Les plages du monde ont gagné 33 centimètres par an au cours des 3 dernières décennies

Nous proposons ici la traduction d’un article intitulé The State of the World’s Beaches (l‘état des plages du monde) publié en avril 2018 dans la revue Nature qui analyse l’évolution du littoral sur une période de 33 ans. L’étude ne s’intéresse qu’aux côtes sablonneuses qui représentent 31% du total des côtes mondiales libres de glace. Les chercheurs ont analysé les photos prises par satellite (SDS Satellite Derived Shoreline) entre 1984 et 2016. Ils estiment que 24% des plages sablonneuses du monde s’érodent tandis que 28% s’accroissent et 48% restent stables. À l’échelle mondiale, les plages du monde se sont accrues en moyenne de 0,33 mètres par an au cours des trois dernières décennies, soit un gain total de 3 663 km 2  au cours de cette période.


Résumé

Les zones côtières constituent l’une des zones terrestres les plus densément peuplées et développées du monde. Malgré l’utilité et les avantages économiques que procurent les côtes, il n’y a pas d’évaluation fiable à l’échelle mondiale des tendances historiques du changement du trait de côte. Ici, grâce à l’utilisation d’images satellitaires disponibles depuis 1984, en conjonction avec des méthodes sophistiquées d’interrogation et d’analyse d’images, nous présentons une évaluation globale de la proportions des plages sablonneuses dans le littoral et de leur vitesse de changement. En utilisant une méthode de classification supervisée d’images basée sur les pixels, nous avons trouvé que 31% du littoral libre de glace du monde est sablonneux. L’application d’une méthode automatisée de détection du trait de côte aux rivages sablonneux ainsi identifiés nous a permis d’obtenir un ensemble de données mondiales sur la vitesse de modification du trait de côte pour la période de 33 ans allant de 1984 à 2016. L’analyse des données du littoral provenant d’observations satellitaires indique que 24% des plages sablonneuses du monde s’érodent à des taux dépassant 0,5 m/an, tandis que 28% s’accroissent et 48% restent stables. La majorité des rivages sablonneux située dans des zones marines protégées s’érode, ce qui suscite de graves préoccupations.

Introduction

Les zones côtières ont historiquement attiré les humains et les activités humaines en raison de l’abondance des bienfaits, de la valeur esthétique et des divers services écosystémiques qu’elles fournissent. En conséquence, les zone côtières du monde entier sont devenues très peuplées et se sont développées avec 15 des 20 mégalopoles (population> 10 millions) du monde étant situées dans des zones zone côtières. Le littoral global est spatialement très variable et comprend plusieurs types de reliefs côtiers différents, par exemple des presqu’îles, des falaises, des estrans ( Estrans : partie du littoral périodiquement recouverte par la marée) et des deltas fluviaux. Parmi ces différents types de littoral, nous nous sommes concentrés ici sur les côtes sablonneuses, qui sont très dynamiques dans le temps et dans l’espace, et constituent une partie substantielle de la côte mondiale . Comme les côtes sablonneuses sont très développées et densément peuplées en raison des bienfaits et de l’esthétique qu’elles offrent, l’érosion de ces côtes au cours des dernières décennies entraîne déjà des pressions côtières. Inévitablement, les impacts du changement climatique sur les côtes sableuses ne feront qu’exacerber cette situation. Ainsi, des évaluations fiables de la proportion des côtes sablonneuses et de leurs vitesse de changement sont essentielles pour une planification spatiale efficace, un développement côtier durable, des projets d’ingénierie côtière et l’atténuation des impacts du changement climatique le long des côtes du monde entier.

