Le carbone terrestre est majoritairement séquestré par la matière organique inerte

Une étude internationale, à laquelle ont participé l’INRAE et le CEA a été publiée le 20 mars 2025 dans la revue Science sous le titre suivant : Recent gains in global terrestrial carbon stocks are mostly stored in nonliving pools (Les gains récents des stocks mondiaux de carbone terrestre sont principalement stockés dans des réservoirs non vivants). L’étude montre que si environ 30 % du carbone émis par l’activité humaine a été absorbé sur terre, la biomasse vivante n’a stocké qu’une petite fraction de ce carbone, la majeure partie ayant été incorporée à la matière organique inerte.​ 

Résumé de l’étude

La séquestration terrestre du carbone a atténué environ 30 % des émissions anthropiques de carbone. Cependant, sa répartition entre les différents réservoirs, biomasse vivante ou morte et carbone organique du sol et des sédiments, reste incertaine. En analysant les données d’observation mondiales sur l’évolution des réservoirs de carbone terrestre, nous avons constaté qu’environ 35 ± 14 gigatonnes de carbone (GtC) ont été séquestrées sur terre entre 1992 et 2019, tandis que la biomasse vivante a varié d’environ 1 ± 7 GtC. Les modèles mondiaux de végétation suggèrent plutôt que la séquestration s’est principalement produite dans la biomasse vivante. Nous identifions des processus clés, absents de la plupart des modèles, qui peuvent expliquer cet écart. La plupart des gains de carbone terrestre sont séquestrés sous forme de matière non vivante et sont donc plus persistants qu’on ne le pensait auparavant, une fraction substantielle étant liée aux activités humaines telles que la construction de barrages fluviaux, la récolte de bois et l’élimination des déchets dans les décharges.

Nous reproduisons ci-dessous le communiqué de presse du CEA qui résume les principaux résultats de cette étude.


La majorité de l’accumulation du carbone terrestre depuis plus de 30 ans se fait dans des environnements anaérobies, c’est-à-dire sans oxygène, comme dans le fond des plans d’eau et de rivières, les zones humides et les sols. Jusqu’à présent les forêts étaient considérées comme des puits majeurs de carbone des surfaces terrestres. Mais l’analyse des flux de carbone sur les dernières décennies montre que, si l’on fait un bilan à l’échelle de la planète considérant les gains et les pertes, seuls 6 % environ du total s’est accumulé dans les forêts. Cela est dû à leur dégradation dans de nombreuses régions du monde, causée par les incendies, les sécheresses ou la déforestation. Très mal connus, les processus clés de la séquestration dans les environnements anaérobies ne sont pas inclus dans les modèles actuels de changements globaux des stocks de carbone. Les résultats de cette étude pourraient aider à mieux prédire la trajectoire future de ces réservoirs et leur sensibilité aux activités humaines et au changement climatique.​

Les écosystèmes terrestres permettent d’atténuer environ 30 % des émissions de CO2 liées aux activités humaines

​Des études récentes montrent que les stocks de carbone dans les écosystèmes terrestres augmentent et permettent d’atténuer environ 30 % des émissions de CO2 liées aux activités humaines. La valeur globale des puits de carbone de la surface terrestre est assez bien connue car elle est déduite du bilan de carbone total de la planète, des émissions humaines, de l’accumulation de carbone dans l’atmosphère et du puits océanique. Mais les scientifiques connaissent très mal la répartition entre les différents réservoirs terrestres que sont la végétation vivante, principalement les forêts, et les réservoirs de carbone organique non vivants (matière organique des sols, sédiments au fond des plans d’eau et rivières, zones humides…). Ce carbone organique non vivant est notamment issu des excréments et de la décomposition des végétaux et animaux morts, et constitue la matière dont se nourrissent les organismes des sols. Si les mécanismes d’accumulation de carbone dans la biomasse vivante sont bien connus, via notamment la photosynthèse, les variations dans les réservoirs de carbone organique non vivants sont très mal connues et très difficiles à mesurer.​
Les scientifiques ont mesuré les changements dans les stocks totaux de carbone terrestre en harmonisant un ensemble d’estimations mondiales basées sur différentes méthodes de télédétection et des données de terrain entre 1992 et 2019. Ils ont combiné leur estimation globale avec la synthèse récente des échanges de carbone entre la terre, l’atmosphère et les océans pour répartir l’accumulation de carbone terrestre entre la végétation et les réservoirs de carbone organique non vivants. 

