Les désastres naturels ne sont ni plus fréquents ni plus dévastateurs

par MD

Introduction.
Commençons par un rappel : il y a plus d’un an, évoquant les catastrophes naturelles, l’inénarrable secrétariat général des Nations Unies (« ONU Info ») annonçait l’entrée du monde dans l’« ère d’une spirale d’autodestruction » car « d’ici 2030, nous connaîtrons annuellement 560 catastrophes dans le monde, soit 1,5 catastrophe par jour en moyenne ». On avait (avril 2022) dit ce qu’il fallait penser de cette amplification pompeuse d’un simple détail, extrait du volumineux et très intéressant rapport de l’UNDRR (pour être précis : bas de page 17 et une extrapolation puérile figure 2.1 reproduite en Annexe 2 du présent article).
On rappelle que la source statistique principale utilisée par l’UNDRR (United Nations Office for Disaster Risk Reduction) est la base de données EM-DAT (EMergency Event DATabase) opérée par le CRED (Centre of Research on the Epidemiology of Disasters de l’université de Louvain).
La dernière version de EM-DAT ayant été mise à jour pour l’année 2022, c’est l’occasion de revenir sur ce sujet.

Catastrophes naturelles : nombres d’évènements.

Les catastrophes naturelles (disasters), pour être retenues dans la base, doivent satisfaire au moins à deux critères principaux : elles doivent avoir entraîné, dans chaque État déclarant, au moins 10 décès ou 100 personnes « affectées » (ayant subi des atteintes à leur personne ou à leurs biens).
Elles sont réparties conventionnellement en deux groupes :
1/« technological » accidents industriels et de transports, qui ne sera pas abordé ici.
2/« natural » qui relèvent des sciences de la vie et de la terre, groupe lui-même réparti en sous-groupes :
– « meteorological » (tempêtes et vagues de chaleur ou de froid) ;
– « hydrological » (inondations et glissements de terrain) ;
– « geophysical » (séismes et volcans) ;
– « climatological » (sécheresse et feux de forêts).
Plus un sous-groupe « biological » (épidémies) qui ne sera pas abordé.
Le graphique ci-dessous représente les nombres de catastrophes naturelles recensées entre 1900 et 2022, avec en superposition les nombres d’États ayant déclaré un ou des sinistres dans l’année.

On voit distinctement une évidente rupture de série en 1999. Le CRED explique cette rupture dans une rétrospective publiée en 2023 à l’occasion du cinquantenaire de son existence. Il y est en effet rappelé que la base EM-DAT a été créée en 1988 mais n’a connu sa maturité que vers la fin de la décennie 1990 (voir Annexe 1 en fin d’article).
On va donc s’intéresser exclusivement à la période 1999-2022. Cette restriction présente l’inconvénient d’ignorer certains évènements importants plus éloignés dans le passé, mais l’avantage de constituer des séries homogènes permettant de discerner des tendances éventuelles.
Voici un extrait du graphique précédent limité à la période 1999-2022.

Et sous une autre forme.

Au-delà des variations annuelles autour d’une valeur moyenne d’environ 370 évènements déclarés par an, ces courbes sont remarquablement stables dans le temps et ne manifestent aucune tendance sur cette période de 24 années. Cette observation devrait inciter à faire preuve de prudence dans les interprétations et à ne pas surréagir à la moindre fluctuation annuelle.

Catastrophes naturelles : nombres de décès.

Le nombre des évènements est un indicateur utile, mais imparfait. En effet, il ne rend pas compte de la grande diversité des extensions dans le temps et l’espace, ni de la gravité des conséquences sur les personnes et les biens. Simple exemple de biais statistique : un sinistre affectant « n » petits États adjacents est compté comme « n » évènements : à superficie égale elle serait comptée pour un seul évènement dans un État plus étendu.
C’est pourquoi on peut avoir recours à d’autres paramètres contenus dans la base EM-DAT : en effet chaque évènement y est caractérisé par les nombres de décès, de blessés et de personnes « affectées », les superficies concernées et les coûts des dommages. Toutefois ces rubriques restent encore très lacunaires, et éventuellement sujettes à caution s’agissant des déclarations des États.
Parmi ces paramètres, le nombre des décès semble être un indicateur assez fiable qui donne une idée de la gravité des évènements. Il n’est cependant pas complètement représentatif car environ 30% des évènements (proportion à peu près constante) n’ont pas donné lieu à déclarations de décès, même s’ils ont provoqué des blessés, des sinistrés et des dégâts matériels plus ou moins importants. On a cependant retenu ce critère dans les graphiques suivants où sont superposés les nombres des évènements et ceux des décès. Compte tenu des écarts annuels considérables, parfois d’un ou plusieurs ordres de grandeur, on a adopté pour les décès une échelle logarithmique de base 2 (chaque graduation représente une multiplication par 2).
Voici le graphique général relatif à la période 1999-2022.