Malgré l’utilité, les avantages économiques et la nature dynamique des côtes sableuses, il n’existe aucune évaluation fiable à l’échelle mondiale de leur occurrence ou des vitesses de changement du littoral (c.-à-d. Taux d’érosion / d’accrétion). Les estimations à l’échelle mondiale actuellement disponibles de ces phénomènes varient considérablement, et la façon dont la plupart de ces estimations ont été calculées n’est pas claire pour ne pas dire obscure. Par exemple, le pourcentage à l’échelle mondiale d’occurrence des littoraux sablonneux qui est rapporté dans la littérature varie d’un facteur 7 allant de 10% à 75%. En ce qui concerne les taux de changement dans les rivages sablonneux, plusieurs estimations récentes fiables à l’échelle régionale existent pour l’Europe (27% d’érosion et les plages barrières de la côte est des États-Unis (86% d’érosion.) La seule évaluation à l’échelle mondiale disponible est celle de Bird qui estime que 70% des littoraux sablonneux du monde s’érode. Cependant, parce que l’étude de Bird, qui était à l’époque révolutionnaire, reposait principalement sur une enquête menée auprès de 200 participants originaires de 127 pays, cette estimation est plutôt qualitative.

Une estimation robuste de la vitesse de changement du trait de côte requiert nécessairement des informations continues et portant sur une période longue sur la position du littoral. Historiquement, l’acquisition de données sur les rivages a été une tâche laborieuse et coûteuse, car elle impliquait des relevés terrestres classiques ou l’analyse de données temporellement lacunaires recueillies à partir de plateformes aériennes (photographies ou télédétection par laser). L’augmentation de la disponibilité, de la résolution et de la couverture spatiale de l’imagerie satellitaire au cours des dernières années constitue maintenant une moyen très puissant d’obtenir à l’échelle mondiale des données fiables sur les traits de côte, comme nous le montrons dans cet article.

Jusqu’à présent, la méthode couramment utilisée pour extraire le trait de côte des images satellites impliquait une analyse minutieuse image par image de séries d’images qui se chevauchaient. Le lancement récent de la plate-forme Google Earth Engine (GEE), qui contient des archives d’images satellitaires mondiales mises à jour en permanence, permet désormais une détection efficace des traits de côte à l’échelle mondiale. Le fait d’avoir à la fois une base de données d’images satellitaires s’évaluant en pétaoctets (1 pétaoctet =1015 octets NDT), et des moyens de calcul du  côté serveur de la plate-forme, réduit le temps de traitement de l’image à seulement quelques minutes par image et permet une validation efficace des traits de côte détectés automatiquement sur une multiplicité de sites, là où des données “in situ” sont disponibles.

Pour permettre la cartographie globale des littoraux sablonneux, il est d’abord nécessaire d’identifier les plages sablonneuses, puis de déterminer les positions du trait de côte dans chaque image de la plate-forme GEE. Les échelles spatio-temporelles associées à cette étude (échelle globale, période de 33 ans) et la grande quantité d’images satellitaires qui doivent donc être analysées nécessitent l’utilisation de techniques robustes et automatisées d’analyse des images. Apprentissage automatique et traitement d’image les techniques se prêtant à de telles analyses automatisées sont disponibles. Cependant, pour pouvoir utiliser les positions des traits de côte relevés par satellite pour des applications concrètes (telles que l’estimation fiable des tendances et des dommages structurels à l’infrastructure), une résolution horizontale d’au moins 10 à 20 m est requise. Par exemple, les vitesse de changement de rivage supérieures à 0,5 m / an sur une longue période sont généralement employés pour signaler une zone côtière affectée d’une tendance à long terme (décennie au siècle) à l’ érosion ou l’accrétion. Sur une période de 30 ans, cela signifierait un déplacement total de 15 m seulement. Des études antérieures ont évalué entre 1,6 et 10 m la précision des mesures de position du  trait de côte obtenues par satellite SDS (Satellite Derived Shoreline NDT) à partir d’images uniques. Il convient de noter que ces études ont souffert de limitations telles que le nombre d’images utilisées, la qualité des données in situ utilisées pour la validation ou l’ampleur des changements dans la position du littoral observé. Récemment, Hagenaars et al  ont présenté une analyse d’images satellites portant sur une longue période, mais à échelle locale, sur les tendances du trait de côte, qui permet de surmonter toutes les limitations mentionnées ci-dessus. Ils ont trouvé en créant des images composites que la précision de la technique SDS était de l’ordre du sous-pixel (a peu près la taille d’un demi-pixel, soit 15 m pour Landsat et 5 m pour Sentinel-2). La précision inférieure à 15 m, rapportée par Hagenaars et al pour les images composites de Landsat, correspond au déplacement de 15 m requis pour des classifications fiables de changement des traits de côte au cours des 30 dernières années. Pour cette raison, nous adoptons la même approche dans cette étude, mais à l’échelle mondiale.