Une augmentation de 30% des puits de carbone terrestres sur la dernière décennie

D’après son analyse, l’équipe de recherche coordonnée par Yinon Bar-On (California Institute of Technology) constate, qu’environ 35 gigatonnes de carbone ont été séquestrées sur la surface terrestre entre 1992 et 2019. Cette accumulation de carbone terrestre augmente de 30% sur la dernière décennie passant de 0,5 gigatonne par an à 1,7 gigatonne par an. Mais la végétation, principalement constituée de forêts, ne représente que 6 % de ces gains de carbone. Les forêts étaient jusqu’à présent considérées comme les principaux puits de carbone mais les perturbations liées au changement climatique ou aux activités humaines (incendies, déforestation…) les fragilisent et font qu’elles peuvent émettre presque autant de carbone qu’elles en accumulent dans certaines situations. Elles restent cependant d’importants stocks de carbone qu’il est nécessaire de protéger.

Les principaux puits de carbone terrestres sont plus persistants

Les résultats montrent que les principaux mécanismes d’accumulation de carbone terrestre sont liés à l’enfouissement de carbone organique dans des environnements anaérobies comme les fonds de plans d’eau naturels et artificiels. Plus surprenant, les résultats indiquent qu’une part non négligeable des puits terrestres de carbone pourraient être liés aux activités humaines comme la construction de barrages ou de plans d’eau artificiels, ou l’utilisation de bois de construction. Une sortie positive de cette étude est que la majorité des gains de carbone terrestre sont séquestrés de façon plus persistante que dans la végétation.

Le manque de données sur l’accumulation de carbone dans les sols, les plans d’eau et zones humides ont amené les modèles actuels de dynamique globale de carbone dans la végétation à fortement surestimer le rôle des forêts dans les puits de carbone terrestre. Cette étude permet d’identifier des processus clés dans l’accumulation de carbone terrestre qui ne sont pas inclus dans les modèles actuels. Ces résultats pourraient servir de ressource pour la validation de futurs modèles de dynamique du carbone dans la biomasse végétale.

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16 réflexions au sujet de « Le carbone terrestre est majoritairement séquestré par la matière organique inerte »

  1. «  » » » » »Les principaux puits de carbone terrestres sont plus persistants » » » » » »
    C’est vrai que pour ceux qu’on est entrain de vider , certains ont persisté pendant des centaines de millions d’années

  2. Au risque de me répéter sur le mythe de la forêt puits de carbone.
    L’arbre est un être vivant, il a donc une naissance, une croissance, une maturité et une mort.
    Lors de sa croissance, l’arbre stocke le CO2 (c’est le puits de carbone), à sa maturité, le stockage devient faible, à sa vieillesse, il est encore plus faible. A sa mort, l’arbre restitue le CO2 à la nature, sauf les rémanents, mais ce pourcentage est alors très faible.
    Une forêt « naturelle » est par nature équilibrée : autant de naissances que de décès. Une forêt naturelle ne stocke donc pas de CO2.
    Une grande partie de la forêt française a été plantée après la seconde guerre mondiale grâce à la loi de 1948. Elle vieillit et stocke donc de moins en moins de CO2. On entend ça et là que c’est à cause du réchauffement climatique. Balivernes ! c’est à cause de son âge.
    Pour stocker le CO2 des arbres, il faut en faire du bois d’ oeuvre : poutres, madriers, meubles, etc …
    L’incendie de Notre Dame a montré combien le CO2 stocké dans la charpente avait été dévastateur : il a été un puissant combustible.

    • Je ne suis pas chimiste mais je ne pense pas que le co2 soit un combustible. Plutôt l hydrogène non ? Dans les hydrocarbure c est l hydrogène qui est source d énergie. Mais je dis peut-être une grosse bêtise….

      • C’est le C (le carbone) qui est le combustible. C’est pour cette raison qu’on se chauffe au bois. Le CO2 est contenu dans la lignine (environ la moitié du bois sec, l’autre moitié étant la cellulose).

