Les sécheresses actuelles sont comparables à celles du Moyen-âge

Le texte qui suit est le résumé d’une étude publiée le 25 novembre 2020 par le groupe Geosciences European Union (Climate of the Past) sous le titre « A prequel to the Dantean Anomaly : the precipitation seesaw and droughts of 1302 to 1307 in Europe ». L’étude présente les résultats préliminaires d’une recherche sur l’Anomalie de Dantée (1309-1321), nommée ainsi en hommage au poète et philosophe italien contemporain Dante Alighieri qui correspond à la phase de transition entre l’Optimum médieval (OM) et le Petit âge glaciaire (PAG). Cette transition climatique serait en partie responsable de la Grande Famine (la plus grande famine paneuropéenne du dernier millénaire) qui a tué des millions de personnes entre 1315 et 1321, mais aussi de la peste noire, la pandémie responsable de la mort de 25 millions d’Européens entre 1346 et 1353.


L’anomalie froide/humide des années 1310 dite « Anomalie Dantéenne » a beaucoup attiré l’attention des chercheurs, car elle est généralement interprétée comme marquant la transition entre l’Optimum médiéval (OM) et le petit âge glaciaire (PAG). L’énorme variabilité qui peut être observée au cours de cette décennie, comme la forte variabilité interannuelle observée dans les années 1340, est considérée comme un effet secondaire de cette transition climatique rapide. 

L’article montre qu’une sécheresse multi-saisonnière de près de 2 ans s’est produite en Méditerranée entre 1302 et 1304, qui a été suivie par une série d’étés chauds et secs au nord des Alpes de 1304 à 1306. Les auteurs suggèrent que cette anomalie sèche exceptionnelle, unique aux XIIIe et XIVe siècles, associée aux anomalies froides des années 1310 et 1340, marque le basculement climatique de l’Optimum médiéval (OM) au petit âge glaciaire (PAG). 

Une reconstruction des conditions climatiques qui prévalaient lors de la première décennie du XIVe siècle (basée à la fois sur des données documentaires et des indicateurs climatiques indirects) a permis aux chercheurs d’identifier plusieurs événements de bascule des précipitations européennes entre 1302 et 1307, présentant des similitudes avec les conditions qui ont prévalu en Europe continentale en 2018.

La sécheresse du XIVe siècle était similaire à celle du XXIe siècle

Grâce aux rapports et aux archives de l’époque, aussi bien régionaux que municipaux (notamment celles de Sienne (comté de Savoie) et de la région associée de la Bresse, les chercheurs ont pu estimer la production de blé et de vin dans la région française de Bresse et la comparer avec la production de blé en Angleterre. Comme les rendements du blé dépendent de facteurs climatiques, notamment la température et les précipitations, il a été possible de tirer des conclusions sur le climat des années correspondant à cette production.

Selon ces données, plusieurs étés chauds et très secs se sont succédés en Europe centrale à partir de 1304. Des sources du Moyen-Orient font également état de graves sécheresses : par exemple les niveaux d’eau du Nil étaient exceptionnellement bas pendant cette période. Les chercheurs pensent donc que la sécheresse de 1304-1306 n’était pas seulement un phénomène régional, mais avait probablement des dimensions transcontinentales.

La période de sécheresse qui s’est produite entre 1303 et 1307, considérée comme historique, peut aujourd’hui s’expliquer. Il est en effet maintenant possible de comprendre « la balance des précipitations », c’est-à-dire le contraste marqué entre des précipitations extrêmement élevées dans une partie de l’Europe et des précipitations extrêmement faibles dans l’autre partie.

Cela est généralement dû à des zones de haute et de basse pression qui restent stables dans une région pendant une période anormalement longue. En 2018, par exemple, des creux très stables se sont étendus sur l’Atlantique Nord et le sud de l’Europe pendant une longue période, cela a entraîné de fortes précipitations dans cette zone et une sécheresse extrême entre les deux, en Europe centrale.

Les chercheurs ont pris en compte cette fraction de l’histoire climatique médiévale et sont arrivés à la conclusion qu’un système de haute pression solide et stable a prédominé sur l’Europe centrale, justifiant ainsi l’extrême sécheresse de ces années, entre 1303 et 1307.

De plus, ils ont aussi observé une coïncidence entre les périodes de sécheresses et les incendies urbains sur une période de deux cents ans. L’analyse des chercheurs a été la première à montrer une corrélation entre les incendies et les sécheresses. Les grands incendies urbains suivaient généralement les sécheresses d’un an. Les structures en bois des maisons médiévales ne se dessèchent pas immédiatement, mais une fois que c’est arrivé, elles s’enflamment très facilement.

On voit donc que les sécheresses actuelles ne sont donc pas des phénomènes climatiques nouveaux.

Quel lien avec le réchauffement climatique ?

Les chercheurs prennent pour exemple le changement climatique qui touche l’Arctique, qui se réchauffe deux fois plus vite que l’ensemble des autres régions du monde. Ce phénomène, nommé « amplification arctique », aurait des effets directs sur les régimes météorologiques en Europe.