Il serait hasardeux de tirer des conclusions de ce graphique. En effet, les cinq pics de mortalité dépassant 90 000 victimes, visibles sur le graphique, sont surtout dus à un petit nombre d’évènements particulièrement meurtriers :
-2003 : séisme en Iran ; vague de chaleur en Europe occidentale
-2004 : tsunami en Indonésie et sud-est asiatique
-2005 : séisme au Pakistan
-2008 : cyclone au Myanmar ; séisme en Chine
-2010 : séisme en Haïti ; vague de chaleur en Russie ; sécheresse en Somalie
De longues périodes relativement clémentes ne peuvent en rien préjuger du retour de catastrophes meurtrières, ni inversement. On en veut pour preuve le séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie en février dernier, occasionnant plus de 55 000 décès, et qui pèsera lourdement sur le bilan de l’année 2023.

Catastrophes naturelles : détails pour certains types d’évènements.

A titre d’illustrations plus détaillées on a établi des graphiques analogues au précédent relatifs aux principaux types d’évènements classés approximativement par ordre décroissant de fréquences (attention aux échelles).

Quel que soit le type d’évènement considéré, on ne discerne pas sur ces graphiques de tendances claires. Les écarts d’une année à l’autre sont plutôt apparentés à des tirages au hasard, et en tous cas sans trace d’emballements comme on le prétend parfois. Au demeurant, chacun pourra tirer ses propres conclusions. Rappelons enfin que la population mondiale, sur la période étudiée, est passée de 6 à 8 milliards d’individus, accroissant ainsi le nombre de victimes potentielles, essentiellement dans les pays en développement.
On peut imaginer bien d’autres types d’exploitation de la base de données : par exemple des comparaisons entre les différents États ou parties du monde ou encore d’autres critères.

Conclusion.

Il existe nombre d’autres sources de données plus spécialisées pour chaque type de catastrophes naturelles, avec des durées d’observation et des périmètres géographiques plus ou moins limités. L’intérêt de la base EM-DAT est son universalité et le nombre de paramètres recensés. On se permettra d’ajouter : une certaine objectivité qui transparait à la lecture de sa présentation. Il s’agit en conclusion d’un outil statistique précieux pour l’analyse globale ou locale des catastrophes naturelles ; encore faut-il qu’il ne soit pas détourné par des utilisations à des fins de propagande ou de lobbying.
Qu’on le veuille ou non, les catastrophes naturelles ont fait, font et feront partie du quotidien de l’humanité. Leur distribution aléatoire échappe à la volonté humaine. En revanche, on peut encore notablement améliorer la prévention en vue d’atténuer les dégâts et les souffrances qu’elles occasionnent. Mais cette prévention ne se fera pas à coup d’hyperboles, d’incantations, de pronostics hasardeux, de conférences inutiles et de remèdes illusoires.


Annexe 1 : extraits de la note rétrospective du CRED (caractère gras ajoutés).

“However, with the rise of globalization and increased visibility in the media, disasters appear to have become more frequent and devastating than ever, and so a paradigm shift toward proactive disaster management emerged in the early 1970s”.
“The availability of data worldwide has significantly improved thanks to technological progress, in particular, the rise of mass media and the internet. This trend is reflected in the number of disaster occurrences in EM-DAT (Fig. 5). The upward trend started in 1964 when OFDA began compiling disaster data, and another significant increase occurred in the late 1980s following the creation of EMDAT and the advent of the internet era during the 1990s.”
“While Fig. 5 demonstrates progress in data collection, it also underscores the time bias and imperfections of the EM-DAT database. Past events are probably missing from EM-DAT due to limited information available to CRED. This artificial trend impedes the ability to draw meaningful conclusions regarding improvements in disaster risk management, shifts in disaster exposure, or the impact of climate change-induced intensification of natural hazards—a major concern in the 21st century. (retour)

Annexe 2.

Rappel de la figure 2.1 du rapport de l’UNDRR (déjà totalement fausse au bout de deux ans, mais peu importe) : l’extrapolation à partir des décennies antérieures à 1999 est une imposture destinée à faire croire à une prétendue aggravation continuelle.

