La sixième extinction des espèces : une extrapolation malhonnête

La revue américaine PNAS a publié en mai 2017 une étude intitulée :  « Biological annihilation via the on going sixth mass extinction signaled by vertebrate population losses and declines ». La presse française relaie ces derniers jours cette étude avec des titres rivalisant d’alarmisme : « La sixième extinction de masse des animaux s’accélère » (Le Monde 10 juillet), « La sixième extinction de masse des animaux est sous-estimée » ( Futura 11 juillet), etc.

L’expression « la sixième extinction » a été popularisée par Elizabeth Kolbert, journaliste au New Yorker et auteur de l’essai « La sixième extinction. Comment l’homme détruit la vie ». Elle est désormais couramment employée par une bonne partie de la communauté scientifique travaillant sur la biodiversité. Rappelons que la Terre a connu cinq épisodes majeurs d’extinction des espèces, la dernière qui a fait disparaître les dinosaures remontant à 66 millions d’années. La sixième serait d’un genre inédit car elle serait due aux activités humaines.

L’étude PNAS a été réalisée par trois scientifiques (deux mexicains et l’universitaire américain Paul Ehrlich). Les auteurs prétendent y montrer que les espèces de vertébrés reculent de manière massive; ils n’hésitent pas à parler d’un anéantissement biologique.

L’étude conclut que 32% des vertébrés sur les 27 600 étudiés (représentant près de la moitié des espèces de vertébrés) sont en recul à la fois en terme de taille de population et d’étendue de leurs territoires. Pour 177 mammifères pour lesquels des données détaillées sont disponibles, 30% ont perdu des territoires et plus de 40% connaissent de sévères baisses d’effectifs parfois supérieures à 80%.

Les chiffres surprennent : la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) recense 1,3 % d’extinctions chez les mammifères et les oiseaux (donnée rappelée par le Museum National d’Histoire Naturelle).

Paul Ehrlich (Professeur à l’Université de Stanford) qui est l’un des trois co-auteurs de l’étude s’était rendu célèbre en 1968 par le très controversé essai « The Population Bomb » dans lequel il prédisait qu’une famine massive devait avoir lieu au cours des années 1970 et 1980 à cause de la croissance de la population mondiale. On comprend mieux dès lors le ton délibérément alarmiste de l’étude.

Stuart Pimm Professeur à l’Université Duke (USA), naturaliste de réputation mondiale a déclaré au journal The Guardian son désaccord avec l’idée qu’une sixième extinction de masse est déjà en cours. « Bien sûr nous devons nous montrer préoccupés par la perte d’espèces dans de vastes zones … Il y a des parties du monde où il y a des pertes massives mais il y a aussi des parties du monde où il y a des progrès remarquables. Ainsi l’Afrique du Sud fait un très bon travail pour la protection des lions ».

Que les animaux sauvages soient en difficulté, du fait du braconnage, des guerres et de la pression démographique, qui peut en douter ? Mais déduire de cette situation assurément préoccupante (mais pour laquelle des solutions existent et sont dans certaines régions du monde déjà mises en œuvre) que la sixième extinction des espèces est en marche relève de l’escroquerie intellectuelle, (ou pour le dire de façon plus triviale du « Bluff » comme l’écrivait Olivier Postel Vinay dans Libération en septembre 2015).

La Liste rouge de l’UICN recense environ 1000 espèces de plantes et d’animaux éteintes au cours des quatre derniers siècles (alors que dans le même temps les biologistes découvrent et décrivent en moyenne 18 000 nouvelles espèces par an), qui s’ajoutent aux deux millions déjà connues.

Le biologiste Stewart Brand affirme dans le magazine en ligne Aeon : «L’idée que nous nous dirigeons vers une extinction massive n’est pas seulement fausse, c’est une recette pour la panique et la paralysie». Selon lui le problème n’est pas la disparition d’espèces entières, mais le déclin des populations animales sauvages qui porte atteinte à la santé des écosystèmes. Il évoque le nombre croissant de spécialistes dont les efforts de conservation et de restauration menés en divers endroits du monde ont d’ores et déjà supprimé le risque d’extinction pour de nombreuses espèces.

On peut déplorer les simplifications véhiculées par les médias. Mais ceux-ci ne sont que partiellement responsables, car l’alarmisme est souvent instillée et entretenue par les scientifiques eux-mêmes.

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