    • – La grande forêt des Landes et de Gironde a été plantée à l’origine sous le Second Empire, mais il ne reste rien de cette forêt d’origine, objet d’une exploitation continue pour le bois et la résine notamment : coupes et reboisements sont savamment, continuellement et écologiquement programmés pour la meilleure rentabilité de la forêt.
      – La déforestation n’est pas une nouveauté des XXème ou XXIème siècles, même si de nos jours les techniques peuvent avoir des effets dévastateurs décuplés : la garrigue et la Grande Prairie entre autres , comme je l’ai lu ailleurs dans ce site, sont l’œuvre des bergers, chasseurs et cultivateurs tout au long des siècles et même des millénaires, mais le faible nombre des anciennes peuplades a pu limiter la casse…
      Pour schématiser, le bédouin n’est pas tant le fils du désert que son père : la « symbiose » homme-nature » (cf. Les Amérindiens avec les bisons) serait-elle encore l’un des nombreux mythes lénifiants de l’écologisme bien-pensant, toujours à la recherche d’un paradis terrestre des origines (i.e. d’avant le Capitalisme honni, surtout) où homme et nature auraient vécu en harmonie, dans le respect mutuel, un peu comme dans le mythe du « bon sauvage », l’Adam d’avant la chute ?
      Autre parallèle possible ici avec la vision religieuse, sauf que la vision religieuse est finalement plus « réaliste » car elle ne confond pas les plans entre Histoire et Métahistoire qui est irruption de Dieu dans l’histoire des hommes.
      Faut-il rappeler que pour Rousseau le « bon sauvage » (idée lancée par Montaigne) n’a jamais existé, mais n’est qu’un procédé d’analyse théorique permettant de mieux comprendre l’état de l’homme réel en société par comparaison (comme pour les utopies) ?
      A notre époque de pensée binaire -sur le modèle du langage informatique (1-0) ?- qui ignore les nuances et où tout est pris au pied de la lettre,  » le nez dans le guidon », avec un appauvrissement alarmant de l’expression orale (réseaux sociaux obligent) et du langage écrit (on est loin des débats théologiques des IIIeme et IVeme siècles, « byzantins » avant la lettre, pour prendre l’excès inverse) certains écolos ont pris le mythe du « bon sauvage » comme argent comptant, ayant réellement existé et modèle à suivre : un peu le babacool hippie et chevelu des années 60, la « fumette » en moins (et encore, il y a bien le calumet de la paix)…
      On pourrait faire aussi ce rapprochement avec la pensée communiste qui croit elle à un sens de l’Histoire allant vers une ère de bonheur réalisée au sein d’une société sans classe, ni conflit (pensée « matérialiste » héritée d’une mauvaise compréhension de Hegel, qui reste un « spirituel ») : ici le Paradis n’est plus à l’origine mais à la fin, ce n’est plus le paradis terrestre du commencement mais le Paradis terrestre de la fin de l’Histoire…
      Seul le Christianisme, dont cette vision hérite volens nolens (comme toute la pensée humaniste d’ailleurs), peut réunir les deux paradis (celui du commencement et celui de la fin) avec cohérence, par sa séparation de l’Histoire et de la Métahistoire ( les musulmans disent de façon similaire :  » Nous venons de Dieu et retournons à Dieu ») ; a contrario Ecologisme et Communisme en mettant au même niveau Histoire et Métahistoire, en aplatissant la Métahistoire sur l’axe horizontal de l’Histoire, et en voulant rester à un niveau « réaliste » et matérialiste des choses, versent immanquablement dans une vision irréaliste (idéaliste ?) et mythologique, comme nous le montre chaque jour l’Histoire en marche sens dessus dessous, à la différence de la grande cohérence de la vision religieuse qui maintient les plans séparés, et que le Communisme condamne pourtant comme… « opium du peuple » : mais qui est-ce qui vend du rêve aux humains crédules et leur promet des « lendemains qui chantent » sur terre à la fin de l’Histoire, ou leur promet un retour aux origines bienheureuses de l’humanité, celles d’avant l’apparition du capitalisme, dans un monde où Nature et Humanité vivront dans une harmonie éternelle ?
      Mais tout ceci est une autre histoire…

      • La superficie de la forêt française à plus que doubler depuis le 19eme siècle. C’est l’arrivée du charbon qui l’à permis. En effet, avant le charbon, le bois était la principale source d,énergie

