La série de l’été sur le site de notre association nous est offerte par Robert Girouard, qui a fait une remarquable synthèse de l’ouvrage non moins remarquable d’Olivier Postel-Vinay Sapiens et le Climat.
par Robert Girouard.
La tumultueuse préhistoire du climat
Depuis son apparition en Afrique il y a quelques centaines de milliers d’années, Sapiens a dû affronter des changements climatiques d’une ampleur, d’une sévérité sans commune mesure avec le petit réchauffement de 1,15 °C somme toute bénin que l’on connaît depuis la fin du Petit Âge glaciaire.
Au nombre de ceux-ci, citons deux cycles glaciaires-interglaciaires, de nombreuses et importantes fluctuations de température et d’humidité, ainsi que des éruptions cataclysmiques comme celle du volcan Toba vers -73 000 (ans avant le présent) dont les cendres ont obscurci le ciel pendant des années. Grâce à son intelligence, non seulement Sapiens a surmonté tous ces défis posés par une nature turbulente et imprévisible, mais il est aussi devenu de plus en plus résilient, de moins en moins tributaire du climat. C’est ce que raconte Olivier Postel-Vinay dans son fabuleux essai Sapiens et le climat – Une histoire bien chahutée, dont s’inspire cet article.
À partir de -190 000, nos lointains ancêtres africains font face à une première période glaciaire (Riss) provoquant une aridification croissante. Des méga-sécheresses qui ont concerné une grande partie de l’Afrique tropicale y ont rendu la vie très difficile, forçant Sapiens à se réfugier dans les grottes du littoral sud-africain (Blombos). Les Grands Lacs Tanganyika et Malawi, dont la profondeur atteint aujourd’hui plusieurs centaines de mètres, sont restés presque complètement asséchés pendant plusieurs milliers d’années, et ce, à plusieurs reprises.
Sapiens connaît ensuite une période de climat favorable au cours de l’interglaciaire Eemien, amorcé vers -130 000 et d’une durée d’environ 15 000 ans. Il y fait sensiblement plus chaud qu’aujourd’hui comme en témoignent la disparition de la banquise arctique et des glaciers alpins, ainsi que l’humidification du Sahara. Lors du pic de chaleur, les océans sont en moyenne 2°C plus chauds qu’actuellement, ce qui suppose des températures bien plus élevées sur les terres. Certains Sapiens archaïques profitent de cette fenêtre climatique exceptionnelle pour sortir d’Afrique.
Une seconde grande glaciation (Würm) s’installe progressivement, laquelle durera jusqu’à notre interglaciaire, l’Holocène. Entre -70 000 et -60 000, au cours d’une embellie, on assiste à une migration de populations des côtes sud-africaines vers l’Afrique orientale, point de départ de nouvelles sorties d’Afrique, cette fois par Sapiens sapiens.
Les premiers Sapiens européens arrivés vers -45 000 (longtemps après leurs cousins Néandertaliens) ont subi plusieurs allers et retours du climat pendant presque 30 millénaires, un véritable chaos climatique. Piégés dans la péninsule européenne, ils ont survécu à des changements climatiques parmi les plus brutaux des deux derniers millions d’années, dont une dizaine de réchauffements subits et prononcés (événements Dansgaard-Oeschger), avec des hausses de 5 °C à 16 °C en quelques décennies. En hiver et pendant les périodes froides, les bandes de Cro-Magnon qui vivent en Europe occidentale se réfugient dans les vallées et les grottes de la France méridionale et d’Espagne du Nord. Même dans ces vallées, la température moyenne en hiver est d’environ 10 °C inférieure à l’actuelle.
Pendant le maximum glaciaire, autour de -20 000 ans, des froids extrêmes accompagnées de sécheresses créent des conditions horribles presque partout. S’ensuivent un nouvel assèchement des lacs africains, une extension des déserts, un effondrement des populations tant humaines qu’animales. La végétation, privée en outre d’un apport suffisant en CO2, crie famine. Le niveau de poussières dans l’atmosphère est 20 à 25 fois plus élevé qu’aujourd’hui. Le gradient de température entre les pôles et les tropiques atteint 60 °C, soit 20 °C de plus qu’aujourd’hui, générant ainsi des tempêtes de vents et de poussières monstres.
