Événements météorologiques extrêmes : pas d’évolution significative selon le rapport 2019 de l’assureur AON

La société d’assurance  AON vient de publier son rapport 2019 sur les désastres naturels. Nous avions sur ce site commenté les trois précédents rapports ( 2016, 2017 et 2018) qui ne mettait en évidence aucune évolution significative du nombre et de la sévérité des événements climatiques extrêmes, notamment des cyclones qui sont répertoriés avec précision depuis l’ère satellitaire. Le rapport 2019 confirme ce constat même si l’assureur insiste sur l’augmentation des pertes économiques liées à ces événements : la décennie 2010-2019 a ainsi enregistré 417 milliards de dollars de dommage matériels, soit près de 10 fois plus que la décennie 1950-1960 ( 45 milliards de dollars). Cette évolution doit être mise en relation avec l’augmentation de la population mondiale qui est passée de 3 à 7 milliards et celle de l’urbanisation et de l’exposition aux risques. Il est d’autre part significatif que pour la neuvième année consécutive, le nombre de décès dus aux désastres naturels soit en dessous de la moyenne à long terme. Avec 11 0000 décès, 2019 se classe ainsi parmi les 13 années les moins coûteuses en vies humaines depuis 1950.

Un événement doit répondre à au moins un des critères suivants pour être considéré comme une catastrophe naturelle :

  • Perte économique : 50 millions de dollars US
  • Perte assurée : 25 millions de dollars US
  • Décès : 10
  • Blessés : 50
  • Maisons et structures endommagées ou réclamations déposées : 2000

Selon ces critères il y a eu 409 catastrophes naturelles en 2019 (dont 32 séismes), un chiffre légèrement supérieur à la moyenne 2000-2019 (377). L’évolution du nombre d’événements sur la période 2000-2019 est présentée dans le tableau ci-dessous (Figure 1).

Figure 1 : Nombre de catastrophes naturelles en 2019 (source rapport 2019 AON)

Il faut noter qu’ AON a entrepris une réanalyse des données qui l’a conduit à introduire à partir de 2018 dans sa base de données des événements qui n’y figuraient pas les années antérieures. Le nombre des événements de la période 2003-2017 a donc été très sous estimé dans les rapports antérieurs à 2018 comme le montre le tableau ci-dessous (Figure 2).

Figure 2 : Réajustement du nombre d’événements de la période 2003-2017 (en jaune). Les données 2003-2017 actualisées (orange) n’apparaissent qu’à partir du rapport 2018 (Source : rapport AON 2019)

Répartition par type d’événement

Les principales catastrophes ont été les inondations (158 événements), suivies des « événements météorologiques sévères » (114 ), des cyclones (32 événements) et des tremblements de terre (32 événements).

Figure 3 : nombre d’événements par type (Source : rapport AON 2019)

Les « événements météorologiques sévères » ( severe weather ) est une catégorie fourre-tout dans laquelle on trouve (notamment) les orages, les tornades et les épisodes de grêle. Le rapport AON a analysé ces événements en détail pour les Etats-Unis seulement.

Les inondations

Rappelons d’abord que dans liste des inondations les plus mortelles recensées, aucune n’a eu lieu au cours des 30 dernières années. C’est la Chine qui paye le plus lourd tribut aux inondations. En 1887 une inondation du fleuve Jaune a tué entre 1 et 2 millions de personnes. En 1931,  l’inondation du Yangtse a tué 3,7 millions de personnes. Ces deux inondations sont considérées comme les plus grand désastres naturels du 20ème siècle.

Ensuite, les données  hydrométriques sont rares et limitées dans le temps en raison de l’absence de systèmes d’observation à long terme. De plus les tendances à long terme des variables hydrologiques sont souvent masquées par  une importante variabilité inter annuelle et décennale. 