      • Pour être tout à fait explicite (je ne l’ai peut-être pas suffisamment été dans mon précédent envoi) vous aurez compris que « les deux Paradis » ressortissent bien à la Métahistoire : cela paraît évident pour le Paradis des fins dernières, celui dans lequel vont les élus après la mort, mais paraît moins évident pour le Paradis dit « terrestre » : de fait ce « Paradis » premier, celui de l’harmonie originelle entre l’Homme et la Nature rêvée par les écolos, est situé sur la Terre d’avant la faute (ante-lapsaire), celle dont Adam a été chassé, d’où il est tombé un degré plus bas sur notre terre actuelle (il s’agit d’une chute) et dont aucune archéologie ne peut plus retrouver le sol, et pour cause puisqu’il n’a jamais été celui du « plancher des vaches » : nous sommes bien dans la Métahistoire, celle de la première Alliance rompue entre Dieu et l’Homme par la faute de ce dernier… à la différence du mythe du « bon sauvage » qui, mal compris, d’une manière réaliste et non comme procédé heuristique, est rattaché horizontalement à notre Histoire… et a fortiori la croyance tout aussi irréaliste en un progrès de l’Histoire qui irait vers la Paix, la Justice et la Fraternité entre les Hommes par le simple jeu d’un processus dialectique, au terme d’une lutte des classes déterminée par des mécanismes purement économiques et qui aboutirait à leur dépassement final (le matérialisme historique, totalement horizontal lui aussi).

  3. FBL
    «  » » » »Pour stocker le CO2 des arbres, il faut en faire du bois d’ oeuvre : poutres, madriers, meubles, etc … » » » »
    Vous oubliez « cercueils » qu’il faut enterrer et pas brûler

  4. Une parcelle cultivée stocke (et exporte par les récoltes) bien plus de CO2 qu’une forêt, même jeune: biologie plus active et fabrication de plus de matière sèche;

    • Une forêt bien gérée, coupée à intervalles réguliers pour en extraire du bois d’oeuvre ou d’ameublement, voire même du bois de chauffe et replantée après chaque coupe est un excellent puits de CO2, infiniment plus que les forêts primaires que l’on nous a longtemps vendues comme étant le(s) poumon(s) de la planète alors que leur bilan captage de CO2 / émissions de CO2 est à peu près équilibré.

  5. En Aveyron, la superficie boisée a augmenté considérablement du fait de la diminution de l’exploitation agricole. Prenez des photos de la fin du XIXème ou du début du XXème siècle. Dans une économie rurale agricole, vous y voyez peu d’arbres. Comparez avec aujourd’hui, la différence est énorme. Je ne sais pas quel bilan on peut en tirer.

    • @le Douze
      qui a dit
      «  » » »En Aveyron, la superficie boisée a augmenté » » » » »
      En Sibérie aussi et cela depuis 10 000 ans ; mais c’est pas pour les mêmes raisons

    • Une bonne part de la forêt sous nos latitudes, jusqu’à l’avènement des combustibles fossiles, servait autrefois de source d’énergie, de chauffage et de matériaux de construction. Les charbonniers dévastaient les forêts pour en tirer du charbon de bois pour les forges et la production de chaux vive. De plus, l’agriculture dépourvue d’engrais était essentiellement extensive et donc gourmande en surfaces cultivables prélevées essentiellement dans les zones forestières.
      Par ailleurs, surtout le midi, les incendies prenaient souvent des proportions catastrophiques en période de sécheresse, les moyens de lutte étant dérisoires comparés à ceux que nous possédons actuellement. Les sinistres duraient des semaines, des mois parfois jusqu’à ce que le vent qui les poussait s’arrête enfin ou qu’une averse improbable, surtout en période estivale, les éteigne .
      Aux vacanciers qui s’émeuvent de voir quelques centaines d’hectares de pinède partir en fumée disons que la forêt provençale n’a jamais été aussi étendue et en aussi bonne santé qu’actuellement.
      Remercions-en les combustibles fossiles qui ont stoppé l’exploitation forestière intensive et anarchique des siècles passés et qui alimentent les moyens de lutte anti-incendie terrestres et aériens avec une efficacité sans précédent dans l’histoire humaine.

    • Comme je le souligne dans mon commentaire un peu plus bas, l’agriculture extensive sans engrais nécessitait plus de surfaces occupées qu’actuellement parce qu’il fallait laisser reposer le sol en jachères pendant de longues périodes.
      Et la forêt, avant l’ouverture des premières mines de charbon au 19e siècle, était la seule source d’énergie à haute température pour le chauffage, l’affinage et la forge du fer ainsi que pour la production de chaux vive indispensable à la construction immobilière et au génie civil.

  6. Moi, j’ai compris ce qu’il faut que je fasse en lisant un document du HCC.
    1/ Massacre à la tronçonneuse : j’abats tous les arbres qui entourent mon domicile.
    2/ Scie : je les découpe en planches de bois.
    3/ Pistolet à clous : je les plaque sur les murs de mon domicile.
    J’ai ainsi créé un puits de carbone en bois d’oeuvre.
    Ce puits contrebalance les émissions et améliore le bilan français.
    C’est bon pour le climat.

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