Une théorie avance que le réchauffement accéléré de l’Arctique provoque une diminution des différences de température, et par conséquent agit sur la dynamique de l’atmosphère entre les latitudes moyennes et la région arctique.

Patric Seifert,co-auteur de l’étude conclut :

Même s’il s’agissait d’une phase de refroidissement au Moyen Âge et que nous vivons maintenant dans une phase de réchauffement artificiel, il pourrait y avoir des parallèles. La période de transition entre deux phases climatiques pourrait être caractérisée par des différences de température plus faibles entre les latitudes provoquant des conditions météorologiques, à grande échelle, plus durables. Cela pourrait expliquer une augmentation des événements extrêmes.

Patric Seifert, de l’Institut Leibniz pour la recherche troposphérique


Martin Bauch1, Thomas Labbé1,3, Annabell Engel1, and Patric Seifert2

  • 1Leibniz Institute for the History and Culture of Eastern Europe (GWZO), Leipzig, Germany
  • 2Leibniz Institute for Tropospheric Research (TROPOS), Leipzig, Germany
  • 3Maison des Sciences de l’Homme de Dijon, USR 3516 CNRS, Dijon, France
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10 réflexions au sujet de « Les sécheresses actuelles sont comparables à celles du Moyen-âge »

  1. ” L’ Arctique se réchauffe deux fois plus vite que l’ensemble des autres régions du monde”, oui mais en hiver !
    L’été, quand le rayonnement solaire est quasi permanent , l’effet de serre supplémentaire dû au CO2 anthropique devrait se manifester par des températures de plus élevées au fil des années , il n’en n’est rien !
    ( Un gaz à effet de serre empêche le rayonnement Infrarouge terrestre de partir plus vite dans l’Espace )
    http://ocean.dmi.dk/arctic/meant80n.uk.php

    • A votre avis, y a-t-il une raison physique pour laquelle la température d’été en Arctique était et est toujours proche de 0°C ? Réfléchissez…

      • Au risque de passer pour un imbécile, je préfère préciser: la température reste constante car l’énergie est absorbée par le changement de phase de la glace en eau liquide?

        • Yep. Tant qu’il reste de la glace en été (et il en reste encore un peu), la température près de la surface en Arctique ne peut pas augmenter fortement. Mais elle peut augmenter pendant les autres saisons. C’est ce qui se passe, à mon humble avis. OK Laurent ?

  2. j’avais lu quelque part (mais malheureusement négligé de noter la référence) que par la passé, on avait découvert une relation entre des évènements climatiques chaotiques et l’inversion des pôles magnétiques. Est-ce exact ?

  3. “””””””Les sécheresses actuelles sont comparables à celles du Moyen-âge”””””
    Les pluies diluviennes et les inondations en Australie sans doute aussi; mais les aborigènes ne nous ont pas laissé des comptes rendus

  4. Réfléchir , je ne fais que ça, je renvoie assez bien la lumière dans quasiment tout son spectre !
    En Arctique l’atmosphère est moins épais, environ 7 km, par rapport aux tropiques, environ 20 km, l’ensoleillement est rasant en été, donc peu d’énergie absorbée par l’océan et la banquise, les courants atmosphériques et les cellules polaires sont complexes, les courants marins aussi, les terres émergées qui entourent l’océan Arctique jouent certainement sur le climat, bref , il faut voir un super spécialiste des Pôles !
    https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/banquise-arctique-temperature-arctique-augmente-3-fois-plus-rapidement-reste-monde-87549/

  5. “Même s’il s’agissait d’une phase de refroidissement au Moyen Âge et que nous vivons maintenant dans une phase de réchauffement artificiel, il pourrait y avoir des parallèles. La période de transition entre deux phases climatiques pourrait être caractérisée par des différences de température plus faibles entre les latitudes provoquant des conditions météorologiques, à grande échelle, plus durables. Cela pourrait expliquer une augmentation des événements extrêmes.”

    Et si le changement de phase climatique serait de passer d’une période chaude et en transit vers une période froide qui pourrait débuter au début du cycle solaire 26 soit vers 2032. Beaucoup de signe montre une tendance au refroidissement. Exemple depuis 1979 19 El Nino et seulement 6 La Nina, alors que depuis 2019 il y a eu 3 La Nina et 0 El Nino. La glace en arctique est en croissance lente mais réel, les nouvelles de refroidissement sont rares, mais chez moi au Québec (Canada) cela fait 2 mois de Juillet de suite sans canicule (chez nous une canicule est le résultat de minimum de 3 jours de suite à une température de 30e et plus). J’observe à tous les jours des cartes météo depuis plus de 4 ans et j’observe une diminution de la couleur rouge (30e et +) et plus de couleur jaune (20e à 29e).

    • Excusez pour plus de clarté j’aurais du écrire à la place de “Exemple depuis 1979″ : ” Exemple entre 1979 et 2019, depuis 40 ans, 19 El NIno…”

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