En 2019 les inondations les plus sévères ont été dues à la mousson en Chine (300 morts) et en inde (1750 morts) et aux conséquences des cyclones Hagibis et Faxai (Japon), Lekima (Chine, Philippines, Japon) et Dorian (caraïbes et Amérique du nord). Le rapport se focalise d’autre part sur une période exceptionnellement humide aux Etats-Unis de janvier à mai 2019 qui a provoqué plusieurs inondations importantes dans les plaines du Midwest et la vallée du Mississippi.

Les cyclones

L’ouragan Dorian qui s’est abattu en septembre 2019 sur les Bahamas qui, avec des vents de 295 km/h a été d’une intensité comparable à celle de l’ouragan de la fête du Travail de 1935, qui fut l’ouragan le plus intense jamais enregistré de l’océan Atlantique.

Pour autant, sur la longue période (1990-2019), on assiste à une diminution du nombre des cyclones comme le montrent les deux diagrammes ci-dessous (figures 4 et 5).

Figure 4 : nombre total de cyclones (en bleu). Pourcentage de catégorie 4 et 5 (en jaune) Source : rapport AON 2019
Figure 6
Figure 5 : Evolution du nombre des cyclones 1990-2019 pour tous les bassins. Catégorie 1 et 2 (rouge), catégorie ” et + (vert). Total (bleu). Source : rapport AON 2019

Les événements météorologiques sévères

Les violentes tempêtes convectives entraînent des pertes matérielles importantes en particulier aux États-Unis où les orages génèrent des tornades, de la grêle et des vents violents.
Les Etats Unis ont enregistré officieusement 1520 tornades au cours de l’année 2019, le précédent record datant de 2011 (1691 tornades ). Le Storm Prediction Center de la NOAA a répertorié cette année 36 tornades classées (sévères) ou EF4 (dévastatrices) selon l’échelle de Fujita à comparer avec la saison historique de 2011 qui avait enregistré 84 événements de ce type ou celle de 1974 qui avait enregistré 131 tornades EF3 et +, dont 7 classées EF5.

Les principaux dommages sont causés par la grêle notamment dans la traditionnelles ceinture de grêle des États-Unis (Colorado, Texas, Oklahoma, Dakota du Sud, Kansas Nebraska).
En ce qui concerne la fréquence des épisodes de grêle les plus sévères sévères (définis par la NOAA par des grêlons ayant 5 centimètres ou plus de diamètre), les données sont incertaines. Depuis que le radar Doppler est utilisé en 1990, les rapports de grêle ont montré un taux de croissance annuel légèrement supérieur à 2% suggérant une fréquence accrue des tempêtes. Mais, précise le rapport AON, les signalements des épisodes de grêle sont entachés d’un biais lié à l’urbanisation comme le montre la figure 6 extraite du rapport.

Figure 7
Figure 6 : biais des mesures dus à l’urbanisation. Source NOAA (Storm Prediction Center)

Les 2 graphiques suivants montrent l’évolution du nombre de tornades depuis 1950. On y voit une augmentation du nombre total de tornades (Figure 7) mais une nette diminution du nombre de tornades classées EF3 et plus ( (Figure 8).

Figure 7 : nombre total de tornades aux Etats-Unis ( (Source : rapport AON 2019)


Figure 8 : Nombre de tornades EF 3 et plus aux Etats-Unis ( Source : rapport AON 2019)

Les incendies de forêt

Les récents incendies en Californie, au Brésil et en Australie ont frappé les esprits et donnent le sentiment d’une planète en feu. Pourtant, contrairement à cette perception, les dernières décennies ont connu au plan mondial une réduction du nombre des incendies notamment en Europe. Les données satellitaires montrent que les surfaces  brûlées ont globalement diminué de 25%  au cours des 18 dernières années ( Andela et al. juin 2017)

Bilan humain

Plus de 11 000 personnes ont perdu la vie lors de catastrophes naturelles en 2019. Le nombre de décès n’a toutefois pas dépassé les moyennes à long terme pour la neuvième année consécutive. 2019 se classe parmi les 13 années au cours desquelles le nombre total de décès dus à des catastrophes est le plus bas depuis 1950. (Figure 9).

Figure 9 : nombre de décès liés aux catastrophes naturelles (Source : rapport AON 2019 )
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