La banquise arctique se montre résiliente

Article publié le 17 mai 2025 sur le site Arcfieldweather du météorologue Paul Dorian. Traduit par la rédaction.


Des températures quasi normales sont attendues dans la région arctique pour la prochaine saison estivale, comme le suggère le graphique ci-dessous qui compare mois par mois les températures de l’année en cours (orange) aux températures moyennes de la période 1958-2022 (bleu).

Données fournies par l’Institut météorologique danois. Cliquez ici pour actualiser le graphique.

Les températures de l’Arctique sont normales pendant les mois d’été

Dans la région arctique, les températures durant les mois froids sont généralement supérieures à la normale, tandis que celles de l’été (juin, juillet et août) se situent à des niveaux proches de la normale autour de 0 °C. Or ce sont les températures des mois d’été qui sont les plus importantes pour l’étendue de la banquise arctique, car c’est la saison de fonte dans cette région du monde. Tant que les températures de la saison estivale resteront proches de la normale, la fonte de la banquise arctique restera limitée tant en termes d’étendue que de volume.

Ce schéma de températures, quasi normales pendant les mois d’été de juin, juillet et août et supérieures à la normale les neuf autres mois de l’année, se reproduit pratiquement chaque année depuis le milieu du siècle dernier dans la région arctique.

Cette tendance s’est même maintenue depuis le début du XXIe siècle. Les températures de la saison de fonte estivale cruciale de juin, juillet et août, sont restées proches de la normale, celle des neufs autres mois de l’année atteignant des niveaux bien supérieurs à la normale.  

Ces dernières années, les températures dans la région arctique ont été proches de la normale pendant la saison estivale (de fonte) de juin, juillet et août, et supérieures à la normale pendant les neuf autres mois (les plus froids) de l’année. En fait, ce type de température annuelle dans la région arctique est relativement stable depuis le début du siècle. Données publiées avec l’aimable autorisation de l’Institut météorologique danois.

L’impact des températures sur la banquise

L’étendue de la banquise arctique est inférieure à la normale depuis le milieu des années 1990. Cependant, compte tenu de cette tendance constante des températures à rester proches de la normale pendant la saison estivale (période de fonte), le risque d’une nouvelle baisse significative de la banquise arctique est limité .

Les températures des mois de juin, juillet et août se situent généralement à des niveaux proches ou juste au-dessus du point de congélation. Tant qu’elles restent à ce niveau pendant la fonte estivale, les risques de nouvelles fontes significatives de la banquise arctique seront limités. Des températures nettement supérieures à la normale durant les neuf autres mois de l’année ont un impact minime sur la fonte de la banquise arctique, car elles sont généralement bien inférieures au point de congélation. Ainsi, grâce à cette tendance à la stabilité stable des températures d’été ces dernières années, la banquise arctique a fait preuve d’une certaine résilience, tant en termes d’étendue que de volume, depuis une douzaine d’années.

L’anomalie de l’indice de température moyenne +80N est présentée ici depuis 1960, comparée au climat (moyenne annuelle moins la valeur climatique correspondante). L’anomalie « toute l’année » est représentée par la ligne noire et a augmenté depuis le milieu des années 1990. L’anomalie « été » de juin, juillet et août est représentée en rouge et s’est maintenue à des niveaux proches de la normale. Un changement important de l’oscillation multi décennale atlantique (AMO) s’est produit au milieu des années 1990 (indiqué par une flèche), passant d’une phase négative à positive. Le climat de référence est celui du CEPMMT-ERA40 1958-2002. (Graphique reproduit avec l’aimable autorisation de
l’Institut météorologique danois.)

Outre  son étendue, le volume de la banquise est un indicateur climatique important à surveiller, car il dépend à la fois de son étendue et de son épaisseur. Le volume de la banquise arctique est difficile à surveiller en continu, car les observations par satellite, sous-marins et mesures sur le terrain sont limitées dans l’espace et le temps. Par conséquent, l’un des meilleurs moyens d’estimer le volume de la banquise est d’utiliser des modèles numériques qui exploitent toutes les observations disponibles. Un de ces modèles informatiques, développé par l’Université de Washington, est appelé Pan-Arctic Ice Ocean Modeling and Assimilation System (PIOMAS, Zhang et Rothrock, 2003 ). Le volume de banquise arctique, dérivé de ce modèle, montre une tendance constante à la baisse depuis le milieu des années 1990 jusqu’au point bas atteint en 2012, puis une tendance générale latérale jusqu’à aujourd’hui. 