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14 réflexions au sujet de « Les désastres naturels ne sont ni plus fréquents ni plus dévastateurs »

  1. 32000 décès en 2022 suite aux catastrophes naturelles c’est ridicule par rapport aux décès suite à la guerre en Ukraine et ne parlons pas des dégats causés à ceux qui ont échappé à cette catastrophe
    Faudrait vraiment faire quelquechose pour empêcher ceux qui entretiennent cette guerre
    fritz

  2. Très bon article, j’ai un gros reproche à faire à l’EM-DAT, c’est de commencer “officiellement” ses relevés en 1900. Or le passé n’a jamais été entré et l’EM-DAT comme vous le soulignez ne commence à être exploitable qu’aux environs de 1990, c’est à dire quand les bilans officiels commencent à apparaitre, l’EM-DAT n’entrant que des bilans officiels.

    Or dans le passé, il n’y avait pas de bilans officiels, les 1ers bilans officiels connus en France concernent des glissements de terrain consécutifs à des inondations, dans les années 30 si je me souviens bien.

    Mais on ne faisait aucun bilan pour une sécheresse, une canicule, une inondation, un grand froid. Cela ne venait à l’idée de personne. Les aléas météos faisaient partie de la vie, du moins tant qu’on avait une population majoritairement ou presque majoritairement agricole, c’est à dire vivant et travaillant dehors.
    Malheureusement des journaux ne sont parfois servi des données de l’EM-DAT remontant (faussement) à 1900 pour laissant croire qu’avant 1990, il ne se passait quasiment rien.

    Les archives des registres paroissiaux (enregistrement des baptêmes, mariages, sépultures) sur lesquels je travaille de temps en temps contiennent des témoignages intéressants des multiples extrêmes climatiques auxquels nos ancêtres étaient soumis, car ici et là quelques (rares) curés complétaient leur registre annuel par une page de résumé des constatations climatiques pour l’année écoulée.

    Il existe un site où un passionné a relevé département par département tous les « mémoires météorologiques » des curés qu’il a pu découvrir (essentiellement XVIIIème, mais un peu de XVIIème), un énorme travail…
    http://geneadom.free.fr/meteo/chroniques.htm
    Cliquez sur votre département, c’est passionnant

  3. Eh ! vous avez entendu l’inénarrable Guterrez, grand spécialiste du climat comme chacun sait, comme Sleeping Joe ou le tout nouveau directeur du GIEC Jim Skea enseignant en “énergies durables” : exit le “réchauffement climatique” et place désormais à “l’ébullition climatique”, relayé aussitôt par France-Infox ce matin, on s’en doute, dans une sorte de cri de victoire !
    Jusqu’où ira l’hystérie collective ? Surtout paniquer vite, durablement et définitivement tout le monde alors que de plus en plus de voix discordantes s’élèvent au plus haut niveau scientifique, comme on peut le lire dans cet excellent site climato-realiste.
    Il s’agit vraiment d’une guerre des mots et d’une propagande éhontée qui veut étouffer au plus vite toute opinion opposée en la noyant dans la panique généralisée de la foule.
    A l’heure du suivisme des réseaux sociaux et de l’ébullition médiatique cela peut tout à fait fonctionner, en 2023 encore mieux qu’en l’an 1000 : qui aurait cru ça dans les années 70 ?
    En tout cas je ne sais si l’IA est l’avenir de l’homme mais la CN (Connerie Naturelle) a de beaux jours devant elle… à moins que les deux ne soient tragiquement et inextricablent mêlées !

    • Oui, l’Agence Spatiale Européenne a réussi le coup fumant de publier des cartes de la température au sol (data satellitaires) qui ont été reprises par la presse décérébrée (ou aux ordres ?) pour alimenter cette hystérie de l’ébullition. Posez une plaque de fer au sol en plein soleil et vous pourrez y cuire un oeuf. La température doit être mesurée à 2 m du sol minimum.

        • “Citius, altius, fortius” : on sent que les JO approchent : toujours plus forte, plus grosse, plus “enhaurme” la propagande et ça passera mieux… à moins que ce ne soit la guerre en Ukraine qui ne donne ce modèle de pilonnage d’esprits de plus en plus “sous les ordres” et complètement endormis, notamment depuis le Covid : tout le monde en rang par deux, et au pas “fissa”, fin de la récréation !
          Et l’on parle des Russes !

