Énergie : retour aux réalités (1/3)

Par MD

Introduction
La compagnie BP vient de mettre en ligne son document annuel de référence Statistical review of world energy qui comporte dans sa version Excel des séries longues de données énergétiques mises à jour, jusqu’à l’année 2021 incluse. L’année 2021 a connu une reprise économique après la dépression de 2020 due à la pandémie. Elle précède une année 2022 imprévisible notamment du fait du déclenchement des hostilités survenu fin février 2022 et de ses conséquences. Les positions fermes adoptées par les pays émergents lors de la COP26 avaient déjà contredit les perspectives énergétiques et climatiques affichées par les pays occidentaux. Les évènements survenus depuis lors et l’augmentation importante des prix des énergies fossiles depuis fin-2021 ont précipité une remise en cause fébrile dont il est difficile de prévoir l’issue. La nouvelle édition de BP constitue donc un état des lieux particulièrement intéressant. Les illustrations qui suivent en donnent quelques aperçus globaux concernant les quantités d’énergies et les émissions de CO2.

Evolution de la consommation d’énergie : sources d’énergies et émissions de CO2.
L’unité désormais utilisée est le joule (J) du système international SI, substitué à la tonne équivalent pétrole (tep). Compte tenu des ordres de grandeur en jeu, l’unité pratique est l’exajoule (EJ) qui correspond à 1018 J (et environ 24 Mtep).
Le graphique ci-dessous représente l’évolution depuis 1980 de la consommation mondiale d’énergie primaire répartie entre les différentes énergies (EJ) et en surimpression l’évolution des émissions anthropiques de CO2 dues à la combustion des énergies fossiles (milliards de tonnes ou Gt de CO2).

Les courbes des émissions de CO2 et de la consommation totale d’énergie sont restées sensiblement parallèles jusqu’en 2015 environ, puis le CO2 a progressivement décroché en raison du recours accru aux énergies intermittentes (éolien et solaire). En 2021, le monde a consommé 595 exajoules d’énergie primaire et émis 34 milliards de tonnes de CO2. Il faut rappeler que les émissions de CO2 sont calculées à partir des consommations d’énergies fossiles, comme on le vérifie sur le graphique ci-dessous (avec la répartition actuelle entre les trois énergies fossiles, il faut compter environ 0,07 Gt ou 70 Mt de CO2 par exajoule fossile).

Enfin le graphique ci-dessous représente l’évolution des énergies non fossiles : dans les années récentes, leur croissance est surtout due aux énergies intermittentes.

D’une façon générale, qu’il s’agisse des consommations d’énergie ou des émissions de CO2, l’année 2021 a retrouvé les niveaux de 2019 : l’année 2020 n’a donc constitué qu’un accident de parcours, qui rappelle la crise financière de 2009.

Répartition des énergies en 1990 et 2021.
La répartition des différentes sources d’énergies respectivement en 1990 (année de référence) et en 2021 est illustrée par les deux graphiques suivants (la taille des secteurs correspond évidemment aux pourcentages et non aux quantités). Dans l’intervalle, la consommation totale d’énergie est passée de 344 EJ à 595 EJ, soit une multiplication par 1,73.

En 2021, les énergies intermittentes (solaire et éolien) ne représentent encore que 4,6% du total. De 1990 à 2021, les énergies fossiles sont passées de 87% à 83% : le pétrole a cédé du terrain au profit du gaz naturel, mais le charbon a maintenu sa part à 27%. Le nucléaire a progressé en quantité mais régressé en pourcentage.

Evolution des consommations d’énergie : répartition entre grandes régions du monde.
Le graphique ci-dessous illustre l’évolution de la consommation d’énergie primaire entre 1990 et 2021. Les Etats appartenant à l’OCDE sont mis en évidence par une trame hachurée.

Les pays les plus développés ont pratiquement stabilisé leurs consommations depuis plus de vingt ans : la croissance globale est exclusivement le fait du reste du monde, surtout le sud-est asiatique et en premier lieu la Chine.

Evolution des énergies fossiles et des émissions de CO2.
Dans le graphique ci-dessous on a choisi de figurer l’évolution des émissions de CO2, qui traduit bien celle des consommations d’énergies fossiles (à un facteur près comme on l’a vu précédemment).

La diminution progressive – bien visible – des émissions des pays les plus développés est compensée par l’augmentation dans le reste du monde.

Emissions de CO2 en 2021, répartition entre régions du monde.

On note que les Etats de l’OCDE dans leur ensemble (secteurs tramés sur le graphique ci-dessous) ne représentent plus que le tiers des émissions mondiales, presque rattrapés par la Chine. L’Union européenne (format UE28) représente moins de 10% (dont la France moins de 1%).

Contenu de l’énergie primaire en CO2.
Le rapport entre les émissions de CO2 et la consommation d’énergie, exprimé en millions de tonnes de CO2 par exajoule est l’un des « facteurs de Kaya » particulièrement surveillé puisqu’il mesure la « décarbonation » de l’énergie à laquelle les instances internationales accordent tant d’importance. Le graphique ci-dessous montre que le contenu en CO2 de l’énergie consommée est partout en baisse régulière depuis une dizaine d’années, mais à des niveaux diversifiés. Globalement, la diminution du contenu en CO2 est compensée par l’augmentation de la consommation d’énergie, ce qui explique que les émissions de CO2 ne décroissent pas et ne décroîtront pas de sitôt.

