Le didacticiel sur l’état de la science du climat rédigé par William Happer, S. Koonin, Richard Lindzen : 2ème partie

Nous avons récemment publié sur ce site la traduction de la première partie du « didacticiel » climatique fourni au juge fédéral W. Alsup par William Happer, S. Koonin, Richard Lindzen dans le cadre d’une action en justice lancée par deux villes de Californie contre cinq compagnies pétrolières.

Cette synthèse  comporte une deuxième partie intitulée « Réponses à des questions particulières » qui comprend huit questions.

  •  Question 1 : Qu’est-ce qui a provoqué les divers « âges de glace » (dont le « petit âge de glace » et des périodes froides prolongées) et qu’est-ce qui a fait fondre les glaces ? Lorsqu’elles ont fondu, de combien le niveau des mers est-il monté ?
  • Question 2 : Quelle différence de structure fait que les molécules de CO2 absorbent du rayonnement infrarouge alors que ni l’oxygène ni l’azote ne le font ?
  • Question 3 : Quel est le mécanisme par lequel le rayonnement infrarouge piégé par le CO2 dans l’atmosphère se transforme en chaleur et est redirigé vers la surface de la planète ?
  • Question 4 : Le CO2 dans l’atmosphère réfléchit-il du rayonnement solaire dans l’espace de sorte que le rayonnement solaire ainsi réfléchi ne pénètre jamais directement dans l’atmosphère ?
  • Question 5 : En dehors du CO2, que devient la chaleur émise par les pots d’échappement, les radiateurs des moteurs, et toutes autres sources de chaleur issues de la combustion de sources d’énergie fossiles ? Ces sources de chaleur collectives contribuent-t-elles (ou non) au réchauffement de l’atmosphère, et si oui dans quelle mesure ?
  • Question 6 : Nombreux sommes nous à avoir appris à l’école que les humains exhalent du CO2, mais les plantes absorbent du CO2et renvoient de l’oxygène dans l’air (conservant le ….). Cela est-il toujours valide ? Si oui pourquoi la vie des plantes ne transforme-t-elle pas davantage de CO2 en oxygène ? Etant donné l’accroissement de la population sur terre (4 milliards), la respiration humaine est-elle un facteur contribuant à augmenter la concentration de CO2 ?
  • Question 7 : Quelles sont les principales sources de CO2 responsables de l’accroissement de la concentration de CO2 dans l’atmosphère ?
  • Question 8 : Quelles sont les principales sources de chaleur responsables de l’accroissement de la température sur terre ?

Nous fournissons ici la traduction de la réponse aux deux premières questions et publierons ultérieurement la traduction des six questions restantes (l’original du document est accessible en suivant ce lien) :

Question 1 : Qu’est-ce qui a provoqué les divers « âges de glace » (dont le « petit âge de glace » et des périodes froides prolongées) et qu’est-ce qui a fait fondre les glaces ? Lorsqu’elles ont fondu, de combien le niveau des mers est-il monté ?

La discussion des grandes périodes glaciaires des derniers 700 mille ans est distincte de la discussion du  « petit âge de glace ». Les périodes glaciaires renvoient à la croissance de calottes de glace massives (épaisses de 1 km à 3 km) là où ont eu lieu des périodes de très forte accumulation de glaces, durant environ quatre-vingts mille ans ; elles ont été suivies d’interglaciaires chauds de durée vingt mille ans environ.  Le « petit âge de glace » a été une période relativement brève (quatre cents ans environ) aux températures relativement fraîches avec, sur une grande partie du globe, la croissance des glaciers de type alpin.

Alors que se multipliaient les preuves du cycle de cent mille ans des grandes glaciations, l’astrophysicien serbe Milutin Milankovitch (livre de 1941) a noté que s’il y avait toujours de la neige en Arctique en hiver, la croissance des glaciers dépendait de la persistance de cette neige pendant l’été. Il a suggéré que cette persistance était déterminée par l’intensité du flux solaire estival en Arctique, et que cette quantité changeait beaucoup selon les paramètres orbitaux de la Terre, surtout l’obliquité (cycle de 40 mille ans environ), la précession des équinoxes (cycle de 20 mille ans mais modulé par l’excentricité), et l’excentricité (cycle de 100  mille ans environ).

