Ce que disent douze marégraphes européens sur l’élévation du niveau de la mer

Le dernier rapport spécial du GIEC sur les océans et la cryosphère (adopté le 24 septembre 2019) a révisé à la hausse les projections d’élévation du niveau marin pour la fin du siècle par rapport à celles du rapport AR5 de 2013 en raison de la ré-estimation de la contribution de la calotte Antarctique. Les nouvelles projections pour 2100 sont de +0,43 m (intervalle probable : 0,29 m-0,59 m) pour le scénario à faibles émissions (RCP 2.6) et de +0,84 m (intervalle probable : 0,61 m-1,10 m) pour le scénario le plus pessimiste (RCP8.5) [1].

Hausse projetée du niveau relatif de la mer d’ici la fin du 21e siècle pour deux scénarios d’émissions, par rapport à la période 1981-2010 (source : GIEC)

L’agence européenne pour l’environnement a mis en ligne de son côté un jeu de cartes interactives simulant la façon dont l’Europe pourrait être affectée au cours du 21e siècle par les principaux risques climatiques tels que les sécheresses, les inondations, les incendies de forêt et l’élévation du niveau de la mer. Selon ces cartes, les côtes européennes connaîtraient une élévation moyenne du niveau de la mer compris entre 0,2 m et 0,4 m dans le scénario de faibles émissions (RPC 2.6), et entre 0,4 m et 1,0 m dans le cadre du scénario RPC 8.5. Le nord de la mer Baltique et la côte nord de l’Atlantique seraient épargnées en raison du rebond post-glaciaire.

Elévation du niveau de la mer selon 2 scénarios d’émission du GIEC : faibles émissions (RPC 2.6) à gauche, fortes émissions (RPC 8.5) à droite. (Source : Agence européenne pour l’environnement). Cliquez sur l’image pour l’agrandir

Que disent les marégraphes ?

Thierry Piou, scientifique et sociétaire du club d’astronomie « Pêcheurs d’étoile » a effectué un travail plus pragmatique : il a réalisé un dossier dans lequel sont analysées les données fournies par les marégraphes des 12 principaux ports européens (Atlantique, Mer du Nord, Mer Baltique, Mer Méditerranée ).

Bien qu’il soit admis que soixante ans d’enregistrement sont raisonnables pour estimer les variations eustatiques actuelles et filtrer les contributions cycliques et irrégulières du signal, le rapport de Thierry Piou n’a pris en compte que les séries marégraphiques dont la durée d’enregistrement est supérieure à 100 ans ( à l’exception de la série marégraphique de Saint-Nazaire dont les données ont été communiquées par Y. Ferret à l’auteur). En effet, pour évaluer une tendance fiable du niveau marin, il est nécessaire de travailler avec les séries marégraphiques les plus longues possibles et temporellement cohérentes, en dépit des changements de matériel ou du déplacement des repères de marées.

La tableau ci-dessous rassemble les principaux résultats des douze séries marégraphiques :

Principaux résultats des douze séries marégraphiques du rapport de Thierry Piou

Les marégraphes ne montrent aucune accélération notable de l’élévation du niveau marin. Pour toutes les séries concernées, l’accélération est inférieure à 15 µ𝑚 ∗ 𝑎𝑛−2 ou encore 15 ∗ 10−6 𝑚 ∗ 𝑎𝑛−2 ce qui est très faible. Pour s’en rendre compte, il suffit de constater que la vitesse d’élévation du niveau de la mer à Brest s’est accrue de moins de 2 mm en 172 ans. On note d’autre part une accélération négative pour trois séries, dont Marseille.

Conclusion de l’auteur du rapport :

Alors que penser des récentes projections du Giec qui prévoit une élévation de 1,1 mètre du niveau des mers, en moyenne, d’ici 2100 ? L’étude que nous venons de faire montre que la probabilité d’atteindre un tel niveau est très faible.

Thierry Piou

[1] Les quatre profils d’évolution des concentrations des gaz à effet de serre (RCP) retenus par les experts du GIEC pour le 5ème Rapport ont été traduits en termes de forçage radiatif, c’est-à-dire de modification du bilan radiatif de la planète (différence entre le rayonnement solaire reçu et le rayonnement infrarouge réémis par la planète).Ils sont identifiés par un nombre, exprimé en W/m² (puissance par unité de surface), qui indique la valeur du forçage considéré. Le scénario RCP 8.5 est donc celui d’un forçage de 8,5 W/m².

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