Ce que signifie la nomination de Monique Barbut au gouvernement

Rémy Prud’homme

La nomination de Monique Barbut au gouvernement Lecornu 2 interpelle les citoyens pour plusieurs raisons.

Mme Barbut a fait l’essentiel de sa carrière à WWF. Rien d’infamant en cela. WWF est une multinationale de lobbying principalement américaine (et allemande) basée en Suisse. Elle défend des idées et engage des actions conformes à la demande des citoyens de ces pays, de leurs gouvernements, et de leurs entreprises – qui la financent. Idées et actions qui ne sont pas nécessairement celles des citoyens, des gouvernements et des entreprises français. WWF a une branche, une succursale, une filiale en France, que Mme Barbut a dirigé. Elle était donc une salariée, payée pour mettre en œuvre en France des décisions prises à l’étranger. Cela se pratique assez couramment dans le secteur privé. Mais un Etat n’est pas une entreprise. L’Etat travaille pour ses citoyens, l’entreprise pour ses actionnaires et ses employés. Il est pour le moins étrange de choisir comme ministre de la France quelqu’un qui n’a guère travaillé pour la France, et qui a au contraire été dans la situation d’avoir à œuvre contre la France.

Cette hypothèse est-elle purement théorique ? Hélas non. A plusieurs reprises, Mme Barbut a fait son métier, et officiellement manœuvré contre l’intérêt de la France et les positions de son gouvernement. Il y a quelques années, la Commission européenne établissait la liste des activités énergétiques « vertueuses » susceptibles de bénéficier de financements européens : l’éolien, le photovoltaïque, le gaz. Le nucléaire devait-il figurer sur cette liste ? Oui, demandait (à juste titre) le gouvernement français. Non, demandait le gouvernement allemand, et souhaitait la Commission ; le « non » était vigoureusement soutenus par WWF, et donc par Mme Barbut, qui fit de son mieux pour empêcher le nucléaire d’être listé. Le combat, âpre et long, fut finalement gagné par la France – malgré Mme Barbut.

La nomination d’une militante connue de l’anti-nucléaire au ministère de la Transition énergétique est-elle la marque d’un quatrième tournant de la politique énergétique de la France ? Le premier, dans les années 1970, a été le choix du plus grand programme d’électricité nucléaire du monde, qui nous a donné une électricité abondante, bon marché, non-subventionnée, décarbonée, et indépendante. Le second, à partir des années 1990, a consisté à organiser la disparition de ce programme, afin de le remplacer par l’électricité éolienne et photovoltaïque subventionnée, intermittente, aléatoire. Cette politique a doublé le prix de l’électricité, et abimé EDF. Elle était porté par à peu près tous les parti politiques et par de nombreuses ONG (dont WWF) qui voulaient « sortir du nucléaire ». Mme Barbut, avec beaucoup d’autres, symbolise ce deuxième tournant. Dans les années 2020, s’amorce un troisième tournant. Beaucoup (pas tous) prennent conscience des avantages du nucléaire et des inconvénients des intermittents (mieux vaut tard que jamais), et promettent de remettre en selle le nucléaire, à faire de l’anti-Barbut si l’on veut. Avec la nomination de Mme Barbut comme ministre de la Transition énergétique, on a bien l’impression d’un demi-tour, d’un retour en arrière, c’est-à-dire d’un quatrième tournant. Ce zig-zag inquiète tous les citoyens, et effraye ceux qui savent compter.

Une autre interrogation des citoyens porte sur les compétences de Mme Barbut. Elle est présentée comme une « haute fonctionnaire » qui serait une « grande spécialiste » du sujet. Elle n’est nullement fonctionnaire : on devient fonctionnaire en passant un concours de recrutement, ce que Mme Barbut n’a, semble-t-il, jamais fait. Et on ne voit pas bien quelles sont ses compétences. Elle a fait, disent ses biographies, de maigres études « d’économie », sans préciser quel diplôme elle a obtenu, ce qui n’est jamais bon signe. (Bien entendu, il y a des diplômés ignorants, et des non-diplômés savants, j’en ai rencontré). On ne voit pas bien où et comment Mme Barbut aurait acquis les connaissances en physique, en chimie, en biologie, en économie, etc. qui justifieraient son poste. Son expérience semble principalement bureaucratique : elle a navigué habilement de la bureaucratie française à la bureaucratie onusienne et à la bureaucratie des ONG internationales (elle pourrait écrire un beau livre sur une comparaison de ces types de bureaucratie). Les politiciens qui deviennent ministres ont (presque toujours) une légitimité électorale, ce qui est très respectable. L’idée d’avoir aussi des ministres issus de la société civile est tout-à-fait recevable. Encore faut-il qu’ils remplacent la légitimité électorale par une autre forme de légitimité : la direction réussie d’une entreprise, ou une contribution scientifique particulière, ou une œuvre artistique remarquable, voire un exploit sportif. On peine à voir quelle forme de légitimité offre Mme Barbut.

Finalement, la seule explication que l’on peut trouver à cette nomination ministérielle est qu’elle est un cadeau politicien au groupe écologiste à l’Assemblée Nationale, cadeau dont on espère qu’en retour il déplacera quelques voix écologistes lors d’un vote de censure.

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7 réflexions au sujet de « Ce que signifie la nomination de Monique Barbut au gouvernement »

  1. Je ne suis pas trop inquiet: si, comme vous le dites, elle est un cadeau au écolos et que en outre elle semble totalement incompétente, cela montre que ce ministère ne représente plus un enjeu majeur.
    Mais je peux me tromper…

  2. La nomination de cette dame, qui justifiait largement de voter la censure, est bien la preuve que notre président méprise la France et les Français.
    Nous ne parlons que de l’âge du départ à la retraite alors que le sabotage systématique de notre économie finira par détruire jusqu’à l’idée même de la retraite.

    • D’autant que Mme Barbut a largement dépassé elle-même l’âge de prendre sa retraite !
      Mais pour une prébende (et après, pour une retraite) de ministre, que ne ferait-on pas? On se proposerait même centenaire !

  3. relativisons peut être un peu: pour combien de temps est elle là? et quelle sera la place qui lui sera faite?
    Et puis, mais ça ne rassure pas: combien de ministres passés de l’écologie sont ils porteurs dune légitimité électorale, de réussite d’entreprise ou de notoriété scientifique?
    Je croyais bêtement que le WWF s’occupait de la ‘vie sauvage’ , de la biodiversité comme on dit maintenant. Je découvre, avec peine, que leur domaine d’action va bien au delà

  4. Oui, lire également l’article publié par Géraldine Woessner dans Le Point : « … un art de brouiller les pistes et de marier les contraires, maquillé d’une épaisse couche de technicité, empilement de sigles et de titres rassurants … la nomination de Monique Barbut au ministère de la Transition Écologique relève, pourtant, d’une certaine habileté … »
    À suivre !

  5. La Comedia dell’arte, c’est ce à quoi nous assistons depuis plusieurs semaines. Je ne dresserai pas ici la liste des personnages qui ont fait la célébrité de ce genre théâtral. Pourtant forte est la tentation d’associer, d’Arlequin à Pagliaccio en passant par Colombine et Matamore, nos ministres du gouvernement Lecornu II dont mascarades et pitreries sont les principales caractéristiques.
    Les bouffons sont donc présents mais où donc est le Roi ?

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