          • Oh, je n’ai bien sûr pas fait une étude exhaustive (pas le temps) mais je me suis promené sur le site infoclimat (bien qu’on s’y fasse vite suspecter d’espionnage !). Par exemple à propos des qq jours de canicule, certes forte, de fin juin 2019 où sont tombés des records dans l’Hérault et le Gard. Certaines stations sont correctement placées (fiables) car situées à découvert en pleine nature, sur sol herbeux (le site donne des photos). Mais beaucoup me paraissent suspectes car implantées soit sur des terrasses de bâtiments étendus soit accrochées au mur de villas (si pas de vent, la chaleur monte), certaines apparemment situées en ville ou en banlieue. Et on sait que le phénomène de dôme thermique des villes s’étend jusqu’à la banlieue proche. Or on est ici dans le domaine des records,c’est-à-dire au degré près, avec lesquels la presse nous fatigue. Je ne parle pas des erreurs, comme par exemple les 45,9° annoncés à Gallargues-le-Monteux par Wikipedia pour le 28 juin 2019, mais 44,2 sur le site infoclimat.
            Mais de toute façon ces records n’ont guère de signification car associés à des situations très particulières de circulation atmosphérique (souvent des méandres accentués et temporaires du courant jet, etc.). En été il fait chaud, tout le monde le sait, mais le fait que des conditions particulières fassent monter exceptionnellement la température sur certaines régions n’a strictement aucune signification climatique. C’est de la météo, chaotique dans le détail comme chacun sait. Le site WUWT a fait un inventaire des stations corrompues aux US, photos à l’appui. Il faut voir où certaines sont implantées, en pleine rue sur une place de parking en bord de trottoir ! Donc, on devient méfiant.

          • Suite de ma réponse à Cyril :
            Il me semblait bien. J’ai retrouvé le contexte de la situation exceptionnelle de juin 2019. La bouffée d’air chaud (canicule exceptionnelle en France) est montée jusque sur les îles britanniques. A cause précisément d’une forte ondulation du courant jet a 10.000 m qui a duré qq jours. Ce que la presse a soigneusement passé sous silence c’est qu’en Europe centrale (redescente du courant jet) il faisait très frais à la même latitude. Les cartes de températures montrent très bien le phénomène. Une situation analogue s’est produite sur les Rocheuses américaines, rapportée par le site WUWT.

          • @Serge : Pour la station de Gallargues c’est assez logique car la station de météo france qui a relevé la mesure était opérationnelle entre 1985 et 2021 (d’après MétéoFrance elle était de classe B pour les relevés de températures, classe C au moment de la mesure). Elle a fermé l’année dernière.
            Celle qui est affichée sur Infoclimat est une Static (Station InfoClimat) qui fait partie du réseau de leurs adhérents donc les valeurs ne sont pas comparables et pas officielles. D’après les photos elle est placée en toiture donc à plus de 3 mètres de hauteur, ce qui n’est pas vraiment conforme aux recommandations de l’OMM.

    • @Serge Ferry
      Puisque vous parlez du phénomène de “dôme thermique des villes” nom synonyme “d’ilot de chaleur urbain”, allez consulter sur infoclimat.fr la liste des 30 stations météo sélectionnées pour calculer le fameux ‘Indicateur Thermique National”. Toutes, sans exception, sont situées dans des agglomérations parfois importantes (Paris-Montsouris !!!) ou en leur proche périphérie ou carrément sur des aéroports (Marseille Marignane) aux pistes bétonnées.
      Sachant que cet effet de dôme thermique fausse systématiquement à la hausse les températures en période de canicule jusqu’à 8°C, voire plus, et aussi de 2 ou 3 degrés en hiver, on peut émettre de très sérieux doutes sur l’utilité réelle de cet ITN, sauf pour instiller l’inquiétude dans l’opinion publique ignorante et crédule.
      Des esprits mesquins s’en étaient émus sur les réseauxsoc’ au point que les “fact checkers” autoproclamés de l’AFP avaient tenté un contre-feu qui n’a convaincu personne:
      https://www.msn.com/fr-fr/actualite/technologie-et-sciences/le-r%C3%A9chauffement-climatique-sur%C3%A9valu%C3%A9-%C3%A0-cause-de-lindicateur-thermique-de-m%C3%A9t%C3%A9o-france-cest-faux/ar-AA19vqDP

  4. Encore un exemple concret de la précarité des mesures :
    depuis plusieurs jours, Météo France annonce que la température de l’eau à Lacanau est de 22 °
    Et, depuis plusieurs jours, la température de l’eau affichée quotidiennement par les maîtres nageurs sauveteurs à la plage centrale est de 19°
    L’écart n’est pas négligeable : 3° . Qui croire ?

    • Un ami qui fait partie d’une association de météorologues amateurs agréée par MétéoFrance dont la station est située à 600 mètres d’altitude en Ardèche a enregistré -1°C début juillet. Un de ses collègues qui a la sienne à Gréolières (06), à 20 km de la mer, à 1400 m d’altitude il est vrai, a enregistré -0,5°C la semaine suivante.
      La température de l’eau à Cassis, il y a une semaine, était tombée à 14°C, suite à un fort coup de mistral: Baignade recommandée pour raffermir les chairs flasques !
      J’entends ce matin le présentateur de Radio Classique débuter sa météo quotidienne par ces mots: “Comme un petit air d’automne…” Un 1er août !!! Non, vraiment, le changement climatique n’est plus ce qu’il était…

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