Nous présentons ici une évaluation mise à jour de la dynamique des rivages sableux à l’échelle mondiale à l’aide d’une analyse entièrement automatisée d’images satellitaires portant sur une période 33 ans (1984-2016). Tout d’abord, nous détectons les plages de sable dans le monde entier en appliquant à une image composite globale de haute résolution sans nuage pour 2016, une méthode de classification supervisée basée sur les pixels. Un jeu d’essai de données numérique est fourni au logiciel de classification et validé pour 50 sites dans le monde incluant les plages sableuses et non sablonneuses. Ensuite, nous appliquons un algorithme de détection du trait de côte à des images composites libres de nuages en utilisant plus de 1,9 million images provenant de l’historique Landsat. Après une validation quantitative réussie de cette technique sur plusieurs localisations géographiques connaissant des conditions environnementales variées, nous obtenons la vitesse de changement du trait de côte en mètres par an avec un espacement longitudinal de 500 m le long des rivages du monde. Les méthodes mentionnées ci-dessus sont développées dans la section Méthodes ci-dessous tandis que la validation complète est présentée en annexe (S2) .

Les principaux résultats de notre analyse comprennent: (a) la présence mondiale de plages sableuses, (b) le taux d’érosion / accrétion sur toutes les plages de sable du monde, (c) les impacts naturels et anthropiques observés sur l’érosion/ l’accrétion côtière pour une sélection de sites et (d) l’identification des points chauds mondiaux en termes d’érosion / accrétion côtière.

Résultats

Présence des rivages sablonneux au plan mondial

Les classifications côtières ont été largement utilisées dans le domaine de la géomorphologie pour caractériser la diversité des reliefs côtiers et les contextes dans lesquels ils émergent, mais jusqu’à présent, aucun système de classification n’a été exhaustif. Les critères dans ces classifications comprennent typiquement les contrôles tectoniques et hydrodynamiques, ainsi que la réponse sédimentologique. Les contrôles hydrodynamiques considérés comprennent les classifications des paramètres vagues, de l’amplitude des marées et une combinaison des deux. Une classification présentée par Boyd et al, qui prend en compte l ‘importance relative des apports fluviaux, l’ énergie des vagues et le forçage des marées, a fourni une analyse utile des côtes sédimentaires siliciclastiques. La combinaison des contrôles tectoniques et hydrodynamiques a conduit à la proposition de classifications morphogénétiques côtières, qui sont probablement les schémas de classification les plus largement utilisés.

La texture et la composition des sédiments sont en outre utiles pour classer et décrire les environnements sédimentaires côtiers. Cependant, les valeurs de la présence mondiale de littoraux sablonneux varient entre 10% et 75% (voir le tableau 1). Les méthodes utilisées pour arriver à ces valeurs restent, dans la plupart des cas, peu claires ou qualitatives (comme également indiqué dans le tableau 1.

Tableau 1 : Valeurs déclarée de la proportion mondiales et régionales des littoraux sableux et des pourcentages d’érosion et d’accrétion chroniques.