L’insolation estivale de l’Arctique est couramment appelée paramètre de Milankovitch. Quand on a disposé de séries temporelles pour le paramètre de Milankovitch et pour le volume des glaces [1], on a noté que le spectre temporel du volume des glaces présentait des pics aux fréquences des cycles des variations orbitales (Imbrie, 1984). Mais des doutes sur cette théorie ont été émis parce que la corrélation entre le paramètre de Milankovitch et le volume des glaces n’était pas bien bonne. Cette difficulté a été résolue indépendamment par Edvardsson et al. (2002) et par Roe (2006), qui tous deux ont noté que ce n’était pas le volume des glaces mais le changement du volume des glaces (c’est à dire, la dérivée par rapport au temps du volume des glaces) qui était à rapprocher du paramètre de Milankovitch.

Le changement du volume des glaces par unité de temps est remarquablement bien corrélé avec

le paramètre de Milankovitch. Voir la figure II-1 qui compare l’anomalie de l’insolation en juin (en vert) à la variation du volume des glaces par unité de temps (en noir).

glace arctique

Figure II-1    Corrélation entre la dérivée par rapport au temps du volume des glaces et l’insolation estivale de l’Arctique

Notons que le paramètre de Milankovitch varie sur une plage d’environ 100 W/m², du même ordre de grandeur que les flux d’énergie dans le système climatique. Edvardsson et al. (2002) a montré que ces variations suffisaient à expliquer la fonte des glaciers continentaux.

Rappelons que le changement du forçage radiatif associé aux changements des teneurs en CO2 suit dans le temps les changements de température des grands cycles glaciaires et est d’environ 2 W/m².

La dernière glaciation s’est terminée de façon un peu irrégulière. Le maximum d’extension des inlandsis a eu lieu vers dix-huit mille ans avant le présent. Une fonte a eu lieu entre vingt mille ans et treize mille ans, puis il y a eu un épisode froid (le Dryas récent) qui s’est terminé il y a environ 11 700 ans. De vingt mille ans à six mille ans avant le présent le niveau des mers est monté de 120 mètres, avec, depuis six mille ans, une montée beaucoup plus lente. Depuis la fin du « petit âge de glace » la montée a été de 15 cm par siècle.

Nous n’avons pas de certitudes pour expliquer le « petit âge de glace ». Un long « hiatus » dans l’activité solaire peut avoir joué un rôle, mais à ces échelles de temps courtes [2] nous ne pouvons exclure un effet de la variabilité naturelle interne du système climatique. Soulignons que la surface du globe n’est jamais en équilibre avec le rayonnement solaire incident net parce que les océans emportent et apportent en permanence de la chaleur de la surface et vers la surface, et les mouvements de ce système ont des échelles de temps qui vont de quelques années (par exemple le phénomène El Niño Southern Oscillation, ENSO qui se produit tous les trois à cinq ans) à des millénaires.

Reste la question intéressante de ce qui se passait il y a plus de 800 000 ans. Des épisodes glaciaires ont commencé il a 6 million d’années (Bender, 2013) mais leur rythme semble avoir été gouverné par celui de l’obliquité (40 000 ans) [3]. Les causes du phénomène n’ont pas encore été complètement étudiées, mais il semble que le cycle actuel met en jeu la croissance et le déclin de la glace permanente, alors que les précédents cycles ont connu des périodes complètement libres de glace arctique.

L’allégation que la variabilité des paramètres de l’orbite doit, pour le pilotage des glaciations, être complétée par un « coup de pouce » du CO2 vient de l’idée non plausible que ce qui importerait est la variation de l’insolation totale moyenne sur l’année  (variation qui est fort petite) et non pas de la variation, elle considérable, du paramètre de Milankovitch. Cette situation des cycles glaciaires et interglaciaires est fort différente de celle du réchauffement récent et très modeste, où la variabilité naturelle rend bien plus difficile la détermination du rôle du CO2.

Question 2 : Quelle différence de structure fait que les molécules de CO2 absorbent du rayonnement infrarouge alors que ni l’oxygène ni l’azote ne le font ?

Du rayonnement est émis ou absorbé par des densités variables dans le temps de charge électrique ou de courant qui présentent une symétrie spatiale adéquate.

