Une vaste cavité sous le glacier « Thwaites » en Antarctique Ouest repérée par la NASA

Une vaste cavité sous le glacier Thwaites en Antarctique Ouest a été repérée par la NASA. Mesurant 10 km de long, 4 km de large et 300 m de hauteur, cette cavité s’est ouverte à la base du glacier entre 2011 et 2016, séparant la glace du socle rocheux ouvrant la voie aux eaux chaudes provenant de l’océan et en le faisant fondre par en-dessous. Selon la NASA, la cavité est assez grande pour avoir contenu 14 milliards de tonnes de glace dont la majeure partie aurait fondu durant les trois dernières années.

Cette découverte a fait l’objet d’une étude publiée le  31 janvier 2019 dans la revue Sciences advance intitulée « retrait hétérogène et fonte du glacier Thwaites » (Heterogeneous retreat and ice melt of Thwaites Glacier, West Antarctica) qui révèle un schéma complexe de retrait et de fonte des glaces, avec des secteurs en recul rapide (0,8 km par an) avec une glace fondant au rythme de 200 mètres par an, tandis que d’autres se retirent à moins vite (0,3 km par an) avec une glace fondant 10 fois plus lentement.

Ces résultats montrent que les interactions glace-océan sont plus complexes qu’on ne le croyait auparavant et sont mal représentées à l’heure actuelle par les modèles couplé inlandsis-océan. Les auteurs soulignent la nécessité d’observations détaillées des dessous des glaciers de l’Antarctique pour calculer la vitesse à laquelle le niveau mondial de la mer s’élèvera en réponse à la fonte de ce glacier.

Les spécificités des glaciers de l’Antarctique Ouest

Thwaites et pine island

Dans l’Antarctique ouest, les glaciers fondent par le dessous

Dans un article de ce site intitulé « Fonte des glaciers de l’antarctique : réchauffement climatique ou variabilité naturelle ? », nous rappelions que la fonte basale (les glaciers fondent par le dessous) résulte d’interactions complexes entre la variabilité océanique, la géologie locale et la variabilité climatique. Une étude publiée en novembre 2016 dans la revue Nature montrait qu’une une cavité océanique due à l’incursion d’eau marine sous Pine Island avait  eu lieu en 1945 (± 12 ans).

Une région située au sommet d’un important système de rift volcanique

D’autre part, la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental  se situe au sommet d’un important système de rift volcanique [1]. Une étude publiée en juin 2018 dans la revue Nature [2] apportait des preuves géochimiques d’une source de chaleur volcanique en amont de Pine Island. La chaleur volcanique induit la fonte sous le glacier au sol et alimente le réseau hydrologique sous-glaciaire traversant la ligne d’échouage. L’étude de Nature indique également que  l’activité volcanique pourrait augmenter le taux d’effondrement du Glacier Thwaites, adjacent au Glacier de Pine Island.

Une étude de l’Université du Texas de 2014 [3] a conclu que « de vastes zones à la base du glacier Thwaites fondent rapidement en relation avec un flux géothermal provoqué par la migration du magma associée au rift et au volcanisme ».

D’énormes incertitudes sur le rythme de la fonte et de la montée des eaux en résultant

De la taille de la Floride, le glacier Thwaites est actuellement responsable d’environ 4 % de l’élévation du niveau de la mer dans le monde. Il contient suffisamment de glace pour soulever l’océan mondial d’un peu plus de 65 centimètres et l’effondrement des glaciers voisins par effet Domino feraient monter le niveau de la mer de 2,4 mètres supplémentaires si toute la glace était perdue.

Mais à quelle échéance cela se produira -il ? Une incertitude considérable subsiste quant aux prévisions de perte de glace future de l’Antarctique occidental.

En juin 2018 Shepherd et al  ont estimé les pertes de glace en Antarctique dans une étude publiée dans  la revue Nature (commentée dans un article de ce site). Les pertes de glace l’inlandsis antarctique entre 1992 et 2017 auraient été de 2720 ± 1 390 gigatonnes (soit 109 Gigatonnes par an en moyenne) ce qui correspond à une augmentation du niveau moyen de la mer de 7,6 ± 3,9 millimètres. Au cours de cette période le taux annuel de perte de glace de l’Antarctique occidental serait passé de 53 ± 29 milliards à 159 ± 26 milliards de tonnes par an; le taux de perte de glace de la péninsule Antarctique serait passé de 7 ± 13 milliards à 33 ± 16 milliards de tonnes par an. La partie Est de l’Antarctique gagnerait  5 ± 46 Gigatonnes par an).

La plage d’incertitude des estimations de cette étude est considérable :  les auteurs la donnent pour 1 écart-type ce qui correspond à  un intervalle de confiance de 68%. Si l’on avait retenu l’intervalle de confiance à 95% (soit 2 fois l’écart type), ce qui est l’usage dans la littérature scientifique, les résultats auraient été de 2 720 ±2 780 Gt (7,6 ±7,8 mm du niveau marin).

Tous les chercheurs ne sont pas d’accord avec l’estimation de pertes nettes en Antarctique. Dans une étude de la NASA publiée en juillet 2017 dans la revue journal of glaciology, H. Jay Zwally  [4] chercheur à la NASA estime que les gains de glace dans l’Est de l’Antarctique dépassent  les pertes de l’Antarctique Ouest. L’antarctique aurait ainsi globalement gagné 112 gigatonnes de glace entre 1992 et 2001, et 82 gigatonnes entre 2003 et 2008.

Rappelons que la superficie totale de l’inlandsis de l’Antarctique est de 14 000 000 km², que son épaisseur moyenne est supérieure à 2 000 mètres (et maximale de 4776 m sur la terre de Wilkes). La calotte glaciaire renferme environ 30 millions gigatonnes de glace : si l’on rapporte les pertes annuelles (160 gigatonnes selon les prévisions les plus pessimistes) à ce volume total, on reste dans des ordres de grandeur négligeables voire non mesurables.

Lancement du programme d’études sur le glacier Thwaites

C’est pour réduire ces incertitudes qu’un programme scientifique intitulé International Thwaites Glacier Collaboration a été lancé pour améliorer les projections décennales et à plus long terme (siècle à siècle) de la perte de glace et de l’élévation du niveau de la mer provenant du glacier Thwaites.  Ce programme auquel participent le NSF américain [5] et le NERC[6] britannique commencera ses expériences sur le terrain à l’été 2019-20.


[1] À ce jour, pas moins de 138 volcans ont été identifiés dans l’Antarctique occidental van Wyk de Vries, M., Bingham, RG et Hein (http://sp.lyellcollection.org/content/early/2017/05/26/SP461.7)

[2] Evidence of an active volcanic heat source beneath the Pine Island Glacier

[3] Evidence for elevated and spatially variable geothermal flux beneath the West Antarctic Ice Sheet (https://www.researchgate.net/publication/263098960_Evidence_for_elevated_and_spatially_variable_geothermal_flux_beneath_the_West_Antarctic_Ice_Sheet)

[4] H. Jay Zwally chercheur au centre de vol spatial Goddard de la NASA et responsable du programme satellite Ice Cloud and Land Elevation Satellite (ICESat),

[5] National Science Foundation

[6] National Environmental Research Council

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