Un réchauffement planétaire salvateur survient à -14 700 ans. C’est le Bölling-Allerod, qui durera 2 000 ans et qui sera particulièrement bénéfique pour les humains établis dans le Proche-Orient. Dans cet environnement plus chaud et plus humide, où le Sahara se couvre à nouveau de végétation, apparaissent de petits villages et fleurit la culture natoufienne.
Mais, cette embellie est soudainement interrompue par un refroidissement aussi terrible que subit, le Dryas récent. Pendant un plus d’un millénaire, on assiste à une régression de la civilisation naissante. Les Natoufiens redeviennent nomades et Sapiens est contraint de quitter plusieurs contrées redevenues invivables, dont l’Angleterre, la Belgique, les Pays-Bas et le Nord de la France.
(Prochain article : L’Holocène et la stabilisation relative du climat)
Vraiment intéressant….à suivre 😃
Tout ceci est connu depuis des dizaines d’années et me rappelle le cours que je donnais en première année à la fac dans les années 90, à une époque où on ne se prenait pas la tête au moindre à-coup météo mais où, cependant, pointait déjà l’hystérie climatique qui se développe aujourd’hui, notamment sur le CO2. Ces changements climatiques sont enregistrés partout dans le monde, et de diffférente manière (des variations du degré d’humification dans les toubières boréales, aux changements dans les assemblages de pollen des dépôts des lacs africains, flux de poussières dans les dépôts marins atlantiques ou pacifiques, ainsi que dans les calottes glaciaires polaires, variatons de la limite supérieure de la forêt, fluctuations glaciaires historiques, etc.). La liste de ces enregistreurs est longue et adaptée soit aux changements rapides ou plus lents (cycles de Milankovitch, grandes glaciations). Les premières études sur les variations court terme datent des années 50 (isotopes de l’oxygène) ou 70 (projet Climap sur les fluctuations des assemblages de foraminifères planctoniques dans les dépôts de l’Atlantique nord qui traduisent des oscillations N-S des ceintures climatiques au gré des refroidissements/réchauffements du dernier cycle glaciaire). Les études récentes ne font que préciser davantage. Mais aussi augmentent nos incertitudes sur les mécanismes, aussi bien sur le supposé (j’insiste !) forçage de Milankovitch que sur l’origine des fluctuations rapides et de grande amplitude que rappelle Robert Girouard.
Robert Girouard adopte une méthode plus littéraire pour raconter tout cela, sans doute bien meilleure que l’accumulation de graphiques rébarbatifs.
Ce qui me frappe est un changement inquiétant dans l’approche scientifique qui était totalement scientifique il y a peu encore mais qui, corrompue par une crise sociétale principalement occidentale, joue désormais sur la peur, fondée sur des modélisations aux fondements douteux et une emprise délétère du monde journalistique acquis à des théories pour le moins bizarres, voire inquiétantes une fois décortiquées. C’est cette corruption du bon sens et de la raison qui est proprement ”abracadabrantesque”. Le plus grave est qu’une partie de la jeunesse (principalement occidentale, je le répète) est tourneboulée par ce maeltröm de stupidités. Stupidités car contredites par la science non corrompue (il suffit de faire un peu de biblio scientifique non orientée pour voir à quel point les études ”dérangeantes” sont proprement shuntées). Car, c’est vrai, malheureusement, une partie de la science actuelle est corrompue, et en accointance objective avec l’hystérie journalistique.
J’ai malheureusement perdu une référence très documentée sur les changements d’occupation humaine du Sahara depuis son lent assèchement après l’optimum holocène, je vais essayer de la retrouver.
On attend les prochains billets de Monsieur Girouard.