Dans notre analyse, nous avons appliqué une méthode de classification supervisée (contrôlée par l’homme) des images satellitaires globales sans nuage (voir la section 3.2) pour identifier les littoraux sablonneux. L’une des principales raisons pour lesquelles nous nous concentrons ici sur les plages sablonneuses est que la détection de la dynamique du trait de côte pour les rivages non sablonneux comme les côtes boueuses peut être complexe. Les plages en pente douce avec de grandes marées horizontales et une teneur élevée en eau entravent la détection correcte du littoral. Dans le cas des mangroves, les cycles de croissance saisonniers peuvent entraver la détection correcte du trait de côte. En outre, comme les niveaux de “réflectance” (en photométrie, la réflectance, également nommée facteur de réflexion, est la proportion de lumière réfléchie par la surface d’un matériau. NDT) des plages de sable et de gravier ne peuvent pas être différenciées dans l’imagerie satellitaire, les deux matériaux provenant des mêmes composants granulaires de roche finement désagrégées, nous assimilons les plages de gravier aux plages sableuses.

Notre analyse montre que 31% du littoral mondial libre de glace est sablonneux. Le continent ayant la plus forte présence de plages sableuses est l’Afrique (66%), alors qu’en Europe, seulement 22% du littoral est sablonneux (voir le tableau inséré dans la figure 1). Le pourcentage de littoraux sablonneux obtenus à partir de cette analyse pour les États-Unis et l’Australie corroborent les valeurs d’échelle régionales rapportées plus récemment (voir le tableau 1). L’écart en pourcentage plus important constaté pour l’Europe est significativement influencé par la plus petite longueur totale de littoral utilisée dans la base de données Eurosion. Il convient de noter que la classification “plages de sable” comprend également les plages de gravier dans le monde. Les niveau de “réflectance” des plages de sable et de gravier ne peuvent pas être différenciées dans l’imagerie satellitaire car les deux matériaux proviennent des mêmes composants granulaires de roches finement désintégrées.

Figure 1

côtes sablonneuses

Figure 1 : Répartition mondiale des littoraux sableux; les points colorés le long des rivages du monde représentent le pourcentage local de littoraux sableux (jaune pour le sable, brun foncé pour le non-sable). Le cartouche de droite présente la proportion des rivages sablonneux par degré de latitude, la ligne pointillée montrant la distribution latitudinale des littoraux sablonneux signalés par Hayes. Le cartouche inférieur présente la proportion des rivages sableux par degré de longitude. Les lignes pointillées gris de la carte principale représentent les limites des traits de côte libres de glace considérées dans notre analyse. Les pourcentages soulignés indiquent les pourcentages de littoraux sableux moyennés par continent. La carte est créée avec Python 2.7.12 en utilisant Cartopy (v0.15.1.et Matplotlib.

 

La distribution latitudinale globale des littoraux sableux montre une corrélation avec la latitude et donc avec le climat; aucune corrélation n’est trouvée avec la longitude. La proportion de rivages sableux augmente dans les régions subtropicales et les latitudes moyennes inférieures (20 ° -40 °) avec des maxima autour des “Horse latitudes” (près de 30 ° S et 25 ° N, voir la figure 1). En revanche, ils sont relativement moins fréquents (<20%) dans les tropiques humides où la boue et les mangroves sont les plus abondantes en raison des températures élevées et des précipitations. Le pourcentage de littoraux sablonneux diminue au-delà de 50° de latitude. Cette distribution latitudinale des littoraux sablonneux est conforme à la variation latitudinale des sédiments communs dans le plateau continental intérieur signalée par Hayes, sur la base d’environ 2000 transects provenant de 131 zones côtières (voir le cartouche droit de la Figure 1 ).

Érosion globale des plages de sable

L’érosion mondiale des plages est apparue au cours des années 80, à la suite des études du groupe de travail de l’Union géographique internationale sur la dynamique de l’érosion côtière (1972-1976) et de la Commission sur l’environnement côtier (1976-1984). Dans ces études, deux cent participants représentant 127 pays ont contribué à une étude qui a montré que 70% des plages sableuses mondiales ont connu une érosion nette, 10% une accrétion nette, alors que 20% étaient stables. Cependant, comme ces estimations étaient principalement le résultat d’interviews, elles sont nécessairement au mieux qualitatives. En outre, les estimations n’ont probablement pas pris en compte les changements intervenus le long des côtes non aménagées et inhabitées en raison de la méthodologie adoptée (basée sur des entretiens).