Les pays de l’OCDE font « mieux » que les autres, l’Union européenne mieux que l’OCDE en général. La France est le troisième pays le plus « décarboné » du monde, derrière la Suède et la Norvège : ce dernier exemple suggère qu’il existe une sorte de minimum technique aux alentours de 15 à 20 Mt CO2 par exajoule grâce à une électricité presque entièrement hydraulique.

Conclusion provisoire.
La base de données de BP comporte encore de multiples enseignements sur lesquels on pourra éventuellement revenir, notamment sur les échanges internationaux, les prix, les réserves, la production d’électricité, les métaux rares, etc.

Mais les quelques graphiques précédents peuvent déjà alimenter d’utiles méditations en particulier sur l’avenir du fameux (fumeux) « Net Zero ». Sous le regard ironique des quatre-cinquièmes de l’humanité, les Etats occidentaux semblent s’être brusquement aperçus de la vulnérabilité de leur modèle énergétique. Vont-ils en démordre ? Rien n’est moins certain.

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5 réflexions au sujet de « Énergie : retour aux réalités (1/3) »

  1. SI ON REGARDE L ÉVOLUTION DE LA COURBE DU CO2 ON NE VOIT AUCUNE INFLEXION EN 2020 ET 2021 SOURCE MANAU LOA DONC L INFLEXION DE LA COURBE N EST PAS EN RELATION AVEC LES MESURES POUR LA TOTALITÉ DES EMMISSIONS JE N EST QU UN CAP EXPLIQUE MOI SVP OU ALORS LE CO2 ANTHROPIQUE NA PAS D INFLUENCE SUR LA TOTALITÉ DU CO2 ÉMIS OU C EST seulement LA FAIBLESSE DE LA BAISSE DES EMMISSIONS ANTHROPIQUES QUI N INFLUENCE LA QUANTITEE TOTALE

    • Bellue,
      Votre question est intéressante et pertinente, et vous en donnez la réponse exacte dans votre seconde hypothèse. En effet, le fait qu’une baisse momentanée des émissions anthropiques de CO2 (comme cela a été le cas en 2020) n’exercent aucune influence discernable sur les concentrations en CO2 mesurées à Mauna Loa s’explique tout simplement par les ordres de grandeur.
      Les concentrations mesurées à Mauna Loa sont actuellement d’environ 420 parties par million en volume (ppmv). Les émissions anthropiques y ajoutent environ 2 ppmv par an. Si ces émissions baissent une certaine année de 10%, elles tombent à : 2 ppmv – 10% x 2 ppmv = 1,8 ppmv. Au lieu de 420 + 2 = 422 ppmv l’année suivante, on obtient 420 + 1,8 = 421,8 ppmv (-0,05%). Cette différence est indiscernable et, comme on dit, « dans l’épaisseur du trait ».
      C’est comme si, à une baignoire de 100 litres, vous ajoutiez habituellement ½ litre d’eau par an, et que, une année donnée, vous n’ajoutiez que 0,45 litre au lieu de 0,5 litre. Résultat l’année suivante la baignoire ne contient que 100,45 litres au lieu de 100,50 litres. Il faut avoir de bons yeux pour voir la différence.
      Bien à vous
      MD
      PS : le diplôme ne fait rien à l’affaire, le fait d’être bardé de titres et de parchemins n’empêche pas les gens d’énoncer des sottises à l’occasion…

  2. très intéressant en effet tous ces chiffres qu’on ne peut pas soupçonner d’être trafiqués ! vu leur origine !! Ils sont peut-être trop compliqués à comprendre pour les écolos…..je n’ironise même pas !!! Petit à petit quand même déjà: Norvège, Shri Lanka …. des gens comprennent et se soulèvent devant la folie des écolos qui font des ravages partout où ils accèdent au pouvoir.

    • Vous avez le droit de na pas apprécier l’écologie, cependant ne dites pas de mensonges (erreur?) au sri lanka le gouvernement démissionnaire était proche des mondialistes (forum économique mondial) et non écologiste!

      Un gouvernement qui serait capable de rendre son pays autonome énergiquement avec des énergies renouvelables, une agriculture saine comme le bouthan, pas mal de gens en rêvent, pas vous dommage!

      beaucoup d’info sur reporterre

  3. Bonjour,
    J’ai parcouru votre site par curiosité. Je n’y vois qu’un côté de l’iceberg ce qui me semble insuffisant pour discréditer l’écologie. Pas d’article sur l’eau entrée en bourse, donc la capitalisation de l’eau et son rationnement dans pas mal de pays, cela ne semble pas vous alerter ni vous choquer?

    Pas d’articles non plus sur la baisse drastique de la biodiversité, ce qui mérite étude?

    Pas d’articles sur les fausses solutions géo ingénierie par exemple.

    Pas d’articles sur les catastrophes genre détachement du glacier en Italie.

    Pas d’action militante, vous êtes climatosceptiques et écolo sceptiques plus que réalistes, pourquoi pas, c’est l’intérêt d’un débat contradictoire. Cependant, j’aurai aimé lire des info plus sourcées et pertinentes.

    Bien à vous

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