Les petits bateaux du MTEBFMP

Rémy Prud’homme

Maman les p’tits bateaux
Qui vont sur l’eau
Ont-ils des jambes ?
Mais non mon gros bêta
S’ils en avaient, ils marcheraient pas

La France s’enorgueillit (ou s’enorgueillissait l’été dernier) d’un ministère de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche (MTEBFMP). Si vous vous demandez à quoi sert ce ministère, un article de Jean-Philippe Feldman publié dans Contrepoints le 22 octobre 2025 pourra, sur un cas particulier mais symptomatique, répondre à votre interrogation. Cet article attire notre attention sur un arrêté dudit ministère daté du 22 juillet 2025, qui se présente comme une contribution majeure à « la sécurité des navires et à la prévention de la pollution », deux priorités nationales, surtout dans la conjoncture économique et sociale de l’été 2025.

Tout d’abord, la date prouve, s’il en était besoin, que les fonctionnaires de ce ministère travaillent dur : ils produisent des arrêtés toute l’année, y compris fin juillet lorsque tant d’autres actifs sont en vacances. Ces stakhanovistes méritent nos félicitations et nos remerciements.

Ensuite, ils savent aller à l’essentiel : l’arrêté stipule que « les navires de commerce ou de pêche d’une longueur hors-tout inférieure à 12 mètres […] doivent être dotés d’une installation sanitaire comprenant un water-closet et un lavabo. Dans la mesure du possible, le navire doit être équipé d’installations séparées (sanitaires, vestiaires, et cabines) pour les hommes et pour les femmes » (article 215.1.3 du règlement annexé).

Cette disposition répare une scandaleuse injustice. Auparavant, seuls les navires de plus de 12 mètres de long étaient soumis à cette contrainte. Pleinement conscients des difficultés que la conception de certains navires pourrait créer à la mise en œuvre de cette disposition, les auteurs de l’arrêté ont prévu que, dans certains cas, « l’autorité compétente peut exempter tout navire d’une longueur hors-tout inférieure à 10 mètres ». Comme le note M. Feldman, cette disposition introduit une féconde distinction entre bateaux de moins de 10 mètres, bateaux de 10 à 12 mètres, bateaux de plus de 12 mètres. On notera que les rédacteurs de l’arrêté n’hésitent pas devant le surcroit de travail que l’instruction de ces demandes d’exemption va imposer aux salariés du ministère et de ses démembrements. Ce surcroît nécessitera l’embauche de fonctionnaires supplémentaires, ce qui permettra de lutter contre le chômage.

On ne voit guère que deux faiblesses dans ce texte. Tout d’abord, il ne précise pas bien comment se définit le « hors-tout » d’un navire dont le mat horizontal déborde la coque : ce débordement doit-il être pris en compte dans la mesure de longueur ? Ensuite, exiger des toilettes et des WC distincts pour les femmes et pour les hommes est très désirable, mais ne résout pas la demande des non-binaires. Ces détails pourront facilement être corrigés.

Les mauvais esprits prétendront que la mise en œuvre de cet arrêté ministériel risque d’avoir pour effet d’augmenter le coût de la pêche, donc de diminuer le revenu des pêcheurs, et par voie de conséquence, leur activité et leur nombre. Mais ce point de vue vulgairement comptable n’est rien au regard des bénéfices attendus. On en évoquera quatre.

Primo, l’arrêté améliorera les conditions de travail des travailleurs et des travailleuses de la mer, qui jouiront dorénavant – enfin – de toilettes et de WC modernes et genrés. Secundo, il protégera la biodiversité menacée, puisque moins de poissons seront prélevés, et que davantage d’espèces seront ainsi sauvegardées. Tertio, il diminuera les niveaux de pollution de l’eau et l’air : de l’eau par définition ; mais aussi de l’air, puisque moins de pêche signifie moins de déplacements des navires à moteur, donc moins de rejets de CO2 et d’autres gaz à effet de serre. Quarto enfin, comme on l’a dit plus haut, la mise en œuvre de cet arrêté nécessitera des fonctionnaires supplémentaires, contribuant à la très nécessaire lutte contre le chômage menaçant, augmentant ainsi le nombre de Français au travail, ce qui est considéré par beaucoup comme l’une des – sinon la – priorités du pays. Comme vous pouvez le voir sur ce cas d’école, l’action du MTEBFMP coche toute les cases du programme écologico–biologico–socio–économique des gouvernements français d’hier, d’aujourd’hui, et de demain. Et dire qu’il y a encore quelques imbéciles qui ne le comprennent pas ! 

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