La distribution mondiale quantitative des littoraux sablonneux présentés ici, pour la première fois, permet de procéder à une évaluation à l’échelle globale objective et actualisée des changements chroniques du littoral (c.-à-d. de l’Érosion et l’accrétion des plages). L’érosion des plages peut se produire à différentes échelles de temps. Les tempêtes isolées entraîneront généralement une érosion à court terme, suivie d’une accrétion à court terme, entraînant une variation nette négligeable sur des échelles de temps de quelques semaines-mois. Si les carences en sédiments persistent pendant de longues périodes (par exemple en raison d’un affaiblissement du gradient du littoral dans le transport des sédiments, ou de la réduction de l’apport de sédiments fluviaux à la côte), une érosion chronique peut en résulter. L’analyse présentée ici met l’accent sur l’érosion chronique et l’accrétion. Cependant, il n’existe pas de normes communes pour la classification de vitesse de changement chronique des plages qui est généralement quantifiée au moyen d’un traitement statistique des taux d’érosion et /ou des pertes volumétriques.

La précision des données SDS d’environ 0,5 pixel (voir Section 1) et la période d’étude d’environ 30 ans permettent une classification des vitesses de changement des plages avec des intervalles de 0,5 m/an. Par conséquent, nous avons adopté le système de classification de l’érosion chronique des plages proposé par Esteves et Finkl et l’ avons étendu à une classification pour l’érosion extrême résultant du schéma ci-dessous:

  • Accrétion> 0,5 m / an
  • Stable-0.5 à 0.5 m / an
  • Erosion-1 à -0,5 m / an
  • Érosion intense-3 à -1 m / an
  • Érosion sévère-5 à -3 m / an
  • Erosion extrême <-5 m / an

Notre évaluation montre que 24% des plages sableuses du monde s’érodent continuellement à un rythme dépassant 0,5 m / an au cours de la période d’étude (1984-2016), tandis que 27% s’accroissent (voir le tableau 1). Environ 16% des plages sableuses connaissent des taux d’érosion supérieurs à 1 m/an, et 18% des taux d’accrétion supérieurs à 1 mètre par an.

L’érosion chronique des plages (<-0,5 m / an) apparaît à l’échelle du globe avec une variation latitudinale relativement faible (voir Figure 2 ). Généralement, entre 30% et 40% des plages sableuses par degré de latitude s’érodent avec des valeurs d’érosion relativement élevées jusqu’à 50% juste au sud de l’équateur, associées à des pertes de terres à grande échelle adjacentes à l’embouchure de l’Amazone.

Figure 2

Figure 2 : Points névralgiques mondiaux d’érosion et d’accrétion des plages; les cercles rouges (verts) indiquent l’érosion (accrétion) pour les quatre classifications dynamiques pertinentes du littoral (voir la légende). Les graphiques en barres à droite et en bas présentent l’occurrence relative de littoraux sablonneux qui s’érodent (s’accumulent) par degré de latitude et de longitude, respectivement. Les chiffres présentés dans la carte principale représentent le taux de changement moyen pour tous les littoraux sableux par continent. La carte est créée avec Python 2.7.12 en utilisant Cartopy (v0.15.1, Met Office UK, et Matplotlib.

Des taux d’érosion plus sévères sont trouvés à divers endroits à travers le globe. Environ 7% des plages de sable du monde connaissent des taux d’érosion classés comme sévères. Les taux d’érosion dépassent 5m par an le long de 4% du rivage sablonneux et sont supérieurs à 10 m/an pour 2% du littoral sableux global. D’autre part, environ 8% des plages sableuses du monde connaissent une accrétion significative (> 3 m/an), tandis que 6% connaissent une accrétion de plus de 5 m/an et 3% de plus de 10 m par an).

l’Australie et l’Afrique sont les seuls continents pour lesquels l’érosion nette (-0,20 m / an et -0,07 m / an respectivement) est observée, tous les autres continents montrant une augmentation nette. Le continent dont le taux d’accrétion est le plus important (1,27 m/an, voir tableau à la figure 2) est l’Asie, probablement en raison du développement artificiel de la côte en Chine et à Singapour, Hong Kong, Bahreïn et UAE. À l’échelle mondiale, les plages du monde se sont accrues en moyenne de 0,33 m / an au cours des trois dernières décennies, soit un gain total de 3 663 km 2  au cours de cette période.