Du rayonnement infrarouge thermique peut être absorbé ou émis par une molécule si les vibrations et les rotations de la molécule se font à des fréquences infrarouges ET si les vibrations et rotations des molécules produisent, dans ces molécules, des moments électriques dipolaires variables dans le temps.

Effet de serre

Figure II-2    élongations (stretch), flexion (bend) et vibrations de molécules

Comme montré à la figure II-2 ci-dessus les deux atomes O aux extrémités de la molécule linéaire CO2 sont chargés négativement et le carbone C au centre est chargé positivement. La charge de l’atome C est, en gros, la moitié de la charge positive d’un proton. La flexion de la molécule de CO2 produit un moment dipolaire électrique parce que le centre des charges négatives est déplacé par rapport à la charge positive.

Des moments dipolaires électriques variables dans le temps absorbent et émettent très efficacement du rayonnement. Comme le montre la figure, une molécule de CO2 fléchie vibre un peu comme la barre d’un xylophone et produit un dipôle électrique vibrant qui va du point milieu des deux atomes d’oxygène vers le noyau du carbone.

Ce moment dipolaire absorbe et émet du rayonnement à sa fréquence de vibration. La rotation simultanée de la molécule de CO2 étale la plage des fréquences absorbées ou émises par ces vibrations de flexion.

Les molécules de CO2 ont aussi des modes où les atomes vibrent en restant alignés. Ces modes sont dits modes d’élongation symétrique et asymétrique et ils sont étiquetés par les fréquences ν1 et ν3 sur la figure II-2. Les fréquences du mode asymétrique d’élongation sont supérieures aux fréquences de la plupart des rayonnements thermiques et donc ce mode asymétrique absorbe et émet du rayonnement thermique bien moins efficacement que le mode de flexion.

Le mode symétrique d’élongation n’a pas de moment dipolaire électrique et n’est donc qu’un très mauvais émetteur et absorbeur du rayonnement.

Les charges négatives de deux atomes O aux bouts de la molécule de CO2 viennent d’électrons qui ont été « volés » à l’atome de carbone au centre. Ce qui laisse une charge positive sur cet atome de carbone.

En haut et à droite de la figure nous montrons une molécule d’oxygène et une molécule d’azote, les deux principaux gaz de l’air. Les deux atomes aux extrémités de la molécule O2 n’ont pas de charge puisqu’ils ont la même affinité pour les électrons.  Pour les mêmes raisons les deux atomes N d’une molécule d’azote n’ont pas de charge électrique.

Les molécules O2 et N2 ont des vibrations d’élongation comparables aux vibrations d’élongation symétriques des molécules de CO2. Les molécules O2 et N2 peuvent aussi tourner. Les fréquences combinées des vibrations et des rotations sont bien dans la gamme des fréquences de l’infrarouge thermique, mais les molécules N2 et O2 n’absorbent ni n’émettent de rayonnement efficacement car elles sont dépourvues de moment dipolaire électrique variable. N2 et O2 ont des moments quadripolaires électriques qui varient avec les vibrations et les rotations, mais ces moments quadripolaires absorbent et émettent du rayonnement un million de fois moins efficacement que les moments dipolaires variables.

Les molécules diatomiques comme NO ou CO qui ne sont pas symétriques comme O2 et N2 ont des moments électriques dipolaires et peuvent donc émettre ou absorber efficacement du rayonnement thermique à leurs fréquences de vibration, quoique n’ayant que deux atomes.

Des molécules comme CO2, H2O, CO ou NO sont dites molécules de gaz à effet de serre parce qu’elles absorbent ou émettent efficacement du rayonnement tout en étant presque transparentes à la lumière du soleil. Des molécules comme O2 et N2 sont presque transparentes à la lumière du soleil mais comme elles n’absorbent ni n’émettent de rayonnement infrarouge thermique ce ne sont pas des gaz à effet de serre.

Le gaz à effet de serre le plus important est, de très loin, la vapeur d’eau. Les molécules d’eau, H2O, présentent une flexion permanente et ont des forts moments électriques dipolaires.


[1] NdT : déduit d’observations du niveau des mers

[2] NdT : des dates communément admises sont 1300 – 1860 ; l’extension des langues de glace des glaciers alpins a été maximale en 1860.

[3]  NdT angle variable entre l’axe de rotation de la Terre et le plan de l’orbite de la Terre

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