Les mille temps du climat

Recension du livre d’André Dauphiné Une Valse à mille temps (Les impliqués, 2025)


Imaginez que la science du climat soit restée scientifique. Que les observations, les doutes, les certitudes et les hypothèses se formulent en termes cordiaux entre spécialistes, amateurs, voire simples curieux. Qu’il n’y ait pas un micro tendu à un climatologue à chaque fois qu’il fait chaud un 18 octobre à Bécon-les-Bruyères. Que l’évolution de la température ou de la banquise ne soit pas un simple prétexte pour un plan de carrière dans la diplomatie internationale, un ONG environnementale ou les réseaux sociaux.

Monde impensable, me direz-vous. Et bien c’est pourtant dans ce monde que nous plonge, le temps d’une centaine de pages, l’ouvrage d’André Dauphiné, Une Valse à mille temps (Les impliqués, 2025). Professeur retraité de l’université de Nice et docteur d’État en géoclimatologie, l’auteur nous propose ce trop court voyage dans une vraie bulle de science, où on ne lance pas d’anathème ni ne prononce d’excommunication. Sur un ton calme, presque doux, il nous présente l’état de ses réflexions sur l’évolution du climat, le réchauffement et son origine. Il ne se focalise pas sur les points classiquement « vendeurs » (température, niveau marin, cyclones…), mais s’intéresse à ce qui compte vraiment. C’est ainsi que, plutôt que de commenter l’allure de la carrosserie, Dauphiné ouvre le capot de la machinerie climatique, pour dévoiler ce que l’on ignore encore aussi bien que ce que l’on sait sur des éléments essentiels : albédo terrestre, îlot de chaleur urbaine, vortex polaire, téléconnections, perspectives multi-échelles… En-dehors de quelques remarques et de quelques références à faire bondir le GIEC, il est pratiquement impossible de dire si l’auteur accepterait d’être considéré comme climato-réaliste ou non, même si son regard aussi informé que critique sur les modèles climatiques le range incontestablement dans la seconde catégorie (elle-même très plurielle, à l’image de ce que devrait être la pratique scientifique).

Bien sûr, en ces temps où si vous n’êtes pas pour le GIEC c’est que vous êtes contre lui, on doit s’attendre à ce qu’il soit catalogué comme mal-pensant par ceux qui n’arriveront pas à le canceller. Sa conclusion est pourtant très mesurée, et peut être méditée aussi bien par les alarmistes intégristes que par les sceptiques excessifs : l’évolution du climat est nécessairement multicausale, elle inclut pour partie les activités humaines (notamment l’îlot de chaleur urbaine, qui prend de plus en plus d’importance à mesure que les villes s’étendent), mais il ne faut pas trop compter parvenir un jour à exhiber « la » vraie cause, car, nous dit Dauphiné, « rien n’est simple en ce bas monde« . On peut sans doute prolonger cette réflexion en disant que c’est là l’une des explications du succès du discours alarmiste face au discours climato-réaliste : en étant capable de proposer une explication simple et unique, le carbocentrisme est mieux calibré pour le succès médiatique.

Le principal reproche à faire à l’ouvrage est sans doute que son titre aussi bien que les titres de chapitre ont fâcheusement tendance à vous coller en tête la chanson de Brel pendant la lecture. (Mais pour un fan, est-ce vraiment un reproche…) Plus sérieusement on pourra regretter un ou deux schémas pas très bien expliqués, ainsi qu’une ou deux références dépassées, points secondaires qui n’altèrent pas la qualité pédagogique de l’ouvrage et son intérêt pour tous.

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3 réflexions au sujet de « Les mille temps du climat »

  1. Selon l’auteur, nombreuses études à l’appui :
    – 20 % du réchauffement peut être attribué à l’îlot de chaleur urbain ;
    – 20 % du réchauffement est un recul du refroidissement de la basse atmosphère, lui-même induit par celui de l’évapotranspiration consécutive à la déforestation ;
    – 25 % du réchauffement est explicable par la théorie dite du gardien d’hiver, qui porte sur les échanges de chaleur entre l’équateur et les pôles et qui agit de concert avec les diverses téléconnexions.
    Il ne reste que 35 % pour le CO2.
    Donc lutter contre le réchauffement en ne ciblant que les seuls gaz à effet de serre n’est pas rationnel.

  2. « Bien sûr, en ces temps où si vous n’êtes pas pour le GIEC c’est que vous êtes contre lui, on doit s’attendre à ce qu’il soit catalogué comme mal-pensant par ceux qui n’arriveront pas à le canceller.  »

    Il y a quelques années, en tant qu’ingénieur retraité USINOR (aciéries et laminoirs à chaud) j’ai eu quelques échanges par mail avec JM Jancovici. Effectivement j’ai balancé en toute impunité pas mal de CO2 dans l’atmosphère avec mes convertisseurs à l’oxygène et mes fours à 1400°C, mais en plus j’ai pas mal voyagé à travers le monde (environ 500 heures passées en avion). Mea culpa. Depuis, il ne veut plus me parler.

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