M. Ferry, vous me faites beaucoup trop d’honneur, tout le mérite revient à Olivier Postel-Vinay et aux innombrables historiens du climat dont lui-même s’est inspiré pour sa remarquable synthèse.
Si on enseignait dans les écoles cette histoire du climat que j’ai vous rendre accessible et facile à comprendre dans cette série, la jeunesse risquerait moins de tomber dans ce «maeltröm de stupidités» comme vous dites.
Certes, mais c’est bien de le faire à votre manière. Par nature, nous sommes plus souvent réceptifs à la façon de raconter que par l’exposé des faits bruts.
Depuis le 8 juillet, nous sommes dans une situation de blocage, avec une dépression stationnaire sur les ïles britanniques et un anticyclone sur le nord du Maghreb et la Méditerranée occidentale. Le dispositif provoque la remontée d’air saharien chaud sur l’Espagne et la France (ligne d’orages au contact des deux masses d’air), alors qu’en Turquie, plus à l’est, pourtant à la latitude de l’Espagne, il fait plus frais. Au cours de la période, et sur ce qui s’annonce depuis dimanche 16, l’anticyclone gonfle vers le nord puis se rapetisse sur le Maghred, et inversement, provoquant une oscillation N-S de l’air chaud saharien (canicules de qq jours) sur la France. Cela s’appelle de la météo et non du climat. Des coups de chaud comme ça, l’histoire de France en est pleine en été.
Pourtant, qu’est-ce qu’on n’entend pas dans la presse qui relaie sans réfléchir l’intox des réchauffistes de l’AFP ! Nous sommes foutus, condamnés à griller, repentez-vous du CO2, le réchauffement planétaire est là.
Fin de la crise d’urticaire, ça soulage.
Le blog de paul jorion que je n’apprécie plus fait cette semaine par l’intermédiaire de son Gourou , Paul , la propagande des globalistes du réchauffisme dû au CO2 . C’est amusant de voir les commentateurs , sûrs de ne pas être des moutons , gober la bouche en coeur toute cette propagande mensongère réchauffiste et bon ( je suis coupable , d’utiliser ma voiture , bla et bla ) Allez-y , c’est marrant ………….
Est-ce qu’il y a des explications plausibles à ces considérables réchauffements et refroidissements successifs du climat à des époques où la production massive et anthropique de CO2 n’est évidemment pas en cause ?
Après une lecture rapide de quelques pages Wikipedia, j’ai l’impression que de nombreux mécanismes ont été proposés mais qu’aucun d’entre eux ne fait consensus.
Vous avez raison.
Sur le court terme, si on prend un phénomène quasi-périodique (qui revient plus ou moins régulièrement mais qui marche plus ou moins bien) comme ENSO-El Nino, découvert par les météorologues militaires américains pendant la guerre du Pacifique, on comprend très bien le mécanisme et ses effets en cascade hors Pacifique (par exple, les sécheresses en Languedoc sont souvent -pas toujours…- liées à des El Nino). Mais on n’en comprend toujours pas la cause.
A plus long terme, la cause du refroidissement ”quaternaire” (mais commencé dès la fin du Pliocène il y a 4 ou 5 millions d’années) n’est pas comprise. Les américains ont voulu construire une base de missiles nucléaires au Groenland sous la calotte glaciaire. Les forages ont trouvé une litière de feuilles au contact du substratum. D’après les courbes isotopiques de l’oxygène atlantiques et pacifiques publiées, l’époque où le Groenland était au moins en grande partie, sinon totalement, libre de glaces -et couvert de forêts- devrait être le Pliocène sup. Ces courbes isotopiques de l’oxygène montrent que le climat s’est progressivement détérioré, d’abord sur des cycles de 40.000 ans (mais avec des accidents plus froids inexpliqués, comme à 3,3 ou 2,5 Ma) puis sur des cycles de 100.000 ans plus intenses au cours du dernier million d’années. Personne n’est aujourd’hui capable de fournir une explication convaincante au fait que la périodicité climatique ”quaternaire” soit apparemment gouvernée d’abord par le cycle de l’inclinaison de l’axe de rotation terrestre puis soudainement par le cycle de l’excentricité de l’orbite autour du soleil. Alors que ces paramètres astronomiques (et donc les valeurs d’insolation) sont restés stables en fréquence et amplitude. Ça en met un coup à la théorie de Milankovitch sur le climat, à mon humble avis. Manifestement, il existe un autre mécanisme forçant, mais lequel ? Les variations d’activité solaire sont un candidat vraisemblable mais il faudrait le prouver et surtout en comprendre les mécanismes.