En utilisant les données SDS nous nous sommes ensuite concentrés sur les côtes qui sont internationalement reconnues comme des zones naturelles protégées par la base de données mondiale des aires protégées (WDPA), qui est la base de données mondiale la plus complète sur les aires protégées terrestres et marines, produites par le UNEP-WCMC et l’ UICN. Par rapport à la moyenne mondiale, un pourcentage relativement élevé de rivages sableux dans les zones identifiées par la WDPA connaissent une érosion. Notre analyse indique que 32% de tous les littoraux marins protégés sont sableux, dont 37% s’érodent à un rythme supérieur à 0,5 m / an, tandis que 32% augmentent.

Quantification de l’érosion / accumulation locale due aux interventions humaines

Aucun facteur unique ne peut facilement expliquer les tendances érosion/accrétion observées le long du rivage sablonneux global, ou l’accélération de l’érosion/accrétion sur une plage donnée. Cependant, l’analyse des tendances locales dérivées de l’évaluation des traits de côte à l’échelle mondiale présentée ici peut aider à identifier les facteurs naturels et humains du changement du littoral. Pour illustrer ceci, nous présentons deux exemples représentatifs du comportement érosif et deux autres entraînant une augmentation.Quatre autres points saillants sont présentés dans l’annexe ( S3) .

a) Exploitation du sable et affaissement

Le delta du Mékong au Vietnam, le troisième plus grand delta du monde, est de plus en plus affecté par les activités humaines et exposé à l’affaissement et à l’érosion côtière. L’érosion du littoral à grande échelle est attribuée à l’exploitation excessive du sable dans les canaux fluviaux et deltaïques et à l’affaissement dû à l’extraction non réglementée des eaux souterraines. L’analyse des données SDS (figure 3a) révèle une légère érosion entre 1984 et 1990, après quoi on trouve des vitesses d’érosion plus élevées mais constantes. Les vitesses d’érosion dans la zone considérée sont généralement comprises entre 25 et 30 m /an au cours des trois dernières décennies. La caractère linéaire accusé de la tendance, permet d’utiliser les données SDS pour les projections de perte de terres et la mise en place de stratégies de déplacement, car les vitesses d’érosion ne devraient pas diminuer dans un proche avenir sauf si des mesures d’atténuation sont mises en œuvre.

figure 3

plages du monde

Exemples de traits de côte issus d’observations satellitaire pour quatre cas choisis d’érosion et d’accrétion de plage attribuables à des interventions humaines. La colonne de gauche présente deux cas érosifs tandis que la colonne de droite montre deux cas accrétifs. Dans chaque figure, la ligne bleue indique la rive le plus ancien trait de côte SDS, tandis que la ligne rouge représente le plus récent trait de côte SDS. Les graphiques ci-dessous indiquent les positions du littoral au fil du temps pour chaque cas; les graphes supérieurs correspondent aux images de la rangée supérieure. Les taux de changement indiqués (m / an) sont obtenus à partir de la ligne donnant le meilleur ajustement des données de position du littoral. La figure est créée avec Python 2.7.12 en utilisant Matplotlib. Les cartes sont créées avec la version 2.18.3 de QGIS (Open Source Geospatial Foundation Project, en utilisant des images satellites fournies par Google Maps. Données cartographiques: Google, Terrametrics, CNES / Airbus, IGP / DGRF et DigitalGlobe.