Le volume de glace de mer arctique estimé par le modèle numérique PIOMAS de l’Université de Washington montre une certaine résilience depuis une douzaine d’années (encadrée sur la courbe). Les données de sortie du modèle sont mises à jour mensuellement et présentées ici jusqu’en mars 2025. Des informations détaillées sur le modèle PIOMAS sont disponibles
ici

L’augmentation des niveaux de vapeur d’eau dans l’atmosphère : une explication possible

Une explication possible de la persistante de ce schéma de température dans la région arctique, pourrait être l’augmentation des niveaux de vapeur d’eau dans l’atmosphère.

L’étendue de la banquise arctique est inférieure à la normale depuis le milieu des années 1990, époque à laquelle l’oscillation multi décennale atlantique (AMO) a connu un changement important, caractérisé par des températures de surface de la mer plus élevées que la normale dans l’océan Atlantique Nord. Après ce changement, l’étendue de la banquise arctique a progressivement diminué et a atteint son point le plus bas en 2012, à des niveaux jamais observés à l’ère des satellites, qui remonte à la fin des années 1970. Depuis lors, cependant, l’étendue de la banquise arctique est restée relativement stable, notamment au cours des douze dernières années. Des études récentes confirment la « résilience » observée ces dernières années de la banquise arctique; non seulement au mois de septembre – période du minimum annuel – mais également tous les autres mois de l’année.

Une explication possible de la persistante de ce schéma de température dans la région arctique, pourrait être l’augmentation des niveaux de vapeur d’eau dans l’atmosphère.

L’humidité relative (à gauche) et les températures de surface (à droite) ont été en moyenne supérieures à la normale durant l’hiver dans la région arctique (indiqué par des flèches) au cours des dix dernières années (2014-2024). Une augmentation de la vapeur d’eau (et de l’humidité relative) pendant la saison froide et sèche de l’Arctique peut avoir un impact bien plus important sur les températures de l’air que pendant la saison estivale (de fonte) plus chaude et plus humide. Cartes reproduites avec l’aimable autorisation de la NOAA/NCAR.

L’évolution quelque peu étrange des températures dans la région arctique ces dernières années, avec des étés presque normaux en juin, juillet et août, et des températures plus chaudes que la normale pendant les neuf autres mois (les plus froids) de l’année, suggère que la vapeur d’eau pourrait jouer un rôle clé. La teneur en vapeur d’eau a augmenté en moyenne dans le monde au cours des deux dernières décennies, principalement en raison de températures de surface de la mer supérieures à la normale dans l’Atlantique Nord (AMO positif) et dans l’océan Pacifique (multiples épisodes El Niño). Des températures de l’eau supérieures à la normale entraînent une évaporation accrue, ce qui, à son tour, entraîne une teneur en vapeur d’eau plus élevée dans l’atmosphère.

Un point essentiel ici est qu’une augmentation de la teneur en vapeur d’eau aura un impact plus important sur les températures dans les environnements très froids et secs, et moins important dans les atmosphères plus chaudes et humides. Autrement dit, si la teneur en vapeur d’eau augmente effectivement partout dans le monde, l’impact sur les températures dans les tropiques – où il fait chaud et humide toute l’année – serait bien moindre que dans la région arctique. Et dans la région arctique, une augmentation globale de la teneur en vapeur d’eau aurait un impact bien plus important sur les températures pendant les neuf mois les plus froids de l’année, où le temps peut être extrêmement froid et sec, par rapport à la saison estivale (de fonte) généralement plus chaude et humide.

Tout cela conduisant à la tendance thermique quelque peu étrange que nous avons observée dans la région arctique pratiquement toutes les années depuis le début du siècle.


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2 réflexions au sujet de « La banquise arctique se montre résiliente »

  1. Merci pour la traduction de cet article.

    Le dernier chapitre, sur l’augmentation de la vapeur d’eau dans l’atmosphère polaire, est à rapprocher du constat de la diminution de la vapeur d’eau dans l’atmosphère d’autres régions du globe.
    En effet, des études récentes observent une diminution générale sur la même période (mesures satellitaires spécifiques) et une diminution – paradoxale – de l’évaporation dans certains bassins océaniques.
    Tout ceci va à l’encontre de l’extrapolation simpliste de la formule de Clausius-Clapeyron, valable en laboratoire et sous des conditions qui ne sont visiblement pas remplies dans l’atmosphère terrestre.
    Une explication peut résider dans la diminution de la force de certains vents, laquelle peut résulter de la diminution du gradient de température par rapport à l’équateur.

  2. l’augmentation de la vapeur d’eau dans l’atmosphère polaire ou ailleurs c’est comme pour le CO2; l’homme en est responsable tant qu’il peut bruler du pétrole

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