On a cherché du côté des éruptions volcaniques dont les plus violentes sont connues pour avoir affecté le climat terrestre, une ou plusieurs années après. Vers la fin des années 80 et début 90, on a découvert que le premier épisode de la dernière grande glaciation (Würm dans la nommenclature alpine), vers 72-75.000 ans était coincidente avec une des plus grandes explosions volcaniques connues, celle du Toba en Indonésie. Mais il faut bien reconnaître que les autres épisodes glaciaires ne sont pas liés à des explosions volcaniques.
Là on rejoint un autre problème qui est celui des extinctions (dinosaures, etc. ) du passage Crétacé-Tertiaire. Il y a deux coupables possibles, l’impact de l’astéroide responsable de la cicatrice de Chicxulub au Mexique, censé avoir causé une sorte d’”hiver nucléaire” catastrophique pour la végétation. Ou bien les éruptions volcaniques massives des trapps du Deccan en Inde, censées avoir abouti à un résultat climatique semblable (cf. ci-dessus). On a même imaginé que les deux événements étaient liés, l’impact ayant provoqué une perturbaton majeure dans le manteau terrestre et alimenté le volcanisme du Deccan. Autrement dit, un remake de la vieille question l’oeuf qui fait la poule ou la poule qui fait l’oeuf. Mais aux dernières nouvelles, l’impact météoritique serait relativement tardif par rapport à la séquence éruptive. En outre, il existe d’autres impacts météoritiques géants qui ne sont aucunement liés à une quelconque extinction biologique. Voilà où on en est, toujours dans la controverse.
Cette affaire du volcanisme est exploitée pour d’autres crises paléontologiques, comme celle du passage Cénomanien-Turonien (90 Ma) via des ”proxies” comme les isotopes du mercure dans les sédiments. Mais rien de bien convaincant non plus.
Bref, pour répondre à votre question, on continue de nager. La géologie déterre les faits mais l’explication peine.
On en retiendra surtout que le climat a constamment varié, sans aucune intervention humaine. Alors, le minuscule réchauffement récent, soit disant dû au CO2, prout !
Pour terminer, la presse nous bassine depuis qq jours avec les années récentes, les plus chaudes jamais enregistrées. C’est vraiment se foutre du monde. Sur le site WUWT (https://wattsupwiththat.com/2023/07/17/ryan-maue-puts-yesterdays-us-extreme-heat-in-context/), on a des cartes comparant la ”catastrope” actuelle et celle de 1936 (le Dust Bowl américain avec ses conséquences dramatiques humaines). L’auteur du billet, sur le mode sarcastique, se contente de dire que le coup de chaleur actuel est climatique, celui de 1936 est dû au ”Dust Bowl”, alors que le Dust Bowl est une conséquence, non une cause.
Bon, je retourne bosser.
Merci pour toutes les informations SCIENTIFIQUES que vous nous faites passer, ça change des médias officiels incultes qui ne jouent sur le spectaculaire et la peur. Continuez !
Parce que c’est trop compliqué. Personne ne comprend vraiment tout ce qui se passe. Si c’était le cas, on saurait faire des prévisions (ou plutôt prédictions) météo exactes sur de longues périodes.
Dans Star Trek, sur certaines planètes, on a recours à un système de contrôle climatique alimenté par un réacteur à anti-matière. Mais ça, c’est pour dans 3 ou 4 siècles.
Pour l’instant, un peu d’humilité ne ferait pas de mal.