b) Les structures côtières

Les structures portuaires de Nouakchott, en Mauritanie, ont bloqué un important transport de sable littoral unidirectionnel nord-sud depuis 1986, causant des zones d’érosion des plages qui ont eu un impact sur le développement social et l’urbanisme locaux. Les taux d’évolution des traits de côte observés après la construction du port sont 10 fois plus élevés que les valeurs qui auraient été observées à l’état naturel. Les structures brise-lames du port ont provoqué une forte érosion sur une distance de plus de 10 km dans la zone aval, où l’accrétion était susceptible de se produire en l’absence de port. Les données SDS (figure 3b ) montrent des taux d’érosion de 20 m / an.

c) Les apports de sable

Un système de dérivation à grande échelle est devenu opérationnel en 2001 sur la rivière Tweed, en Nouvelle-Galles du Sud, en Australie, afin d’atténuer l’érosion des plages au nord des jetées construites à l’entrée de la rivière. Le système de dérivation pompe le sable du sud de l’embouchure de la rivière vers trois plages situées au nord de la rivière à travers des pipelines enfouis. Les données de la SDS (figure 3 C ) montrent un élargissement de la plage d’environ 250 m à Coolangatta Bay dans les quatre années suivant la mise en service du système de dérivation.

d) Interception de la dérive littorale par les structures côtières

La construction de deux brise – lames à Praia da Barra près de la lagune Aveiro, Portugal a interrompu un transport estimé à environ 1 million de m 3 / an. Il en est résulté une érosion au sud du rivage sur environ 30 km en aval, mais aussi une forte accrétion au Nord. Les données SDS révèlent l’accrétion continue de la plage nord à une vitesse d’environ 10 m/an (figure 3d).

Points chauds mondiaux de plages en situation d’érosion ou d’accrétion

Nous présentons ici les tronçons côtiers les plus érodés et les plus “accrétifs” (nous les appelons “points chauds”) dans le monde (tableau 2). Le plus grand “point chaud” érosif se situe juste au sud de Freeport au Texas, où un tronçon de plage de17 km s’est érodé en moyenne de plus de 15 m/ an au cours des trois dernières décennies. Le plus long tronçon côtier du monde souffrant d’érosion sévère est situé plus à l’est au Texas où nous avons observé une étendue de sable de 29 km subissant un taux d’érosion moyen de 5,3 m/an. Fait intéressant, quatre des sept plus grands points chauds sont situés aux États-Unis, ce qui peut expliquer une préoccupation généralisée aux États-Unis à propos de l’érosion du littoral.

Tableau 2 : Les plus grands points chauds érosifs et accrétifs du monde.

Le plus grand point chaud “accrétif” est en Namibie à un endroit où une compagnie minière a construit des diguettes de sable non protégées dans la mer pour faciliter la prospection de diamants. La zone située à l’intérieur des digues a été asséchée pour faciliter la prospection de diamants. On trouve des plages naturellement accrétrices de plus de 20 km de long et des taux d’accrétion de plus de 7 m/an dans une île-barrière à Schiermonnikoog (Pays-Bas) et dans des endroits où les dunes migrent vers la mer (Madagascar et Mauritanie). Il convient de noter que quatre des sept plus grands points chauds accrétifs sont en fait d’origine humaine.

Perspective

Dans un proche avenir, nous prévoyons un grand essor des techniques de télédétection et d’analyse de données volumineuses pour la surveillance opérationnelle de la côte et des plages du monde. L’analyse globale du changement des traits de côte sablonneux présentée ici est principalement basée sur l’imagerie Landsat avec une résolution de 30 m et un délai de 16 jours entre deux passages. Le lancement de nouveaux satellites au cours des dernières années (Sentinel-2a, b) va enrichir de manière significative les données d’imagerie satellitaire à la fois en terme de temps (temps de passage réduit à quelques jours) et en terme de résolution spatiale (<10 m). Actuellement, des institutions privées fournissent déjà des images satellites d’une résolution d’environ 1 m, avec un passage quotidien et une couverture globale. Nous estimons que cette tendance exigera dans un proche avenir de mettre davantage d’améliorer nos capacités de traitement de bases de données volumineuses afin de mieux surveiller la façon dont la planète change.


 

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