est-ce au fond ? La phrase de Laurent Fabius n’a-t-elle pas une certaine tonalité orwellienne, tonalité qui transparaît dans beaucoup de discours sur le climat ? Car, en effet, qu’est-ce qu’un concept qui recouvre tout et son contraire ? En un mot, le climat c’est la guerre, la paix et le contraire des deux ! De quoi perdre le Nord !

Partager